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Débats du Sénat (Hansard)

1re Session, 44e Législature
Volume 153, Numéro 215

Le mercredi 19 juin 2024
L’honorable Raymonde Gagné, Présidente


LE SÉNAT

Le mercredi 19 juin 2024

La séance est ouverte à 14 heures, la Présidente étant au fauteuil.

Prière.

[Traduction]

DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS

La Journée nationale de la sensibilisation à la drépanocytose

L’honorable Jane Cordy : Honorables sénateurs, c’est aujourd’hui la Journée nationale de sensibilisation à la drépanocytose au Canada. La drépanocytose et la thalassémie sont les maladies génétiques les plus courantes au monde. On estime que 6 500 Canadiens et leur famille vivent avec la drépanocytose. Pour beaucoup d’entre eux, le seul traitement consiste en des transfusions sanguines régulières.

L’anémie falciforme, ou drépanocytose, est transmise par des parents porteurs du gène de la drépanocytose. Les globules rouges deviennent fragiles et en forme de faucille. Ces cellules transportent l’oxygène dans tout le corps et, en cas de manque d’oxygène, de graves complications surviennent et peuvent avoir des conséquences dévastatrices sur la qualité de vie et la santé.

Les manifestations de la maladie comprennent des épisodes de douleur intense, un risque accru d’infection grave et de décès, des dommages aux organes et un risque d’accident vasculaire cérébral jusqu’à 300 fois supérieur à celui de la population générale.

Honorables sénateurs, j’ai eu le grand plaisir d’assister au gala annuel Hope Gala and Awards à Toronto, le week-end dernier, qui était organisé par le groupe de sensibilisation à la drépanocytose de l’Ontario. À cette occasion, l’honorable Jean Augustine a reçu le prix d’excellence de la législature. Jean a été récompensée pour les décennies qu’elle a consacrées à la sensibilisation dans sa communauté et ici, sur la Colline du Parlement.

Le 3 novembre 1997, Jean a été la première personne à parler de la drépanocytose à la Chambre des communes. Et la réflexion se poursuit encore aujourd’hui. Ce matin, j’ai eu la chance de participer à la deuxième édition du déjeuner parlementaire annuel de la drépanocytose sur la Colline du Parlement. L’événement était organisé par le Groupe canado-africain du Sénat.

Honorables sénateurs, en ce 19 juin, j’aimerais rappeler le souvenir d’une guerrière et militante pour la drépanocytose, Angela Ngozi Njoku, qui est décédée le 21 mai 2024, à l’âge de 53 ans, de complications liées à la drépanocytose. Elle était connue en Nouvelle-Écosse comme ardente défenseure des personnes atteintes de cette maladie. Angela est née au Ghana, mais a déménagé à Halifax avec sa famille en 1976, alors qu’elle était encore toute jeune. Tous ceux qui ont eu la chance de la rencontrer ont été conquis par son sourire et sa personnalité chaleureuse.

Honorables sénateurs, je tiens à remercier la sénatrice Mégie et le Groupe canado-africain du Sénat pour leur travail soutenu de sensibilisation à la drépanocytose. En unissant nos efforts, nous pouvons continuer à améliorer la vie d’un grand nombre de personnes.

Merci.

Des voix : Bravo!

La Loi sur le moratoire relatif aux pétroliers

Le cinquième anniversaire

L’honorable Peter Harder : Honorables sénateurs, je prends la parole pour souligner que le vendredi 21 juin marque le cinquième anniversaire de l’adoption du projet de loi C-48, qui vise l’interdiction des pétroliers dans le Pacifique Nord du Canada. J’ai eu l’honneur de travailler avec la sénatrice Jaffer, la marraine de ce projet de loi, qui a été très important pour la Colombie-Britannique et pour de nombreuses Premières Nations du Nord-Ouest du Pacifique.

Le projet de loi C-48 officialise une politique établie en 1985 par l’ancien premier ministre Brian Mulroney visant à prévenir un déversement majeur de pétrole dans l’un des derniers grands écosystèmes naturels de la planète. La côte nord de la Colombie‑Britannique comprend un quart de la dernière forêt pluviale côtière tempérée encore intacte dans le monde et les mers les plus productives sur le plan biologique de notre planète. La région abrite des cèdres rouges géants, des saumons, des ours esprits, des couguars, des aigles à tête blanche et plus de 25 espèces de mammifères marins.

Aujourd’hui, je vais vous faire part d’une déclaration de la cheffe Marilyn Slett, présidente de Great Bear Initiative, qui représente les huit Premières Nations des côtes nord et centrale de la Colombie‑Britannique et de Haida Gwaii et qui a contribué à guider le Sénat dans l’adoption du projet de loi C-48. Elle a dit :

Cela fait maintenant cinq ans que le projet de loi C-48 a été promulgué. Pendant cette période, nos nations ont collaboré avec les gouvernements de la Colombie-Britannique et du Canada pour protéger l’environnement naturel, atténuer les changements climatiques et s’y adapter, revitaliser les pêches côtières, ramasser les plastiques et les engins de pêche abandonnés, créer des emplois pour les jeunes et élaborer un plan d’action pour un réseau d’aires marines protégées qui fera date. Notre travail est à l’origine des engagements pris par le Canada dans le cadre de son plan visant à protéger 25 % des aires marines d’ici 2025 et 30 % d’ici 2030.

Au cours des cinq dernières années, il n’y a pas eu de déversement majeur de pétrole, mais un déversement comme celui du Exxon Valdez serait absolument catastrophique pour les Premières Nations, la Colombie-Britannique et le Canada. Nous restons vigilants face à ce risque.

Dans l’esprit de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones et du programme de réconciliation des deux gouvernements de la Couronne, nous remercions le Parlement de protéger nos terres et nos eaux ancestrales à l’aide du projet de loi C-48, qui confirme nos droits constitutionnels et inhérents.

Aucun autre gouvernement ni aucune autre communauté ne dépend aussi directement du milieu marin et n’y est aussi étroitement lié que nous.

Honorables sénateurs, que cette loi protège longtemps la forêt humide tempérée du Grand Ours et les mers qui l’entourent dans le respect des souhaits des gardiens ancestraux de ce territoire, les Premières Nations côtières.

Ce projet de loi a vu le jour au Sénat il y a cinq ans, où il a fait l’objet de beaux discours et de vives discussions. Aujourd’hui, il est accepté pour la protection de l’environnement qu’il offre. Aujourd’hui, nous avons peut-être une leçon à tirer de cette histoire.

Des voix : Bravo!

La migration des mennonites au Manitoba

Le cent cinquantième anniversaire

L’honorable Donald Neil Plett (leader de l’opposition) : Chers collègues, il y a 150 ans, les mennonites ont commencé à quitter la Russie impériale pour immigrer au Canada. Ils ont quitté leurs maisons dans la colonie de Borosenko, en Ukraine — une terre au climat presque subtropical et aux sols fertiles — et ont entrepris un long et dangereux périple vers une région sauvage qu’ils connaissaient très peu. Ils ne l’ont pas fait à la légère. Ils avaient quitté la Pologne pour s’installer en Russie à la fin du XVIIIe siècle, à l’invitation de Catherine la Grande, qui leur avait promis des terres, la liberté de religion et l’exemption du service militaire. Mais plus tard, lorsque le tsar Alexandre II a décidé de leur retirer ces libertés, ils n’ont eu d’autre choix que de partir.

L’appel qu’ils ont adressé à un représentant du gouvernement pour demander l’autorisation de quitter le pays montre à quel point ils croyaient en leur décision. Ils ont écrit : « Nous ne quittons pas la Russie avec ingratitude, mais plutôt avec des larmes déchirantes et avec gratitude […] ». Ils ont aussi écrit : « Nous avons le devoir précieux et sacré de préserver la foi de nos ancêtres et de nous y accrocher […] ».

La première vague d’immigrants est arrivée en août 1874, débarquant au confluent de la rivière Rouge et de la rivière Rat, près de Sainte-Agathe, au Manitoba, après un voyage de 15 000 kilomètres. Ces immigrants avaient voyagé à cheval et en chariot, en bateau à vapeur fluvial, en train, en bateau à vapeur océanique, en laquier et, enfin, en bateau à aubes sur la rivière Rouge depuis le Dakota du Nord.

Quatre mois plus tard, les personnes qui avaient accès à des arbres avaient déjà construit des maisons en bois, en terre et en plâtre et, étonnamment, toutes les familles mennonites avaient desvmaisons et des écuries chaudes pour l’hiver. Elles étaient travaillantes, ambitieuses et déterminées.

Cependant, il ne faut pas croire que c’était facile. Les premières années qu’elles ont passées au Manitoba ont été extrêmement difficiles, et tout le monde n’a pas survécu. Cependant, elles ont persévéré.

Les premiers villages ont été établis sur une parcelle de terrain qui leur avait été réservée par le gouvernement à l’est de la rivière Rouge, connue sous le nom de réserve de l’Est. Ces villages s’appelaient Steinbach, Blumenort et Kleefeld. C’est là que les premières églises de l’Evangelical Mennonite Conference — alors connue sous le nom de Kleine Gemeinde — ont été construites, et d’autres ont suivi à mesure que la population a augmenté.

L’une de ces expansions a eu lieu en 1918, lorsque des familles ont déménagé dans la région de Landmark et y ont bâti une église du Kleine Gemeinde, qui est toujours florissante après plus de 100 ans. Mon arrière-grand-père, le révérend H. R. Reimer, a été pasteur de cette église pendant ses 25 premières années.

(1410)

Dimanche dernier, le service de notre église s’est terminé avec l’hymne chanté par les mennonites qui ont quitté la Russie en 1874, laissant derrière eux famille et amis qu’ils ne reverraient jamais dans la plupart des cas. Cet hymne est intitulé « Que Dieu soit avec vous jusqu’à ce que nous nous retrouvions ».

En terminant, je tiens à vous lire le premier couplet :

Que Dieu soit avec vous jusqu’à ce que nous nous retrouvions;

Que ses conseils soient votre force,

Que ses brebis vous gardent;

Que Dieu soit avec vous jusqu’à ce que nous nous retrouvions.

Je suis reconnaissant à mes ancêtres de leur esprit visionnaire, de leur sacrifice et de leur persévérance. Ils sont venus au Canada pour préserver leur foi et contribuer à faire de notre pays ce qu’il est aujourd’hui.

Danke Schoen. Merci.

Des voix : Bravo!

[Français]

Visiteurs à la tribune

Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune de Biba Tinga, Jude Mary Cénat et Dwayne Morgan. Ils sont les invités de l’honorable sénatrice Mégie.

Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.

Des voix : Bravo!

La Journée nationale de la sensibilisation à la drépanocytose

L’honorable Marie-Françoise Mégie : Chers collègues, chaque 19 juin, nous soulignons au Canada la Journée nationale de la sensibilisation à la drépanocytose. Elle a été implantée à la suite de la sanction royale du projet de loi déposé par la sénatrice Cordy.

Un petit-déjeuner parlementaire s’est tenu ce matin, sous le parrainage du Groupe canado-africain du Sénat, en partenariat avec l’Association d’anémie falciforme du Canada et le Centre interdisciplinaire pour la santé des Noir.e.s.

Nous avons profité de cette occasion pour remettre des médailles du couronnement du roi Charles III à la présidente de l’Association d’anémie falciforme du Canada, Mme Biba Tinga, ainsi qu’au Dr Jude Mary Cénat, de l’Université d’Ottawa, pour leurs efforts continus sur les questions liées à la maladie falciforme.

Il y a quand même de l’action. Ce matin, le député de Hamilton‑Centre a fait le lancement d’une pétition en ligne que les familles peuvent remplir. Demain, l’équipe du Dr Cénat organisera un forum sur l’avancement des soins offerts aux personnes atteintes de la maladie falciforme dans le monde à l’Université d’Ottawa. L’OMS souligne qu’approximativement 5 % de la population mondiale porte le gène de la drépanocytose et que 300 000 personnes naissent avec la forme sévère de la maladie, qui touche près de 6 000 personnes à l’échelle du Canada; c’est un chiffre qui continue d’augmenter.

J’aimerais vous rappeler que la maladie falciforme est particulièrement prévalente chez les personnes originaires de l’Afrique, des Caraïbes, du Moyen-Orient, de l’Amérique du Sud et de certaines régions de l’Inde et de la Méditerranée.

En cette Journée nationale de la sensibilisation à la drépanocytose, je vous invite à partager les campagnes de sensibilisation sur vos réseaux sociaux, afin que la population canadienne soit mieux informée, mieux diagnostiquée et mieux traitée contre les ravages de l’anémie falciforme.

Je vous remercie.

[Traduction]

Visiteurs à la tribune

Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune de membres du Cercle des survivants et du Cercle de gouvernance du Centre national pour la vérité et la réconciliation. Ils sont les invités de l’honorable sénateur Francis.

Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.

Des voix : Bravo!

Les survivants autochtones

L’honorable Brian Francis : Honorables sénateurs, avant de commencer, j’aimerais souligner que je parle depuis le territoire ancestral non cédé du peuple algonquin anishinaabe.

Aujourd’hui, j’ai l’honneur d’accueillir les membres du Cercle de gouvernance et du Cercle des survivants du Centre national pour la vérité et la réconciliation.

Ils sont accompagnés de Stephanie Scott, directrice principale du Centre national pour la vérité et la réconciliation, et d’autres membres du personnel.

En l’honneur de leur visite, en ce Mois national de l’histoire autochtone, je tiens à rendre hommage aux grandes contributions que les Premières Nations, les Inuits et les Métis, et plus particulièrement les survivants des pensionnats autochtones et des externats autochtones, ont apportées et continuent d’apporter au Canada.

Ces personnes témoignent non seulement de la force et de la résilience durables des peuples autochtones, mais elles sont également porteuses d’espoir et de changement pour les générations actuelles et futures. Chacune d’entre elles a enduré de nombreuses épreuves et mérite notre respect, notre attention et notre gratitude.

C’est parce que ces personnes ont eu le courage et la force de parler de leurs expériences, et parce qu’elles n’ont jamais renoncé à obtenir justice et à vouloir guérir, que le Canada a commencé à prendre conscience de la façon dont il a traité et traite encore les peuples autochtones. Ceux-ci méritent notre respect, notre gratitude et notre protection.

Bien que les peuples autochtones savent depuis longtemps que bon nombre de leurs enfants sont morts dans des pensionnats ou sur des sites connexes, les annonces faites depuis 2021 à propos des nombreuses éventuelles sépultures anonymes d’un bout à l’autre du pays ont attiré une nouvelle fois l’attention sur ces tragédies.

Aujourd’hui, les survivants, leur famille et leurs communautés s’emploient activement à préserver et à faire connaître la vérité sur ce qui s’est passé dans ces institutions. Ils dirigent aussi des efforts de recherche et de récupération afin d’apporter respect, honneur et dignité aux enfants qui ne sont jamais rentrés chez eux.

Chers collègues, nous devons veiller à ce que les personnes qui entreprennent ce travail difficile bénéficient d’un financement durable et adéquat et d’autres formes de soutien de la part du gouvernement fédéral.

Chers collègues, je vous invite à écouter des survivants autochtones, y compris ceux qui sont présents aujourd’hui, et à apprendre d’eux ce mois-ci et tout au long de l’année. Je vous invite aussi à les soutenir, ainsi que leur famille et leurs communautés, non seulement en paroles, mais aussi en actes. Travaillons ensemble pour reconnaître le passé, affronter le présent et à améliorer l’avenir.

Enfin, je tiens à remercier le Groupe des sénateurs canadiens, qui m’a offert ces quelques minutes pour que je fasse cette déclaration.

Wela’lin. Merci.

Des voix : Bravo!

Visiteurs à la tribune

Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune de Betty Patterson, la mère de la sénatrice Coyle, et d’Anne Patterson, la sœur de la sénatrice Coyle.

Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.

Des voix : Bravo!

Le Mois de la fierté

L’honorable Mary Coyle : Honorables sénateurs, c’est un honneur pour moi de prendre la parole aujourd’hui pour célébrer avec vous le Mois de la fierté.

Je sais que nous partageons tous les valeurs canadiennes fondamentales que sont le respect de la diversité, l’inclusion, l’acceptation et la compréhension. Ces valeurs ont été soulignées en 2017 par l’honorable Grant Mitchell lors de la présentation du projet de loi C-16, qui a apporté des modifications à la Loi canadienne sur les droits de la personne et au Code criminel afin de protéger les droits des personnes transgenres et des personnes de diverses identités de genre au Canada.

Je suis heureuse de souhaiter la bienvenue à ma sœur, Anne, et à ma mère de 97 ans, Betty.

La présente déclaration est une lettre d’amour à ma mère et à mon frère. Ma mère est née 60 ans après la Confédération, dans une famille catholique romaine dans la petite ville de Perth, en Ontario, dans un Canada où l’homosexualité était cachée et interdite à la fois par l’église et l’État.

Ma mère avait 42 ans lorsque le Canada a modifié ses lois pour décriminaliser les actes homosexuels consensuels, et elle avait 78 ans lorsque le mariage entre personnes du même sexe est devenu légal.

Ma mère est une matriarche : l’aînée de 10 enfants, la dernière tante encore vivante dans la famille nombreuse de mon père, mère de sept enfants, grand-mère de 14 petits-enfants et arrière-grand-mère de 20 arrière-petits-enfants. Ma mère était infirmière et elle a aidé des femmes à mettre des enfants au monde et à prendre soin d’eux.

Le 4 novembre 1955, la veille de mon premier anniversaire, Patrick, mon beau jumeau irlandais, est né à Orillia, en Ontario. Patrick était un enfant précoce, très charmant et brillant. Nous étions tous jaloux de lui lorsqu’il a été choisi pour participer à l’émission « Romper Room ».

Papa et maman nous aimaient et voulaient ce qu’il y avait de mieux pour leurs enfants. Ils étaient des catholiques stricts et très fervents; maman l’est toujours. Ce qu’ils ne savaient pas, c’est que leur fils Patrick, qui semblait s’épanouir socialement, scolairement et, plus tard, professionnellement, leur cachait, ainsi qu’aux autres, une part importante de son identité.

Patrick est gai. Malheureusement, pendant de nombreuses années, il a ressenti qu’il n’était pas prudent de sortir du placard — d’être lui-même — dans sa famille ou dans la société, et il avait probablement raison. Dieu merci, Patrick a pu compter sur l’amour de ses amis proches.

Heureusement, quand Patrick, dans la trentaine, est bravement sorti du placard auprès de nos parents, il a été accueilli avec amour et bienveillance. Maman et papa étaient tristes des difficultés que Patrick avait vécues en grandissant.

Nous, ses frères et sœurs, étions soulagés que nos parents acceptent notre frère et ne le condamnent pas. Cela n’a pas dû être facile pour eux.

Honorables collègues, alors que nous nous efforçons tous de protéger les droits des Canadiens en ces temps où les droits des personnes 2ELGBTQI — et en particulier les droits des enfants transgenres — sont de plus en plus menacés, encourageons les Canadiens à choisir l’amour et l’acceptation.

Ma mère a fait ce choix, et c’est pour cela que je l’aime.

Wela’lioq. Merci.

Des voix : Bravo!

(1420)

Visiteurs à la tribune

Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune de Fritz Radandt et de Robin Dhir. Ils sont les invités de l’honorable sénatrice Martin.

Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.

Des voix : Bravo!


AFFAIRES COURANTES

L’ombudsman fédéral des victimes d’actes criminels

Dépôt du rapport annuel de 2021-2022

L’honorable Patti LaBoucane-Benson (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le rapport annuel 2021-2022 du Bureau de l’ombudsman fédéral des victimes d’actes criminels.

Dépôt du rapport annuel de 2022-2023

L’honorable Patti LaBoucane-Benson (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le rapport annuel 2022-2023 du Bureau de l’ombudsman fédéral des victimes d’actes criminels.

La justice

La Commission du droit—Dépôt du plan ministériel de 2023-2024

L’honorable Patti LaBoucane-Benson (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le plan ministériel de 2023-2024 de la Commission du droit du Canada.

L’ajournement

Adoption de la motion

L’honorable Patti LaBoucane-Benson (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, avec le consentement du Sénat et nonobstant l’article 5-5a) du Règlement, je propose :

Que, nonobstant l’article 3-1(1) du Règlement, lorsque le Sénat s’ajournera après l’adoption de cette motion, il demeure ajourné jusqu’au jeudi 20 juin 2024, à midi.

Son Honneur la Présidente : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?

Des voix : D’accord.

Son Honneur la Présidente : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

(La motion est adoptée.)

[Français]

Projet de loi sur le Mois national de l’immigration

Première lecture

L’honorable Amina Gerba dépose le projet de loi S-286, Loi instituant le Mois national de l’immigration.

(Le projet de loi est lu pour la première fois.)

Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la deuxième fois?

(Sur la motion de la sénatrice Gerba, la deuxième lecture du projet de loi est inscrite à l’ordre du jour de la séance d’après‑demain.)

[Traduction]

Le Groupe interparlementaire Canada—États-Unis

La National Conference of State Legislatures, tenue du 13 au 16 août 2023—Dépôt du rapport

L’honorable Michael L. MacDonald : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le rapport du Groupe interparlementaire Canada—États-Unis concernant la National Conference of State Legislatures, tenue à Indianapolis, en Indiana, aux États-Unis, du 13 au 16 août 2023.

La réunion annuelle et le forum sur les politiques régionales du Council of State Governments East, tenus du 20 au 23 août 2023—Dépôt du rapport

L’honorable Michael L. MacDonald : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le rapport du Groupe interparlementaire Canada—États-Unis concernant la 62e réunion annuelle et le forum sur les politiques régionales du Council of State Governments East, tenus à Toronto, en Ontario, du 20 au 23 août 2023.

La visite au Congrès, du 13 au 16 novembre 2023—Dépôt du rapport

L’honorable Michael L. MacDonald : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le rapport du Groupe interparlementaire Canada—États-Unis concernant la visite au Congrès, tenue à Washington, D.C., aux États-Unis, du 13 au 16 novembre 2023.

La conférence nationale du Council of State Governments, tenue du 6 au 9 décembre 2023—Dépôt du rapport

L’honorable Michael L. MacDonald : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le rapport du Groupe interparlementaire Canada—États-Unis concernant la conférence nationale du Council of State Governments, tenue à Raleigh, en Caroline du Nord, aux États-Unis, du 6 au 9 décembre 2023.

La « Journée du Canada à Albany » organisée par le Consulat général du Canada à New York, les 27 et 28 février 2024—Dépôt du rapport

L’honorable Michael L. MacDonald : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le rapport du Groupe interparlementaire Canada—États-Unis concernant la « Journée du Canada à Albany » organisée par le Consulat général du Canada à New York, tenue à Albany, dans l’État de New York, aux États-Unis, les 27 et 28 février 2024.

[Français]

L’équité en matière de santé mentale, d’abus de substances et de toxicomanie

Préavis d’interpellation

L’honorable Sharon Burey : Honorables sénateurs, je donne préavis que, après-demain :

J’attirerai l’attention du Sénat sur les préoccupations persistantes concernant l’équité en matière de santé mentale, d’abus de substances et de toxicomanie au Canada.

Projet de loi sur le cadre national sur la maladie falciforme

Dépôt d’une pétition

L’honorable Marie-Françoise Mégie : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de déposer une pétition de résidents de la Colombie‑Britannique, de l’Ontario et du Québec qui appuient le projet de loi S-280, Loi concernant un cadre national sur la maladie falciforme.


[Traduction]

PÉRIODE DES QUESTIONS

Les finances

Le taux d’inclusion des gains en capital

L’honorable Donald Neil Plett (leader de l’opposition) : Monsieur le leader, hier, un comité de la Chambre des communes qui se penchait sur la terrible hausse d’impôt sur les gains en capital à venir a entendu le témoignage de Larry Stefanec, un plombier de Winnipeg. Il est très inquiet au sujet de sa retraite en raison de ces modifications fiscales. Il a dit ceci au comité :

[...] Je comprends que nous devons tous payer notre part. Je pourrais accepter un taux d’inclusion des gains en capital de 50 %, mais, d’après ce que j’ai compris, le projet de loi hausserait le taux à 66 %, simplement parce que le gouvernement a besoin de plus d’argent. Je suis un simple plombier qui essaie de bien gagner sa vie en gérant une entreprise. Pourquoi veut-on pénaliser quelqu’un comme moi qui travaille dur?

Je ne comprends tout simplement pas comment le gouvernement libéral au pouvoir peut être à ce point déconnecté de la réalité des gens.

Ce ne sont pas nos mots, monsieur le leader, mais ceux de Larry Stefanec de Winnipeg.

Monsieur le leader, qu’avez-vous à lui répondre? Pourquoi le gouvernement Trudeau veut-il punir les gens qui travaillent avec ardeur?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de la question.

Le gouvernement est d’avis que la modification du taux d’inclusion des gains en capital est un moyen mesuré et judicieux de rendre notre régime fiscal plus équitable. Mes collègues se rappelleront que le taux d’inclusion était de 75 % tout au long des années 1990. Rien n’indique que cela a eu une incidence sur le rendement économique du pays.

En outre, on ne peut pas démontrer avec certitude que la décision de baisser le taux d’inclusion à 50 %, en 2000, a donné quoi que ce soit.

C’est un moyen proportionnel et mesuré de rendre le régime plus équitable. N’oublions pas que les recettes générées par cette mesure, qui se chiffrent à environ 19,4 milliards de dollars, serviront à répondre aux besoins des Canadiens en matière de logement, d’assurance-médicaments et des soins dentaires.

Le sénateur Plett : Monsieur le leader, M. Günter Jochum, qui exploite une ferme céréalière à l’ouest de Winnipeg, a déclaré à ce même comité de la Chambre des communes :

Lorsque j’ai consulté mon comptable, il a estimé que je paierais 30 % d’impôts de plus. C’est stupéfiant, et si on augmente le taux d’inclusion des gains en capital pour les fermes familiales, le fardeau fiscal grimpera considérablement pour les nouveaux agriculteurs qui commencent leur carrière, comme ma fille Fiona.

Qu’avez-vous à dire à Fiona, monsieur le leader? En quoi cela est-il juste?

Le sénateur Gold : Merci de votre question.

Le gouvernement est bien conscient de l’incidence sur les exploitations agricoles, sur les agriculteurs et sur le transfert de propriété entre générations et il prend la situation au sérieux. C’est pourquoi l’exonération cumulative des gains en capital sur la vente de petites entreprises, en général pour les biens liés à l’agriculture ou à la pêche, a été bonifiée de 25 % pour atteindre 1,25 million de dollars.

Les dépenses du gouvernement

L’honorable Leo Housakos : Sénateur Gold, il y a quelques jours, le gouverneur de la Banque du Canada, M. Macklem, a dit que les 61 milliards de dollars de nouvelles dépenses du gouvernement Trudeau n’aident pas à faire baisser l’inflation et les taux d’intérêt.

Quand le gouvernement mettra-t-il fin à cette terrible expérience qui dure depuis neuf ans? Tout ce que cette expérience a permis de faire, c’est d’entraîner une hausse historique du coût de la vie, de doubler les loyers, de doubler les paiements hypothécaires et de pousser 1 million de Canadiens de plus à faire la file dans les banques alimentaires cette année par rapport à l’année dernière.

(1430)

Je sais que vous allez parler des forces indépendantes de notre volonté, des facteurs internationaux et d’excuses du type « le chien a mangé mon devoir » parce que le gouvernement Trudeau n’est jamais responsable de quoi que ce soit.

L’opposition vous propose, d’une manière constructive, une approche différente après neuf ans. Réduisez les impôts. Accordez un répit aux Canadiens. Misez à nouveau sur tout le travail que les Canadiens font pour faire croître l’économie, non pas du cœur vers le haut, mais à partir de leur propre...

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Le gouvernement du Canada respecte le travail de la Banque du Canada et les efforts — considérables — qu’elle a déployés pour faire baisser l’inflation, ainsi que le travail qu’elle continue d’effectuer pour trouver le juste équilibre entre la maîtrise de l’inflation et la mise en place de conditions propices à la croissance de l’économie.

Encore une fois, sénateur Housakos, vous avez beau répéter ces arguments, ils n’en deviennent pas exacts pour autant. Dans les faits, ils ne sont simplement pas exacts.

Les options politiques que vous avez si généreusement proposées au gouvernement sont des politiques dépassées dont l’inefficacité a été démontrée et est admise même par leurs partisans, que ce soit au sein du Parti conservateur du Canada ou au sud de la frontière.

Le gouvernement actuel a investi pour soutenir les Canadiens pendant la pandémie et il continuera d’investir pour créer une économie robuste et durable pour les générations à venir.

Le sénateur Housakos : Sénateur Gold, la seule chose qui est dépassée aux yeux des Canadiens, après neuf années passées sous le signe des impôts et des dépenses, c’est le gouvernement libéral de Justin Trudeau.

Il reste que, à cause des dépenses effrénées du gouvernement actuel, les familles canadiennes doivent payer 3 687 $ de plus rien que pour le service des intérêts de la dette que Justin Trudeau a accumulée. Cinquante-quatre milliards de dollars vont au paiement des intérêts sur la dette, alors que 6 millions de Canadiens n’ont pas de médecin.

Quand mettrez-vous fin aux politiques d’imposition et de dépenses et quand plafonnerez-vous les dépenses?

Le sénateur Gold : Merci pour votre question.

Le budget du gouvernement et la mesure législative qui le met en œuvre, dont nous allons débattre, sont la réponse du gouvernement : une approche mesurée et responsable qui établit le juste équilibre entre la nécessité de poursuivre les investissements — que ce soit en matière de défense ou dans d’autres domaines — et le maintien d’une économie forte pour l’avenir.

Le patrimoine canadien

Le Plan d’action de lutte contre la haine

L’honorable Mary Coyle : Sénateur Gold, alors que le Sénat célèbre à la fois le Mois national de l’histoire autochtone et le Mois de la Fierté, je suis heureuse de souhaiter la bienvenue à ma sœur, Anne, dont l’époux, Morley Stewart, est un talentueux artiste cri de Wemindji, de même qu’à ma mère, Betty, qui est fière de ses sept enfants, y compris de mon jumeau irlandais, Patrick Patterson, qui est gai.

Patrick est né au Canada en 1955, à une époque où l’homosexualité était considérée comme un acte criminel. Les choses ont changé en 1969, alors qu’il avait 14 ans. Depuis, de nombreux progrès ont été effectués.

Toutefois, sénateur Gold, aujourd’hui, de 25 à 40 % des jeunes itinérants s’identifient comme appartenant à la communauté 2ELGBTQI, et 52 % des aînés 2ELGBTQI craignent de devoir cacher de nouveau leur identité de genre s’ils vont habiter dans un établissement de soins pour bénéficiaires internes.

Comment progresse la mise en œuvre du plan d’action du Canada pour lutter contre la haine et comment en mesurera-t-on l’efficacité?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de votre question et de cette charmante déclaration d’amour à votre mère et aux membres de votre famille. C’est officiel, vous avez rendu jalouse ma mère de 95 ans. Je vais devoir m’améliorer.

Pour répondre à votre question, on me dit que le gouvernement est en train de travailler au plan d’action du Canada pour lutter contre la haine, dans lequel il a investi 273,6 millions de dollars.

Les principaux objectifs du plan consistent à sensibiliser la communauté, à réformer l’application de la loi pour stopper la multiplication des crimes haineux, à combattre la radicalisation et à accroître le soutien pour les victimes.

Je signale également que le gouvernement a lancé le Plan d’action fédéral 2ELGBTQI+, qui vise à faire progresser les droits et l’égalité des personnes aux deux esprits, lesbiennes, gaies, bisexuelles, transgenres, queers, intersexuées et de divers genres au Canada.

L’engagement du gouvernement à bâtir une société plus sûre et plus inclusive pour les générations d’aujourd’hui et de demain demeure inébranlable.

La sénatrice Coyle : Sénateur Gold, lorsque mon frère m’a donné la permission d’utiliser son nom aujourd’hui, il m’a dit qu’il n’y a pas si longtemps, il ne se serait pas senti en sécurité pour le faire. Il m’a dit qu’il échangerait le Mois de la fierté qui est célébré chaque année contre une affirmation quotidienne de la règle d’or.

Dans 64 pays, il est non seulement dangereux, mais aussi illégal d’être gai. Sénateur Gold, que fait le Canada pour faire avancer les droits de la personne des membres de la communauté 2ELGBTQ à l’échelle internationale?

Le sénateur Gold : Merci. Permettez-moi de faire soulever rapidement trois points.

Afin de promouvoir et de protéger les droits fondamentaux des membres de cette communauté, le gouvernement établit des relations bilatérales et multilatérales constructives pour promouvoir et protéger leurs droits, consulte des organisations de la société civile au Canada et à l’étranger et travaille en étroite collaboration avec elles pour faire avancer ces droits, et appuie les programmes d’aide internationale qui visent à faire avancer les droits de la personne et à améliorer les résultats socioéconomiques pour les personnes LGBTQ2EI+.

[Français]

L’infrastructure et les collectivités

Le logement abordable

L’honorable Éric Forest : Monsieur le sénateur Gold, le premier ministre et le chef du Parti conservateur laissent entendre que les tracasseries administratives des municipalités seraient responsables de la pénurie de logements.

Pourtant, l’Institut de recherche et d’informations socioéconomiques révèle que le nombre de nouveaux logements construits dans au moins quatre grandes villes du Québec a suivi la croissance démographique depuis 20 ans. Il ne manque pas de condos ni de maisons unifamiliales au Québec. Le problème, c’est que l’on n’a pas construit pour répondre à des besoins prioritaires, soit du logement locatif pour les familles et du logement abordable, particulièrement pour nos aînés à faible revenu.

Au lieu de bousculer les municipalités, qui ont su gérer l’expansion des 20 dernières années, pourquoi le gouvernement fédéral n’adopte-t-il pas une approche de collaboration avec les gouvernements de proximité que sont les municipalités?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : C’est exactement ce que le gouvernement tente de faire. Les municipalités sont en première ligne lorsqu’il s’agit de relever certains des plus grands défis auxquels les Canadiens sont confrontés aujourd’hui.

C’est pourquoi le gouvernement fédéral a adopté une approche très collaborative pour travailler avec les municipalités en vue de finaliser 179 accords partout au pays pour accélérer l’approbation de 107 000 logements supplémentaires au cours des trois prochaines années et pour débloquer la construction de plus de 750 000 nouveaux logements pour les Canadiens au cours de la prochaine décennie. Ces mesures s’ajoutent aux 2,4 milliards de dollars alloués au Fonds pour le développement des collectivités du Canada pour la période de 2023-2024, pour aider les municipalités à répondre aux besoins en matière d’infrastructure.

Le sénateur Forest : Monsieur le leader, les taux d’intérêt bas que nous avons connus pendant 20 ans ont permis au Québec de connaître une forte croissance de l’industrie immobilière.

Les municipalités ont su absorber cette croissance. La crise du logement est causée par le fait qu’on a construit des condos et des maisons unifamiliales pendant 20 ans, au lieu de construire des logements locatifs et des logements abordables. Pendant près de 30 ans, la Société canadienne d’hypothèques et de logement a aussi contribué au problème en se désengageant du logement social.

Le gouvernement va-t-il admettre qu’il doit en faire beaucoup plus pour créer du logement social et abordable et pour impliquer la Société canadienne d’hypothèques et de logement?

Le sénateur Gold : Oui, le gouvernement reconnaît que les loyers sont trop chers partout et que les jeunes familles sont plus nombreuses que jamais à louer des logements. C’est pourquoi le gouvernement débloque plus de 600 000 nouveaux logements locatifs dans tout le pays pour la classe moyenne et investit 1,5 milliard de dollars dans le Fonds canadien de protection des loyers, pour que les logements abordables restent abordables. Le gouvernement libère les propriétés de Postes Canada et les autres afin de répondre à cet enjeu.

[Traduction]

La sécurité publique

Le Comité des parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement

L’honorable Scott Tannas : Ma question s’adresse au sénateur Gold.

Mardi dernier, le sénateur Downe vous a demandé s’il était possible d’autoriser les leaders de chaque groupe ou caucus reconnu à examiner le rapport du Comité des parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement afin qu’ils puissent prendre les mesures nécessaires concernant leurs membres respectifs.

Vous avez répondu en disant, non pas une mais deux fois, que le gouvernement examine la demande.

Tant que nous serons dans le noir, le doute planera sur chaque sénateur. Ma question est donc la suivante : combien de temps faudra-t-il pour obtenir une réponse?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de votre question, sénateur Tannas.

Comme je l’ai mentionné à plusieurs reprises — et je n’insisterai pas sur ce point —, il s’agit d’une question sérieuse et compliquée. Elle concerne non seulement le gouvernement et le Parlement, mais aussi d’autres institutions de sécurité et de renseignement qui participent à l’importante tâche de nous protéger contre l’ingérence étrangère, et de le faire de manière responsable.

(1440)

Je ne sais pas quand le gouvernement rendra cette décision. Cependant, aussi frustrant que cela puisse être pour beaucoup de nos collègues ici, mon bureau s’occupe de la situation, et nous attendons la décision du gouvernement.

Le sénateur Tannas : Monsieur le leader, aujourd’hui, nous allons entamer l’examen du projet de loi C-70, Loi sur la lutte contre l’ingérence étrangère. Or, compte tenu des circonstances, le caractère paradoxal de notre démarche ne vous aura certainement pas échappé.

Sénateur Gold, vous avez souvent parlé du fait qu’en plus d’être le représentant du gouvernement au Sénat, vous êtes également le représentant du Sénat auprès du gouvernement. Que faites-vous précisément pour souligner à quel point la situation est difficile en raison de l’absence de décision de fournir au Sénat ce qui a déjà été fourni à la Chambre des communes?

Le sénateur Gold : Merci. Comme je l’ai indiqué précédemment, mon bureau a été proactif et a saisi le gouvernement de la question. Le gouvernement est parfaitement au courant des préoccupations des sénateurs à ce sujet. Nous continuons à collaborer avec le gouvernement dans ce dossier.

L’emploi et le développement social

L’inclusion des aînés

L’honorable Wanda Thomas Bernard : Ma question s’adresse au sénateur Gold. Sénateur Gold, le budget de 2024 n’est pas inclusif pour les aînés. Si l’augmentation de 10 % de la Sécurité de la vieillesse pour les personnes de 75 ans et plus représente un pas dans la bonne direction, elle laisse de côté les personnes âgées de 65 à 75 ans. En outre, les aînés de 65 à 75 ans peuvent avoir à faire face à des obstacles supplémentaires liés à des handicaps, au sexe, à la race, à l’identité autochtone ou à d’autres identités intersectionnelles et ils risquent de tomber dans la pauvreté à cause des limites de ces prestations. Le budget ne comporte aucune mesure exhaustive pour les aînés.

Sénateur Gold, que fera le Canada pour s’assurer que les budgets corrigent ces lacunes afin d’assurer la sécurité financière de tous les aînés?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Merci de votre question et d’avoir parlé des problèmes auxquels de nombreux aînés de différents âges doivent toujours faire face.

Le gouvernement cherchera toujours des façons d’améliorer la capacité du gouvernement fédéral à soutenir les Canadiens. Au moyen du plus récent budget, ainsi que des investissements des dernières années, le gouvernement fait tout ce qu’il peut pour soutenir les Canadiens. Il est évidemment toujours possible de faire mieux, et le gouvernement est ouvert aux suggestions.

La sénatrice Bernard : Sénateur Gold, je m’intéresse particulièrement aux personnes âgées noires. Hier, j’ai eu le plaisir de participer au lancement d’un sommet tenu à l’Université d’Ottawa et dirigé par Mme Josephine Etowa, qui prévoit mener des recherches sur la santé des Noirs pendant 10 ans. L’un des intervenants, M. Cénat, qui est d’ailleurs ici aujourd’hui, a remarqué qu’il manque de données quantitatives sur les personnes âgées noires au Canada, mais nous savons qu’elles sont susceptibles d’être touchées de manière disproportionnée par les problèmes de pauvreté. Qu’est-ce que le gouvernement canadien fait d’autre à ce chapitre?

Le sénateur Gold : Je ne suis pas vraiment en mesure de répondre à cette question, aussi importante et vaste soit-elle.

Ce qui m’interpelle, entre autres choses, c’est l’importance de disposer de données appropriées et désagrégées pour que nous puissions comprendre de façon générale non seulement comment certaines cohortes d’âge se portent, mais aussi comment d’autres facteurs, comme la race, notamment, se rejoignent pour aggraver ou compliquer ces désavantages.

Les services publics et l’approvisionnement

Le processus d’acquisition

L’honorable Yonah Martin (leader adjointe de l’opposition) : Monsieur le leader, ma question porte sur les propos tenus hier par le commissaire et le sous-commissaire de la GRC devant le comité de la Chambre. Ils ont confirmé que plus de six enquêtes criminelles sont en cours en ce qui concerne l’octroi de marchés publics fédéraux. En octobre, les Canadiens ont appris que la GRC n’était pas en mesure de mener une enquête criminelle sur le scandale SNC-Lavalin parce que le premier ministre avait refusé de fournir tous les documents pertinents ou de laisser certaines personnes témoigner. La GRC n’a tout simplement pas reçu tous les renseignements dont elle avait besoin ou qu’elle avait demandés.

Monsieur le leader, pouvez-vous confirmer que le gouvernement Trudeau donne maintenant à la GRC l’accès à tous les documents non caviardés et à tous les témoins qu’elle demande?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Le gouvernement examine évidemment les renseignements qu’on lui transmet souvent relativement à ces questions, à la lumière de toutes les contraintes importantes qui peuvent s’appliquer ou non. L’annonce selon laquelle il y a effectivement de nombreuses enquêtes en cours est importante, mais comme des enquêtes sont en cours, chers collègues, je ne suis pas en mesure de faire des commentaires, et le gouvernement ne fera pas de commentaires.

La sénatrice Martin : Monsieur le leader, comme vous le savez, la vérificatrice générale mène une enquête sur les contrats à fournisseur unique totalisant plus de 200 millions de dollars qui ont été octroyés à Accenture par le gouvernement Trudeau, pour gérer le programme du Compte d’urgence pour les entreprises canadiennes. La GRC a-t-elle communiqué avec le gouvernement Trudeau afin d’avoir accès à des documents et à des témoins au sujet de ces contrats? Dans l’affirmative, est-ce que cet accès a été accordé?

Le sénateur Gold : Encore une fois, je vous remercie. Comme M. Duheme, le commissaire de la GRC, l’a déclaré récemment, plusieurs enquêtes sont en cours à cet égard. Je le répète, je ne peux pas me prononcer sur ces questions et c’est la même chose pour le gouvernement.

[Français]

Les services aux Autochtones

Les entreprises autochtones

L’honorable Claude Carignan : Monsieur le leader, en 2021, au moment de l’annonce du renouvellement de la Stratégie d’approvisionnement auprès des entreprises autochtones, les représentants des Premières Nations avaient pointé de nombreuses failles dans le système et avaient alerté le gouvernement. Cependant, comme à son habitude, ce dernier a fait la sourde oreille, ce qui fait que le programme est devenu une véritable passoire où l’on finance n’importe qui pour n’importe quoi.

Selon le Globe and Mail, le nombre d’inscriptions au répertoire des entreprises autochtones a bondi de 40 % depuis l’annonce de la nouvelle stratégie. La valeur des contrats est de 862 millions de dollars, mais qui obtient les contrats? Des compagnies paravents qui transfèrent le contrat par la suite.

Devant cet échec encore une fois grandiose, que va faire le gouvernement pour apporter des correctifs?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de la question, monsieur le sénateur.

Selon l’information dont je dispose, c’est le bureau des services en matière d’approvisionnement autochtone qui conserve une liste des organisations. Pour que les organisations puissent être enregistrées dans le répertoire, elles doivent démontrer qu’elles sont majoritairement contrôlées et gérées par la communauté autochtone.

Je comprends également que des audits sont en cours à la suite de la demande du ministre des Services publics et de l’Approvisionnement; s’il y a des failles dans le système, elles seront corrigées.

Le sénateur Carignan : Monsieur le leader, au moyen des failles qui ont été identifiées — soit les compagnies paravents —, on contourne la loi. Ce n’est pas d’un audit qu’on a besoin, c’est d’une enquête de la GRC.

Est-ce que vous allez transmettre les dossiers à la GRC?

Le sénateur Gold : Encore une fois, lorsqu’il s’agit d’enquêtes en cours qui sont menées par la GRC — comme l’a mentionné M. Duheme —, premièrement, le gouvernement ne fait pas de commentaires sur le sujet; deuxièmement, même parmi la panoplie des enquêtes annoncées par la GRC, des enquêtes sont en cours et aucune conclusion ne peut être dégagée à ce stade-ci.

[Traduction]

L’agriculture et l’agroalimentaire

Les recommandations du comité

L’honorable Paula Simons : Sénateur Gold, le Comité sénatorial permanent de l’agriculture et des forêts vient de présenter son rapport intitulé : « Terrain critique : Pourquoi le sol est essentiel à la santé économique, environnementale, humaine et sociale du Canada ». Dans ce rapport, nous avons formulé 25 recommandations, y compris la nomination d’un défenseur national des sols, la création d’une base de données nationale sur les sols et la désignation du sol comme un bien national stratégique. Bien entendu, le comité a demandé à divers ministres et ministères de fournir une réponse, et j’espère que nous les aurons en main à l’automne. Toutefois, j’aimerais savoir si le gouvernement fédéral aurait une réaction provisoire à nous transmettre à propos de cette importante étude préliminaire, qui a été dirigée par le sénateur Black, notre estimé collègue qui assure la présidence du Comité?

(1450)

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de votre question. Il s’agissait effectivement d’une étude importante, et le gouvernement remercie le Sénat pour son travail au sujet de cet important dossier, que les Canadiens n’ont pas toujours à l’esprit. C’est justement une des valeurs ajoutées du Sénat, car nos études peuvent porter sur des sujets qui, autrement, resteraient dans l’ombre.

Le gouvernement prend les recommandations du Sénat au sérieux et les étudie avec sérieux, comme elles le méritent, et il remettra sa réponse aux recommandations dès qu’il en aura terminé l’étude. Je n’ai aucun échéancier à ce sujet.

La sénatrice Simons : Merci beaucoup, sénateur Gold. Une des recommandations contenues dans le rapport concernait la création d’un programme national d’évaluation du pergélisol. Notre comité a entendu des témoignages vraiment perturbants au sujet de la libération possible de gaz à effet de serre lors de la fonte du pergélisol. Notre Comité des transports et des communications a aussi entendu des témoignages au sujet des dangers que posent le dégel du pergélisol et le tassement du sol pour nos infrastructures.

Le gouvernement est-il, lui aussi, préoccupé par l’état du pergélisol dans notre pays?

Le sénateur Gold : Soyez assurés que le gouvernement est tout à fait conscient, tout comme de nombreux sénateurs, par exemple ceux d’entre nous qui se sont rendus dans le Nord, que les changements climatiques affectent plus le Nord que n’importe quelle autre région du monde. Cela a des répercussions dans toutes sortes de domaines, dont bon nombre ont été mentionnés, mais bien d’autres ne l’ont pas été. Le gouvernement prend ces questions très au sérieux.

La sécurité publique

Le Comité des parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement

L’honorable Percy E. Downe : Sénateur Gold, le rapport caviardé du Comité des parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement indique que le Service canadien du renseignement de sécurité a produit un ensemble de renseignements démontrant que des acteurs étrangers entretenaient des relations avec des Canadiens qu’ils considéraient comme utiles à la promotion de leurs intérêts, en particulier des députés et des sénateurs, en vue d’amener des Canadiens à agir en faveur de cet acteur étranger et à l’encontre des intérêts du Canada. À cet égard, leurs efforts allaient au-delà des activités diplomatiques normales.

Sénateur Gold, le rapport n’a impliqué personne en particulier à la Chambre des communes et au Sénat, ce qui revient à impliquer tout le monde. En ce moment, des soupçons pèsent sur nous tous. Ce rapport a remis en question la loyauté des parlementaires envers le Canada. En fait, la loyauté de certains sénateurs est maintenant remise en question par les médias.

Pourquoi les quatre leaders des groupes au Sénat ne peuvent-ils pas lire le rapport non caviardé afin d’être en mesure de dissiper les soupçons qui pèsent sur tous les sénateurs?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je salue la ténacité avec laquelle vous revenez sur cette question.

J’ai déjà répondu à plusieurs reprises, sénateur Downe, que le gouvernement se penche actuellement sur la manière de répondre à cette demande et qu’il la prend au sérieux.

Je rappelle également, comme le sénateur Tannas l’a fait — bien qu’il soit arrivé à une conclusion différente de la mienne — que nous commencerons bientôt l’étape de la troisième lecture du projet de loi C-70, qui porte justement sur cet important écueil auquel se heurtent nos institutions démocratiques. Il me tarde de participer à ce débat aujourd’hui.

Je tiens également à dire que la juge Hogue examinera la question que vous soulevez dans le cadre de son mandat. Nous pourrons donc aussi profiter de ses réflexions à ce sujet.

Le sénateur Downe : Sénateur Gold, l’article 7.1(1) du Code régissant l’éthique et les conflits d’intérêts des sénateurs dit ceci : « Le sénateur adopte une conduite qui respecte les normes les plus élevées de dignité inhérentes à la charge de sénateur. »

L’article 7.2 poursuit dans la même veine : « Le sénateur exerce ses fonctions parlementaires avec dignité, honneur et intégrité. »

L’article 44.(1) est également clair :

Tout manquement au présent code par un sénateur a des répercussions sur l’ensemble des sénateurs et sur la capacité du Sénat de s’acquitter de ses fonctions [...]

Comment le Sénat est-il censé faire respecter ce code si les leaders du Sénat n’ont pas la possibilité de lire le rapport du Comité des parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement?

Le sénateur Gold : Sénateur Downe, je ne peux que reconnaître, une fois de plus, qu’il s’agit d’une question importante et qu’il est tout aussi important de trouver comment répondre à cette demande d’une manière responsable, qui permettra de protéger à la fois les sources d’information et la réputation des personnes qui pourraient être nommées dans le rapport. Ma réponse demeure donc la même.

Le Cabinet du premier ministre

Les déplacements du premier ministre

L’honorable Donald Neil Plett (leader de l’opposition) : Parlons un peu de ce que fait le premier ministre pour rendre la vie des Canadiens plus abordable.

Monsieur le leader, en avril, je vous ai posé une question sur le coût énorme pour les contribuables de la tournée du premier ministre dans la région indo-pacifique en septembre dernier. À l’époque, on estimait que les services de traiteur à bord de l’avion avaient coûté à eux seuls un peu moins de 190 000 $.

Selon une mise à jour des chiffres présentée à l’autre endroit, le coût s’élevait en réalité à 223 000 $, uniquement pour les repas servis à bord de l’avion pour un voyage de six jours, monsieur le leader. C’est presque 14 fois ce que la famille canadienne moyenne dépense en épicerie pendant toute l’année, monsieur le leader. Le premier ministre n’en vaut pas le coût.

Pour couronner le tout, le Cabinet du premier ministre a affirmé dans un communiqué de presse que ce voyage avait pour thème l’abordabilité. Imaginez un peu!

Le premier ministre est déconnecté de la réalité et les Canadiens n’ont plus d’argent. Monsieur le leader, comment justifiez-vous cela?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Le gouvernement du Canada a pris des mesures importantes pour résoudre le problème du coût de la vie et de l’abordabilité.

Permettez-moi, dans le peu de temps qui m’est imparti, d’en citer quelques-unes : il a adopté une loi visant à éliminer la TPS sur la construction de nouveaux immeubles locatifs afin de bâtir davantage d’appartements à louer; il a renforcé la Loi sur la concurrence afin que le Bureau de la concurrence soit habilité à tenir les épiciers responsables de la protection des intérêts des consommateurs; il a débloqué 20 milliards de dollars de nouveaux fonds pour construire 30 000 appartements supplémentaires par année; il a introduit une nouvelle charte hypothécaire pour protéger les propriétaires; il a lancé un nouveau compte d’épargne libre d’impôt pour l’achat d’une première propriété, qui aide maintenant plus d’un demi-million de Canadiens à épargner pour leur première maison; il a soutenu les aînés grâce au Régime de pensions du Canada, au Supplément de revenu garanti et à la Sécurité de la vieillesse, qui sont tous indexés sur l’inflation; il a bonifié l’Allocation canadienne pour les travailleurs à faible revenu, qui offre jusqu’à 2 461 $ aux familles cette année; il a mis en place des services de garderie abordables, et les familles de près de la moitié des provinces et territoires canadiens bénéficient déjà de services de garderie à 10 $ par jour; et j’en passe.

Le sénateur Plett : Eh bien, ces mesures ne donnent pas grand-chose. Combien de maisons ont été construites?

Nous avons appris l’autre jour qu’un quart des Canadiens vivent aujourd’hui dans la pauvreté, monsieur le leader, à cause du premier ministre. Rien ne justifie ces frais de traiteur — rien du tout.

Monsieur le leader, lorsque je vous ai posé des questions sur ces coûts en avril, vous avez déclaré que le gouvernement avait amorcé un examen des dépenses afin d’éliminer les dépenses inutiles.

En conséquence, est-ce que le service de traiteur pour le voyage du premier ministre en Italie et en Suisse a coûté moins d’argent aux contribuables ou ceux-ci ont-ils dû encore payer une petite fortune?

Le sénateur Gold : Des Canadiens éprouvent toujours des difficultés et nombreux sont ceux qui vivent dans la pauvreté. C’est malheureux, déplorable et regrettable.

Je n’ai pas d’information sur ce que coûte la nourriture du premier ministre, de son personnel de sécurité et des autres personnes qui l’accompagnent, mais je tiens à répéter ceci : le gouvernement s’efforce d’aider les Canadiens à traverser cette période difficile, qu’il s’agisse des ententes sur les services de garde conclues avec les provinces canadiennes ou des remboursements de la taxe sur le carbone, qui remettent de l’argent dans les poches de 8 familles sur 10 au pays.


ORDRE DU JOUR

Les travaux du Sénat

L’honorable Patti LaBoucane-Benson (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, conformément à l’article 4-12(3) du Règlement, j’informe le Sénat que, lorsque nous passerons aux affaires du gouvernement, le Sénat abordera les travaux dans l’ordre suivant : la troisième lecture du projet de loi C-70, la troisième lecture du projet de loi S-17 et la deuxième lecture du projet de loi C-20 étant appelées après la deuxième lecture du projet de loi C-75, suivies de tous les autres articles dans l’ordre où ils figurent au Feuilleton.

Projet de loi sur la lutte contre l’ingérence étrangère

Troisième lecture—Débat

L’honorable Tony Dean propose que le projet de loi C-70, Loi concernant la lutte contre l’ingérence étrangère, soit lu pour la troisième fois.

 — Honorables sénateurs, je prends la parole à l’étape de la troisième lecture du projet de loi C-70, Loi sur la lutte contre l’ingérence étrangère. Mon discours sera plus court aujourd’hui, et je partage votre soulagement, à la fois collectif et individuel, à cet égard.

(1500)

Le projet de loi C-70 est une initiative législative importante qui touche à trois lois existantes et qui en crée une nouvelle, importante elle aussi, toutes dans le domaine de la sécurité nationale et de la défense au Canada.

Lorsque nous réfléchissons à des initiatives d’intérêt public, c’est généralement parce que des occasions se présentent — des occasions d’affaires, des débouchés à l’exportation — ou dans le but de remédier à des préjudices. Certains de ces enjeux sont complexes et nécessitent des interventions multidimensionnelles. Dans ce cas, le gouvernement s’efforce d’élaborer une série d’approches pour tenter de saisir la nature du problème auquel nous sommes confrontés. Des fonctionnaires dans cette enceinte, les sénateurs Harder, Cotter et McNair ainsi que les sénatrices Oudar et Saint-Germain, peuvent en témoigner.

En l’occurrence, le projet de loi C-70 vise à relever le défi complexe de la protection des Canadiens et des autres personnes qui vivent au Canada contre les États étrangers cherchant à s’ingérer dans la démocratie canadienne et à exercer une influence sur ses principales institutions et communautés, notamment sur le Parlement, les diasporas et le milieu universitaire. Ces activités sont déloyales, menaçantes et, dans bien des cas, illégales.

L’ingérence étrangère, et plus précisément l’ingérence étrangère dans un dessein malveillant, diffère des voies de dialogue légales et légitimes telles que le lobbying, la défense de droits et d’intérêts et l’activité diplomatique ordinaire. L’ingérence étrangère prend des formes complexes et est, de par sa nature, élusive.

Des rapports et des études nous ont appris la présence d’ingérence étrangère. Il est donc nécessaire d’élaborer des approches multidimensionnelles pour contrecarrer son action. C’est un élément de la Loi sur la lutte contre l’ingérence étrangère.

À l’étape de la deuxième lecture, j’ai évoqué les initiatives antérieures visant à revoir la réponse du Canada, et j’aimerais faire de même, quoique plus brièvement, aujourd’hui.

En 2019, avant les élections générales canadiennes, le gouvernement a annoncé le plan pour protéger la démocratie canadienne, qui comprenait, entre autres mesures, le Protocole public en cas d’incident électoral majeur ainsi que le Groupe de travail sur les menaces en matière de sécurité et de renseignements visant les élections.

En 2022, des fuites provenant du Service canadien du renseignement de sécurité, ou SCRS, ont allégué que la Chine s’était livrée à de l’ingérence étrangère dans les élections de 2019 et 2021. Cela a conduit des comités de la Chambre des communes à effectuer des études sur l’ingérence étrangère.

En mars 2023, le premier ministre a demandé la réalisation de deux études indépendantes sur la question. L’Office de surveillance des activités en matière de sécurité nationale et de renseignement a été chargé de mener un examen axé sur la production et la diffusion de renseignements sur l’ingérence étrangère, mais aussi sur la manière dont ces renseignements sont communiqués au sein du gouvernement.

Dans un rapport parallèle publié il y a quelques semaines, le Comité des parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement a conclu que :

Des États étrangers ont recours à des mesures d’ingérence sophistiquées [...] qui ciblent particulièrement les processus et institutions démocratiques du Canada; qui sont employées avant, pendant et après les élections; et qui visent tous les ordres de gouvernement. Ces activités continuent de faire peser une menace considérable sur la sécurité nationale et l’intégrité globale de la démocratie du Canada.

La Chine, l’Inde et l’Iran ont été mentionnés en tant que principaux acteurs à ce chapitre.

À l’automne 2024, le gouvernement a mis en place la Commission sur l’ingérence étrangère afin de répondre aux préoccupations croissantes à ce sujet. Les témoins ont insisté sur la nécessité de s’attaquer à cette menace grave et ont signalé des cas où des acteurs étatiques étrangers les surveillaient, les intimidaient ou les harcelaient, eux et leur famille. Bien entendu, nous savons que ce problème est encore plus pressant chez les membres de diasporas.

Il y a un an, le gouvernement a également organisé des consultations publiques pour guider la création du registre des agents étrangers, ainsi que des consultations distinctes portant sur d’éventuelles modifications à la Loi sur le Service canadien du renseignement de sécurité, au Code criminel, à la Loi sur la protection de l’information et à la Loi sur la preuve au Canada.

Je reviens sur tout cela pour vous rappeler, chers collègues, que ce projet de loi n’est pas tombé du ciel. Il n’a pas été créé en vase clos. En effet, il est le résultat de plus d’un an de consultations et de conseils d’experts.

Je vais résumer une nouvelle fois, mais brièvement, les principaux changements apportés par cette loi, sans revenir sur les nombreux détails abordés à l’étape de la deuxième lecture.

Tout d’abord, la Loi sur le Service canadien du renseignement de sécurité est modifiée de façon à donner à ce service de nouveaux pouvoirs afin qu’il puisse conseiller ses partenaires non fédéraux, y compris les autres ordres de gouvernement, pour leur permettre de renforcer leur résilience face aux menaces. Les modifications prévoient aussi la tenue d’un examen parlementaire quinquennal de la Loi sur le Service canadien du renseignement de sécurité; elles accordent un éventail de pouvoirs en matière de mandat adaptés aux exigences des enquêtes et, surtout, elles permettent au Service canadien du renseignement de sécurité de recueillir, depuis le Canada, des renseignements à l’étranger.

Le projet de loi modifierait également la Loi sur la protection de l’information afin de créer des infractions d’ingérence étrangère ciblée, notamment une infraction générale d’ingérence étrangère commise pour une entité étrangère, un acte criminel commis pour une entité étrangère et une ingérence politique pour une entité étrangère. Il modifierait l’infraction existante de menaces ou de violence exercées pour le compte d’une entité étrangère, soit l’article 20, en éliminant la nécessité de prouver que l’acte a réellement aidé les acteurs de l’État étranger ou nuit au Canada. Il ferait passer la peine pour les infractions liées à l’accomplissement d’actes préparatoires de deux à cinq ans si elles sont commises en relation avec une infraction au titre de la Loi sur la protection de l’information, qui est passible d’une peine d’emprisonnement d’au moins 10 ans. Le projet de loi modifierait également la définition de « renseignements opérationnels spéciaux » afin de lutter contre la transmission inappropriée de technologies et de connaissances militaires.

Les modifications proposées au Code criminel renforceraient la réponse juridique au sabotage en créant une infraction de sabotage axée sur les actes visant les infrastructures essentielles et en précisant les catégories d’infrastructures essentielles protégées. Les modifications préciseraient aussi expressément que les infractions de sabotage ne s’appliqueraient pas aux gens qui prennent part à des revendications, à des protestations ou à des manifestations d’un désaccord légitimes et qui n’ont pas l’intention de causer les préjudices graves mentionnés dans la mesure législative. Elles créeraient une infraction de fabrication, de possession, de vente ou de distribution d’un dispositif permettant de commettre une infraction de sabotage, comme un logiciel malveillant ou un robot.

Un amendement adopté à la Chambre des communes inclut également une référence aux infrastructures essentielles en construction.

Enfin, chers collègues, la Loi sur la transparence et la responsabilité en matière d’influence étrangère créerait un registre des agents étrangers, qui serait administré et mis en œuvre par un commissaire à la transparence en matière d’influence étrangère. Ce commissaire indépendant serait nommé par le gouverneur en conseil, ce qui, soit dit en passant, distingue le projet de loi de la législation de l’Australie et de la Grande-Bretagne, où le pouvoir revient au ministre responsable.

La nomination du commissaire exigerait la consultation des principaux groupes et partis à la Chambre des communes et au Sénat, ainsi que l’approbation finale des deux Chambres.

L’arrangement visant une influence étrangère est défini comme une entente au titre de laquelle une personne s’engage à exercer, sous l’autorité d’un commettant étranger ou en association avec lui, diverses activités à l’égard d’un processus politique ou gouvernemental au Canada, notamment communiquer avec le titulaire d’une charge publique; communiquer ou diffuser des renseignements relatifs au processus politique ou gouvernemental; distribuer de l’argent ou des objets de valeur, fournir des services ou mettre à disposition des installations.

Je souligne que cette liste n’est pas exhaustive et que le terme « processus politique » englobe non seulement les élections et les courses à l’investiture, mais aussi, et c’est essentiel, les courses à la direction des partis.

Voici les trois critères pour établir s’il y a arrangement : une personne doit agir sous l’autorité d’un commettant étranger ou en association avec lui; elle doit être engagée dans au moins une des activités d’influence étrangère énumérées dans la définition; et l’activité doit être exercée en lien avec un processus politique ou gouvernemental au Canada.

Je rappelle qu’on définit le terme « commettant étranger » ainsi :

L’entité économique étrangère, l’entité étrangère, l’État étranger ou la puissance étrangère, au sens [...] de la Loi sur la protection de l’information.

Chers collègues, il vaut la peine de le répéter : le projet de loi ne vise pas à interdire les arrangements avec des commettants étrangers au Canada, mais il précise que ces arrangements doivent être transparents.

Ne pas enregistrer l’arrangement ou l’activité dans les 14 jours pourrait entraîner des sanctions, comme un procès-verbal ou des sanctions administratives pécuniaires pour favoriser le respect de la loi. Dans les cas plus graves, le commissaire aurait la possibilité de traiter ces violations comme des infractions criminelles, pour lesquelles le service de police compétent pourrait mener une enquête.

Enfin, en raison d’un amendement à l’autre endroit, l’examen parlementaire des dispositions de cette loi a été modifié. Au lieu d’être entrepris tous les cinq ans, il devra être mené un an après une élection générale fédérale. Le projet de loi définit ainsi des freins et des contrepoids supplémentaires.

(1510)

Chers collègues, je veux aussi parler brièvement de l’étude préalable du Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale, de la défense et des anciens combattants, dont les réunions ont été présidées par notre collègue le sénateur Dagenais, vice-président du comité, parce qu’en tant que parrain du projet de loi, je me suis retiré de la présidence. Je tiens à remercier et à féliciter le sénateur Dagenais de sa diligence, lui qui a géré un nombre considérable d’audiences intensives sur des enjeux très délicats.

En même temps, je félicite mes collègues du Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale, de la défense et des anciens combattants. Ils forment un groupe de parlementaires brillants qui non seulement fournissent de bons conseils, mais posent des questions difficiles tout en exerçant leur jugement avec diligence et bonne volonté. C’est un comité dont je suis fier de faire partie et que je suis fier de présider.

Merci, chers collègues.

Le comité s’est réuni pendant un total de 10 heures sur 3 jours — les 10, 12 et 13 juin — et il a entendu 35 témoignages. Les témoins ont dit qu’ils appuyaient le projet de loi et qu’ils s’attendaient à ce qu’il soit adopté rapidement.

Daniel Stanton, un ancien agent du Service canadien du renseignement de sécurité, a déclaré que le projet de loi C-70 :

[...] non seulement renforcera la sécurité nationale du Canada, mais accroîtra la confiance des Canadiens à l’égard de la résilience de nos institutions démocratiques.

Il a poursuivi ainsi :

Sans ces modifications déterminantes à la Loi sur la protection de l’information, il n’y aura pas de conséquences sévères pour l’ingérence étrangère et la répression transnationale. Ces modifications, ainsi que la mise en place du registre des agents étrangers, contribueront grandement à atténuer la menace importante qui pèse sur la sécurité nationale de notre pays.

Balpreet Singh Boparai de l’Organisation mondiale des sikhs du Canada, a déclaré ceci :

[...] le projet de loi confère au SCRS le pouvoir de communiquer, s’il le juge pertinent, des renseignements à toute personne ou à toute entité. Ce serait un pas dans la bonne direction, car des membres de la communauté sikhe ont été contactés conformément au devoir de mise en garde, sans toutefois obtenir de détails sur la nature des menaces en cause ni les ressources nécessaires pour se protéger.

Mehmet Tohti, directeur général du Projet de défense des droits des Ouïghours, a dit ceci :

Étendre la portée des dispositions pour que l’on puisse communiquer l’information à toute personne concernée, et non seulement à un fonctionnaire, si on le juge essentiel pour des raisons d’intérêt public, permettra d’accroître la transparence de l’appareil de l’État.

Il a dit également que cela :

[...] renforcera la confiance des Canadiens à l’égard de l’organisme et de sa capacité à détecter, à prévenir et à contrer les menaces que posent les agents étrangers [...]

Trevor Neiman, du Conseil canadien des affaires, a dit que « les gens d’affaires du Canada sont largement favorables à l’ensemble des mesures du projet de loi C-70 ».

Il a ajouté ceci :

Même si le SCRS possède à la fois le savoir et l’expertise nécessaires pour aider les entreprises canadiennes à résister aux menaces grandissantes, la désuétude des dispositions législatives qui encadrent ses activités fait en sorte que les entreprises sont laissées à elles-mêmes.

Il a aussi dit ce qui suit :

Grâce aux nouveaux pouvoirs d’échange de renseignements sur les menaces, le SCRS pourrait communiquer des renseignements plus précis et plus pertinents aux entreprises canadiennes. Les chefs d’entreprise auraient ainsi une idée claire de la menace croissante et des mesures de protection à envisager pour mieux protéger leurs employés, leurs clients et les collectivités où ils exercent leurs activités.

Nous avons également entendu le témoignage de nombreux groupes de défense des libertés civiles, qui sont profondément préoccupés par la lenteur du processus législatif et par certains effets négatifs potentiels du projet de loi sur les droits et libertés individuels. Nous devons également prêter une oreille attentive à ces groupes.

Parmi les observations annexées au rapport, on retrouve la nécessité de doter la GRC de ressources suffisantes pour faire appliquer les dispositions du projet de loi, l’incertitude créée pour les universités dans leurs relations et partenariats avec les établissements étrangers, la nécessité pour le commissaire au registre canadien pour la transparence en matière d’influence étrangère d’établir un dialogue avec ces groupes ainsi que de fournir des conseils et des précisions sur leurs obligations aux termes de la loi, les effets involontaires potentiels sur les communautés de la diaspora et les droits individuels, y compris la liberté d’expression et la liberté d’association, et, enfin, la reconnaissance du fait qu’il aurait été souhaitable pour le comité d’avoir plus de temps pour étudier ce projet de loi.

Chers collègues, des sénateurs nous ont dit que nous aurions tous aimé disposer de plus de temps pour étudier un projet de loi aussi complexe et pour en examiner les amendements.

Je voudrais vous faire part d’un aspect de nos travaux. J’espère que mes collègues du comité comprendront où je veux en venir. À la fin de la réunion et même après, les membres du comité étaient préoccupés — je crois qu’on peut dire que c’était unanime —, ce qui les a poussés à chercher des approches appropriées. L’une d’entre elles consistait à ne pas conclure l’étude et à ne pas mettre un terme à son mandat pour plutôt envisager la possibilité de demander un nouvel ordre de renvoi afin de continuer à suivre la création et l’évolution de l’institution, des processus et des règlements à la suite de l’établissement du registre.

Chers collègues, je suis sensible à toutes les réserves qui ont été exprimées, mais je tiens à affirmer très clairement ma conviction que le temps presse et qu’il faut agir sans attendre.

L’ingérence étrangère est une menace grave et croissante pour la sécurité nationale. Nous en faisons déjà tous les frais. Hier, David Eby, le premier ministre de la Colombie-Britannique, a justement dit ce qui suit dans une lettre adressée au premier ministre : « De graves allégations d’ingérence étrangère à l’échelle fédérale font les manchettes en Colombie-Britannique. »

La lettre se poursuit ainsi :

[...] le gouvernement que je dirige ne dispose pas de l’information nécessaire pour intercepter ou contrer la moindre allégation d’ingérence étrangère à l’échelle provinciale.

Selon des reportages, il y a de fortes raisons de croire que des acteurs étrangers tentent d’interférer avec les Britanno-Colombiens ayant des liens ou de la famille en Chine, en Iran, en Ukraine, en Inde et en Russie. Nous sommes très préoccupés par les activités de la criminalité transnationale organisée, sur la base de notre enquête sur le blanchiment d’argent. L’avis d’experts à la suite d’un récent incident de sécurité informatique touchant des courriels du gouvernement provincial nous a donné des raisons de soupçonner l’implication d’un État étranger.

Chers collègues, nous savons que ce n’est pas le seul cas où des acteurs étrangers sont intervenus dans l’infrastructure électronique et numérique d’organisations du secteur privé et du gouvernement, car nous avons vu des rapports à ce sujet également.

La lettre du premier ministre se poursuit ainsi :

Une fois la loi adoptée, je vous prie de la faire entrer en vigueur immédiatement afin que nous puissions prendre toutes les mesures nécessaires ici, en Colombie-Britannique.

Chers collègues, ce n’est pas une question à prendre à la légère. Les provinces, les municipalités, les diasporas, les entreprises, les universités et d’autres groupes comptent sur nous pour que ce projet de loi soit adopté rapidement, et il est de notre devoir de les protéger.

Nous devons nous préoccuper des membres des diasporas. J’ai parlé à des gens de Toronto — tout comme vous avez parlé à des gens de chez vous — dont l’identité a été volée en ligne et remplacée par des représentations calomnieuses de leur comportement et de leurs éventuelles activités. C’est odieux. Tous ces éléments sont en jeu, et nos diasporas en subissent les conséquences au quotidien.

Chers collègues, avant de conclure, je tiens à revenir sur les discussions que nous avons eues hier au Comité de la sécurité nationale, de la défense et des anciens combattants et sur le large consensus selon lequel nous devrons demander en automne ou plus tôt l’autorisation de continuer à jouer un rôle de surveillance dans l’examen du processus d’engagement en cours, du processus d’élaboration de la réglementation et d’autres questions de politique et de conception clés liées au projet de loi C-70.

Merci, chers collègues. C’est un privilège, comme toujours, de participer avec vous à ce travail extrêmement important, et j’ai hâte que ce projet de loi soit adopté.

Merci beaucoup.

Des voix : Bravo!

L’honorable Marty Deacon : Le sénateur accepterait-il de répondre à une question? Merci beaucoup. Comme vous l’avez dit, un thème commun qui est certainement ressorti des réunions de notre comité et des séances d’information est le manque de temps pour examiner ces dispositions législatives corrélatives. L’examen obligatoire aura lieu après les élections, qui sont actuellement prévues pour la fin de 2025.

(1520)

Vous avez parlé de ce point. Si le projet de loi est adopté, pouvez-vous préciser le rôle important que le Sénat et notre comité pourraient jouer à l’automne dans la poursuite de l’examen de ces mesures pour déterminer, franchement, s’il y a quelque chose qui nous a échappé ou qui pourrait être corrigé?

Le sénateur Dean : Tout d’abord, je vous remercie pour la question, car elle me permet de parler davantage de ce sujet. Or, je suis peut-être déjà allé trop loin. Je dirai ceci : on a clairement abordé et compris la nature du problème. Tout le monde ici convient que nous n’avons pas eu le temps de nous pencher sur les enjeux complexes soulevés autant que nous l’aurions souhaité, qu’il s’agisse des avantages du modèle proposé — et ils sont nombreux — ou de certains des défis qu’il pose.

Je n’ai pas parlé à notre comité directeur, mais j’imagine — et nous pouvons toujours formuler des hypothèses à cet égard — que le comité pourrait chercher à obtenir un mandat, ou que le Sénat dans son ensemble pourrait vouloir faire quelque chose, pour examiner davantage les problèmes, les questions et les perspectives que les sénateurs jugent ne pas avoir eu le temps de suffisamment prendre en considération, à cause de la rapidité du processus.

Étant donné la rapidité de ce processus et le peu de temps dont nous disposons, je tiens à féliciter tous les sénateurs du travail remarquable qu’ils ont fait. Ils se sont bien acquittés de leur tâche, comme ils le font souvent lorsque le temps presse. Cependant, sénatrice Deacon, il nous faut un ordre de renvoi de portée très générale afin de nous permettre d’examiner les choses que nous n’avons pas couvertes de manière suffisamment détaillée pour nous donner à tous l’assurance que nous avons bien fait notre travail et que nous l’avons achevé de la manière désirée.

L’honorable Andrew Cardozo : Le sénateur accepterait-il de répondre à une autre question?

Le sénateur Dean : Oui, bien sûr.

Le sénateur Cardozo : Tout d’abord, sénateur Dean, je tiens à vous remercier de votre leadership en tant que parrain du projet de loi et de nous avoir fourni tous les renseignements dont nous avions besoin au cours du processus.

Assurément, comme vous le dites, l’ingérence étrangère est une menace grave et grandissante, tant en ce qui concerne les pays qui veulent interférer dans le système politique canadien que les personnes qui souhaitent intimider les membres des diasporas relativement à la situation politique d’un autre pays.

Vous avez parlé de l’équilibre en termes de libertés civiles. L’une des questions pressantes était la nécessité… La raison pour laquelle nous voulons adopter ce projet de loi maintenant, c’est pour que le registre soit établi d’ici les prochaines élections, prévues à l’automne 2025. Pensez-vous que nous disposons de suffisamment de temps pour y parvenir? Je fais appel à votre expérience de haut fonctionnaire. Pensez-vous avoir le temps de franchir les étapes nécessaires pour mettre en place le registre bien avant les élections?

Le sénateur Dean : Compte tenu du fait que nous ne connaissons manifestement pas la date des prochaines élections fédérales, je dirais que si elles ont lieu au moment où elles doivent avoir lieu — à la date anniversaire appropriée —, avec beaucoup de travail, la recherche proactive d’un commissaire et une diligence raisonnable en matière de consultation, je crois que le gouvernement devrait pouvoir agir rapidement. Les commissions peuvent agir rapidement quand on le leur demande. Le gouvernement travaille bien quand il se concentre sur une priorité et qu’on lui donne un mandat bien clair, ce qui vaut pour les politiciens comme pour les fonctionnaires.

C’est un des défis les plus pressants au Canada en ce moment, et il mérite une réponse rapide, mais diligente.

Le nouveau commissaire et les personnes qui participeront à la création de cette nouvelle organisation devront trouver un juste équilibre entre la rapidité, un bon jugement, le recrutement du talent approprié — un facteur de succès absolument essentiel dans tout cela —, les bonnes responsabilités et un échéancier aussi fiable que convenable.

En tenant compte de tous ces facteurs, la chose est possible, sénateur Cardozo, et j’ajouterais qu’elle doit être faite. Je crois que vous en conviendrez tous. Merci.

L’honorable Leo Housakos : Le sénateur Dean accepte-t-il de répondre à une autre question?

Le sénateur Dean : Oui.

Le sénateur Housakos : Merci, sénateur Dean, et merci pour votre travail à titre de parrain du projet de loi. Nous avons vu à quelle vitesse les choses peuvent évoluer quand le gouvernement s’engage à faire quelque chose. Bien sûr, comme vous le savez tous dans cette enceinte, il me répugne, par principe, de voir des lois adoptées à la hâte.

Mais ne convenez-vous pas, sénateur Dean, que nous sommes en retard par rapport à d’autres alliés du groupe des Cinq en ce qui concerne l’ingérence étrangère? Plus important encore, étant donné que nous avons un regain d’intérêt pour la question, seriez-vous d’accord pour dire qu’il n’y a absolument rien qui empêche le Sénat, au cours des prochains mois et des prochaines années, de confier à certains de ses comités — le Comité des affaires étrangères et du commerce international; le Comité de la sécurité nationale, de la défense et des anciens combattants; le Comité des affaires juridiques et constitutionnelles, par exemple — la tâche de poursuivre sur cette lancée pour que la sécurité nationale soit véritablement une priorité et de déterminer la meilleure voie à suivre? Ne pourrions-nous pas jouer un rôle dans toutes ces facettes de la question?

Le sénateur Dean : C’est là une question pour laquelle je vais m’en remettre à la Chambre. Je ne vais pas devancer mes collègues. Il s’agit d’une discussion que vous devriez avoir. Je ne vais pas me prononcer là-dessus.

Pour le moment, je ne peux que vous dire quelles étaient les dispositions de certains de mes collègues au sein du Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale, de la défense et des anciens combattants.

L’honorable Michael L. MacDonald : Honorables sénateurs, je suis heureux d’intervenir aujourd’hui à propos du projet de loi C-70, Loi concernant la lutte contre l’ingérence étrangère. Je croyais, au départ, que nous en parlerions demain. Vous serez donc heureux de savoir que mon discours sera plus court qu’il le serait normalement.

Une voix : Vous avez fière allure.

Le sénateur MacDonald : Quoi qu’il en soit, on attendait ce projet de loi sur l’ingérence étrangère depuis longtemps, et je soutiens son objectif consistant à rendre plus transparent le comportement des acteurs étrangers. Cela dit, ce projet de loi prouve une fois de plus que le gouvernement ne répond aux problèmes urgents que lorsqu’il y est contraint par l’attention croissante du public, qui entraîne des baisses dans les sondages.

Je note que le sénateur Housakos a présenté le projet de loi S-237 en février 2022. Le gouvernement aurait très bien pu agir contre l’ingérence étrangère à ce moment-là, ou même avant. Le premier ministre aurait dû prendre des mesures dès qu’il a eu connaissance de l’ingérence étrangère, et non attendre que la nouvelle soit rendue publique. En n’agissant pas, il a mis en péril la sécurité des Canadiens. Les Canadiens veulent que nous fassions quelque chose, et ce, le plus tôt possible.

Le fait est que le premier ministre a eu d’innombrables occasions de faire quelque chose au sujet de l’ingérence étrangère et qu’il a refusé d’agir jusqu’à ce que la pression publique rende impossible de fermer les yeux sur la situation. Le rapport du Comité des parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement, déposé au début de juin, lui a forcé la main. J’espère sincèrement que le projet de loi à l’étude pourra commencer à combattre ce qui est devenu un risque existentiel pour le processus démocratique au Canada.

Quoi qu’il en soit, j’appuie le projet de loi C-70. Il s’est fait attendre longtemps, mais mieux vaut tard que jamais. Il faut absolument veiller à ce qu’il n’y ait pas d’ingérence étrangère lors des prochaines élections.

Le projet de loi C-70 compte de nombreux éléments positifs. Je pense notamment à l’obligation d’évaluer l’ingérence étrangère sur les campus universitaires canadiens. L’obligation prévue dans le projet de loi C-70 d’enregistrer les subventions de recherche accordées par des institutions représentant les intérêts d’un gouvernement étranger empêchera les établissements universitaires canadiens d’être redevables à des organisations étrangères. Ces subventions et ces liens pourraient mettre en péril la sécurité nationale ou même encourager des recherches qui portent atteinte au tissu identitaire de notre pays.

Le vol de propriété intellectuelle par des acteurs étrangers a suscité de vives inquiétudes. Ce type de vol met en péril la sécurité nationale, et le manque de mesures de protection fait en sorte que le Canada est actuellement un endroit moins attrayant pour les entreprises multinationales qui souhaitent mener des recherches. En outre, les recherches menées par des Canadiens peuvent être transmises à des pays étrangers. Il y a eu l’incident très médiatisé où deux scientifiques du Parti communiste chinois, à la solde de Pékin, ont pu travailler dans le laboratoire de recherche en maladies infectieuses de Winnipeg au profit de la Chine, un acte qui aurait très bien pu mettre en péril la sécurité des Canadiens.

(1530)

Exiger des chercheurs, tant sur les campus qu’à l’extérieur, qu’ils enregistrent leur financement est une mesure préventive importante contre ces violations massives de la sécurité.

Je m’inquiète également des efforts déployés par des pays non alliés pour financer des recherches universitaires qui délégitiment le Canada ou nos alliés. Ce projet de loi fournit un cadre pour atténuer mes préoccupations en exigeant des universitaires qu’ils déclarent leur financement étranger.

J’aimerais souligner que, lorsque ce projet de loi a été étudié à la Chambre des communes — suis-je autorisé à dire cela? —, un mémoire a noté que les manifestations antisémites actuelles sur les campus universitaires pourraient être financées par des acteurs étrangers. Je serais certainement intéressé — comme vous tous, je l’espère — de voir si les professeurs qui participent actuellement à ces manifestations finissent par déclarer avoir reçu des subventions étrangères de pays qui soutiennent ce comportement aberrant dans nos campus.

Un autre point positif est que le projet de loi C-70 permet aux Canadiens de savoir qui les parlementaires qui les représentent rencontrent et avec qui leurs représentants ont cultivé des relations étroites. Le Sénat a entendu des témoignages sur les horribles violations des droits de la personne commises à l’encontre de la minorité ouïghoure en Chine ainsi que sur la répression brutale des libertés individuelles par les gouvernements de l’Iran et de la Russie. Je pense que la plupart des Canadiens voudraient savoir si leurs parlementaires développent des relations personnelles avec ces régimes autoritaires ou, surtout, si les intérêts de ces acteurs étrangers commencent à l’emporter sur les intérêts des Canadiens.

Il est évident que les titulaires d’une charge publique qui entretiennent des relations avec ces agents étrangers doivent faire preuve de transparence, de la même manière qu’ils doivent faire preuve de transparence, comme nous, au sujet de leurs rencontres avec des lobbyistes.

À cet égard, j’ai souvent remarqué que certains d’entre nous semblent parfois oublier que nous sommes ici pour représenter les Canadiens et les intérêts canadiens, et non ceux de puissances étrangères. Les membres des communautés de la diaspora sont libres, ici au Canada, de faire entendre leur voix, un privilège qu’ils n’avaient peut-être pas dans leur pays d’origine. Cela n’est pas remis en question, et il n’est pas question non plus de les empêcher de parler de sujets importants pour leur communauté. Ce n’est pas de cela qu’il est question dans le projet de loi — en fait, c’est tout le contraire. Le projet de loi C-70 a été demandé par des membres des communautés de la diaspora qui sont réellement préoccupés par le comportement des gouvernements des pays qu’ils ont fuis.

Je partage cependant certaines des préoccupations exprimées par le sénateur Housakos à l’étape de la deuxième lecture du projet de loi au Sénat. Je ne suis pas convaincu que ce projet de loi sera pleinement mis en œuvre avant les prochaines élections et, pour cette raison, je suis sincèrement préoccupé par l’intégrité des prochaines élections. C’est l’une des raisons pour lesquelles je suis favorable à l’adoption de ce projet de loi le plus rapidement possible. La sécurité nationale n’est pas un enjeu partisan. Il s’agit plutôt d’une question qui concerne tous les Canadiens et qui transcende les clivages politiques.

J’ai également quelques préoccupations quant à l’indépendance du commissaire à la transparence en matière d’influence étrangère proposé, étant donné que cette personne sera nommée par le gouvernement, même si la nomination aura lieu après consultation des partis de l’opposition. Cependant, je suis d’accord avec le sénateur Housakos pour dire que le projet de loi est mieux que rien et que le vide législatif actuel est attribuable à de nombreuses années d’inaction de la part du gouvernement.

J’invite tous les sénateurs à voter en faveur du projet de loi C-70 pour lui donner la meilleure chance d’être pleinement mis en œuvre avant les élections, à moins que le gouvernement libéral n’en retarde la mise en œuvre. Il est question de la sécurité nationale du Canada et du risque que le statu quo, qui consiste actuellement à ne disposer d’aucune mesure, représente pour les fondements d’un Canada libre et démocratique. Merci.

L’honorable Peter M. Boehm : Honorables sénateurs, j’interviens au sujet du projet de loi C-70, Loi sur la lutte contre l’ingérence étrangère.

Beaucoup a déjà été dit, mais compte tenu du sérieux de la question et de son incidence sur un élément fondamental de la société canadienne, à savoir notre démocratie, je souhaite participer à cet important débat.

Les révélations contenues dans le Rapport spécial sur l’ingérence étrangère dans les processus et les institutions démocratiques du Canada, publié récemment par le Comité des parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement, sont troublantes. Le rapport démontre que les Canadiens, et plus particulièrement le gouvernement et les parlementaires, ne peuvent plus fermer les yeux sur l’ingérence d’États étrangers dans nos processus démocratiques.

Comme le révèle le rapport, des élus, anciens et actuels, ont sciemment collaboré avec des gouvernements étrangers au détriment de l’intérêt national du Canada. Le problème de l’ingérence étrangère dans les affaires du Canada et d’autres pays fait la manchette ces derniers temps, mais il existe depuis des décennies.

Le moment choisi pour la présentation du projet de loi dont nous sommes saisis a suscité beaucoup de débats et de frustration, car le gouvernement ne l’a présenté que récemment, après avoir ignoré pendant des années un danger clair et bien réel. Qui plus et, il demande au Parlement de l’adopter à la hâte en quelques semaines seulement.

Les parlementaires et les Canadiens conviennent que le Canada doit enfin commencer à prendre au sérieux l’importante menace pour la sécurité nationale que représente l’ingérence étrangère. Voilà l’objectif du projet de loi C-70.

Ce projet de loi n’est pas parfait — je n’ai encore jamais vu un projet de loi qui l’était —, mais il s’agit d’un premier pas très concret dans la lutte contre l’ingérence étrangère dans nos processus démocratiques, surtout dans le contexte où nous nous dirigeons vers les prochaines élections fédérales.

Alors qu’il est nécessaire de définir clairement ce qu’on entend par « ingérence étrangère », nous devons aussi comprendre son incidence sur nos processus démocratiques et savoir quels processus outre les élections elles-mêmes elle touche. Dans son rapport, le Comité des parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement énonce les processus clés suivants :

l’élection en tant que telle;

les processus de mise en candidature, y compris les courses à la chefferie;

les travaux parlementaires, y compris les motions parlementaires et les processus législatifs;

les campagnes;

les activités de financement.

Quand il est question d’ingérence étrangère, nous devons reconnaître, surtout en tant que parlementaires, qu’une démocratie fonctionnelle ne se limite pas à l’acte de voter.

Pour comprendre comment les acteurs étrangers malveillants cherchent à influencer ces processus, le Comité précise que l’ingérence étrangère :

[...] sape les droits démocratiques et les libertés fondamentales des Canadiens; l’équité et l’ouverture des institutions publiques du Canada; la capacité des Canadiens de prendre des décisions éclairées et de participer aux débats publics; l’intégrité et la crédibilité du processus parlementaire du Canada; et la confiance du public envers les décisions de politiques publiques qui sont prises par le gouvernement.

Par conséquent, chers collègues, il ne s’agit pas seulement du risque pour un candidat d’être élu avec l’aide d’un État étranger, ce qui est certainement très grave. On parle ici des agressions continues et pendant de longues périodes envers un élément fondamental de notre société et la confiance du public nécessaire pour assurer sa survie.

En plus de créer un registre visant la transparence en matière d’influence étrangère et d’aider le SCRS à mieux faire son travail grâce à des modifications à la Loi sur le Service canadien du renseignement de sécurité et à des investissements accrus, le projet de loi C-70 joue un rôle important dans le débat public entourant l’ingérence étrangère.

La semaine dernière, le Comité de la sécurité nationale, de la défense et des anciens combattants a consacré plus de 11 heures à l’étude préalable du projet de loi C-70, et on nous a dit que, même s’il y a de vives préoccupations, notamment par rapport aux répercussions possibles sur la protection des renseignements personnels, au droit de manifester et au fait d’adopter le projet de loi à la hâte, on s’entend généralement pour dire que ces mesures sont absolument nécessaires et qu’il est grand temps de les adopter.

Le problème, à mon avis, c’est que les parlementaires et leur personnel n’ont pas les connaissances nécessaires pour détecter des tentatives d’ingérence étrangère. En tant que parlementaires, nous rencontrons souvent des ambassadeurs, des hauts-commissaires et d’autres diplomates, tout comme les membres de notre personnel. Cela fait partie de la diplomatie et de notre rôle dans cette enceinte.

Tout comme les diplomates canadiens à l’étranger tentent d’influencer des gouvernements et des législateurs pour promouvoir les priorités et les intérêts nationaux du Canada, des diplomates étrangers accrédités au Canada sont envoyés par leur pays pour tenter d’exercer une influence sur nos propres politiques. Cependant, il y a des limites que les diplomates ne dépassent pas et ne peuvent pas dépasser. Comme dans n’importe quel domaine, il y a des zones grises, mais il est important de reconnaître les différences entre l’influence étrangère et l’ingérence étrangère.

Dans ma vie antérieure d’agent du service extérieur, qui a duré 37 ans et pendant laquelle j’ai surtout été en poste à l’étranger, j’ai établi des relations avec d’autres personnes, je les ai influencées et parfois même courtisées en vue de promouvoir les intérêts du Canada. Cependant, peu importe les objectifs que je tentais d’atteindre, je n’ai dépassé aucune limite.

Une conduite diplomatique acceptable implique que les États s’engagent dans des interactions ouvertes, transparentes et convenues de part et d’autre afin de promouvoir leurs valeurs et leurs intérêts nationaux respectifs, de bâtir des alliances et de favoriser la coopération internationale. Ces activités sont menées dans le cadre du droit international et des normes établies en vertu de la Convention de Vienne sur les relations diplomatiques de 1961 et de son complément, la Convention de Vienne sur les relations consulaires de 1963.

Le Canada exerce une influence active sur d’autres pays de diverses façons. Par exemple, il préconise la ratification d’accords de libre-échange, la désescalade des conflits et des tensions dans le monde et l’avancement de ses objectifs et de ses valeurs stratégiques, y compris les droits de la personne, l’autonomisation politique des femmes et les droits des personnes LGBTQI+.

(1540)

L’interaction avec des fonctionnaires étrangers, ici à Ottawa et lors de mes affectations à l’étranger, est un élément essentiel de mon ancienne vie et de ma vie actuelle. C’est la norme pour la plupart, voire la totalité, d’entre nous dans cette enceinte, ainsi que pour notre personnel. Toutefois, outrepasser les activités diplomatiques normales pour tenter de miner la démocratie et la société d’un pays souverain, c’est franchir la ligne qui sépare l’influence de l’ingérence. Voilà pourquoi il est tellement important de reconnaître la différence entre les deux. Malheureusement, il existe encore un manque de connaissances à cet égard.

Le projet de loi C-70 pourra changer les choses, mais il irait encore plus loin si les parlementaires et leur personnel disposaient des connaissances nécessaires pour faire la différence entre l’influence étrangère et l’ingérence étrangère, et ainsi pouvoir reconnaître et gérer les enjeux.

Avec toute l’attention et les sollicitations que nous recevons, en tant que parlementaires, de la part de représentants de pays étrangers aussi bien ici que lors de nos voyages à l’étranger, il serait dans notre intérêt — et dans celui de nos agences de renseignement — d’assister à des séances d’information détaillées. Que les parlementaires assistent à des séances d’information classifiées ou même non classifiées, des séances d’information non classifiées en matière de sécurité devraient à tout le moins être offertes au personnel des sénateurs, qui est également susceptible de faire l’objet de tactiques d’influence et d’ingérence.

Je sais que le Service canadien du renseignement de sécurité est disposé à fournir ces séances d’information. Il devrait également être possible d’obtenir des séances d’information non classifiées sur un pays en particulier, selon les besoins.

Au cours de ma carrière précédente, j’ai souvent lu et fourni des analyses de sécurité et de renseignement, et j’y ai parfois contribué. Je sais que savoir, c’est pouvoir, chers collègues, et je pense que les parlementaires peuvent jouer un rôle dans la lutte contre l’ingérence étrangère si on leur en donne les moyens.

Le milieu d’affaires canadiennes — en particulier le Conseil canadien des affaires — préconise également que le Service canadien du renseignement de sécurité communique des informations plus spécifiques et plus tangibles aux entreprises canadiennes. Tout comme les parlementaires et leur personnel, les chefs d’entreprise doivent comprendre l’évolution des menaces afin de mieux protéger leurs employés, leurs clients et leurs milieux.

Les modifications apportées à la Loi sur le Service canadien du renseignement de sécurité par le projet de loi C-70 permettront au Service canadien du renseignement de sécurité d’en dire davantage aux entreprises que ce qui est actuellement autorisé.

Des efforts sont déployés pour lutter contre l’ingérence étrangère dans nos processus démocratiques, non seulement au Canada, mais aussi au niveau mondial avec nos partenaires et nos alliés. Chers collègues, l’ingérence étrangère n’est pas un problème propre au Canada. C’est un problème qui touche toutes les démocraties libérales du monde. Si l’insatisfaction concernant la réaction du Canada à l’ingérence visant notre pays est justifiée, il est important de comprendre que le Canada n’est pas la seule cible. C’est pourquoi nous devons travailler avec nos partenaires et alliés dans le monde entier pour combattre la menace à laquelle nous faisons tous face.

À titre d’exemple, le Canada a travaillé avec ses partenaires du G7 sur une approche unifiée pour contrer les activités étrangères malveillantes lors du sommet du G7 qui s’est tenu la semaine dernière en Italie. Dans le communiqué des dirigeants du G7 publié la semaine dernière à l’issue du sommet, les dirigeants ont reconnu la menace que pose la manipulation de l’information et l’ingérence étrangère, qui est désormais désignée par l’acronyme FIMI en anglais.

Les dirigeants du G7 se sont engagés à renforcer leurs efforts coordonnés en vue de mieux prévenir et détecter l’ingérence étrangère et d’y répondre, et ils demanderont à leurs ministres concernés de renforcer le Mécanisme de réponse rapide du G7 de Charlevoix en créant d’ici à la fin de 2024 un cadre d’intervention collective pour contrer les menaces venant de l’étranger qui planent sur la démocratie, y compris en exposant publiquement les opérations étrangères de manipulation de l’information.

Les efforts déployés à l’échelle nationale et internationale pour lutter contre les activités d’ingérence étrangère sont louables, mais il est essentiel que nous puissions examiner les mesures prises pour déterminer leur efficacité ou leur manque d’efficacité. Le projet de loi C-70 a été amendé par le Comité de la sécurité publique et nationale de la Chambre des communes afin d’exiger un examen parlementaire complet de cette loi et de son fonctionnement non seulement après chaque période de cinq ans, comme c’était prévu à l’origine, mais aussi au cours de la première année qui suit des élections générales. C’est important, chers collègues, surtout si l’on considère la gravité de la menace qui pèse sur notre démocratie, la nécessité de voir ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas, et les préoccupations des communautés de la diaspora et des organismes de défense des libertés civiles.

Comme j’ai déjà présidé un comité qui a mené un examen quinquennal exhaustif et obligatoire de mesures législatives, à savoir la loi de Magnitski et la Loi sur les mesures économiques spéciales, je sais que les examens législatifs n’ont pas nécessairement lieu uniquement parce qu’ils sont inscrits dans la loi. J’espère que les parlementaires et les Canadiens peuvent compter sur les points suivants : que, dans le contexte de l’application de la loi dans le cas d’un examen postélectoral, le comité désigné du Sénat ou de la Chambre des communes devra recenser tous les cas d’ingérence qui ont pu se produire et indiquer comment ils ont été traités; que les membres de ce comité reçoivent toutes les séances d’information sur le renseignement et les habilitations de sécurité nécessaires; et que les rapports soient rédigés de manière à être accessibles aux Canadiens, qui méritent la transparence, en particulier pour les questions qui ont une incidence sur le fonctionnement de nos processus démocratiques fondamentaux.

Enfin, nous devons comprendre clairement comment le succès, ou l’échec, de la loi et de son application seront mesurés, sans attendre de voir ce qui se passera lors des prochaines élections. Le Comité sénatorial de la sécurité nationale, de la défense et des anciens combattants peut jouer un rôle important en examinant la mise en œuvre du projet de loi C-70 au-delà des examens obligatoires, en particulier en ce qui concerne son incidence sur les communautés de la diaspora et les organismes de défense des libertés civiles.

Chers collègues, l’ingérence étrangère ne doit pas faire l’objet d’une hyperpartisanerie, car nous avons tous convenu qu’il s’agit d’une question d’une importance grave et durable. Elle exige également des solutions créatives et modernes, capables de s’adapter à des menaces et à des tactiques en constante évolution.

Malheureusement, le Canada a longtemps fait preuve de complaisance en matière de sécurité nationale. Il y a 100 ans déjà, l’ancien sénateur québécois Raoul Dandurand déclarait à la Société des Nations que les Canadiens « vivent dans une maison à l’épreuve du feu, loin des matières inflammables ». Malgré les guerres et les conflits dans le monde, les attaques terroristes et les cyberattaques, ainsi que les nombreuses crises humanitaires survenues au cours du siècle dernier, le Canada n’a pas renoncé à son sentiment d’invulnérabilité.

Le projet de loi C-70 se fait attendre depuis longtemps, chers collègues, mais il reconnaît peut-être enfin que le Canada n’est pas invincible et que nous sommes, en fin de compte, responsables de la sécurité de notre propre pays. Si nous ne sauvegardons pas le cœur de notre société, de notre démocratie, il n’y aura pas de pays à défendre.

Merci.

L’honorable Yuen Pau Woo : Honorables sénateurs, permettez-moi tout d’abord de remercier mon ami le sénateur Dean pour sa sage gestion du projet de loi et mon ami le sénateur Dagenais pour m’avoir permis d’assister à titre d’observateur aux réunions du Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale, de la défense et des anciens combattants au cours de l’étude préalable.

Chers collègues, plus tôt dans la journée, on vous a avisé que je proposerais un amendement au projet de loi C-70 afin de supprimer les mots « en association avec » et « en collaboration avec ». Avant de le faire, permettez-moi de prendre quelques minutes afin d’expliquer pourquoi je pense que cette suppression est nécessaire.

Il y a six références à ces mots dans les parties 2 et 4 du projet de loi. Par exemple, les mots « en association avec » font partie de la définition d’un « arrangement » dans la Loi sur la transparence et la responsabilité en matière d’influence étrangère. Cette loi exige que les personnes s’inscrivent et fournissent des renseignements :

… relatifs à des arrangements conclus avec des États étrangers ou des puissances étrangères et leurs intermédiaires au titre desquels des personnes s’engagent à exercer certaines activités liées à des processus politiques et gouvernementaux au Canada.

Elle définit un « arrangement » comme « Tout arrangement au titre duquel une personne s’engage à exercer, sous l’autorité d’un commettant étranger ou en association avec lui… »

Des fonctionnaires nous ont précisé qu’un « arrangement » comprend non seulement les contrats officiels, mais aussi d’autres types d’accords moins explicites. Voici ce qu’a déclaré un fonctionnaire de Sécurité publique Canada :

Un arrangement ne devrait pas nécessairement être un contrat écrit. Il ne serait pas nécessairement sur papier. Il pourrait s’agir d’une entente verbale. Au bout du compte, il appartiendrait au commissaire, en fonction des faits dont il dispose, de déterminer s’il y a une entente, un arrangement, un accord pour mener ces activités d’ingérence. La disposition est délibérément rédigée de façon à ne pas limiter l’arrangement à un seul contrat stipulant que X paie Y pour faire Z.

Autrement dit, le concept d’« arrangement » est déjà très élastique. C’est très bien parce que nous avons déjà le Registre des lobbyistes qui exige d’une personne qui représente officiellement un pays étranger qu’elle s’inscrive en application de cette mesure. Le nouveau registre de transparence en matière d’influence étrangère viendrait combler les lacunes du Registre des lobbyistes en augmentant le nombre d’activités ciblées et en élargissant la définition d’« arrangement ».

Quelle est l’utilité d’ajouter les mots « en association avec » à la définition d’« arrangement »? D’où cette formulation vient-elle? Elle est tirée du Code criminel et elle est liée aux infractions commises au profit d’une organisation criminelle.

Le paragraphe 467.12(1) du Code criminel se lit comme suit :

Est coupable d’un acte criminel et passible d’un emprisonnement maximal de quatorze ans quiconque commet un acte criminel prévu à la présente loi ou à une autre loi fédérale au profit ou sous la direction d’une organisation criminelle, ou en association avec elle.

(1550)

Il existe des précédents relativement à l’expression « en collaboration avec ». En 2001, dans l’arrêt R. c. Ruzic, la Cour suprême a expliqué qu’il existe une exigence implicite selon laquelle l’accusé a commis l’infraction principale avec l’intention de le faire au profit ou sous la direction d’un groupe dont il savait qu’il avait la composition d’une organisation criminelle, ou en association avec lui.

En 2012, dans l’arrêt R. c. Venneri, la Cour suprême a fait ressortir les principes qui sous-tendent les expressions « en association avec », « au profit de » et « sous la direction de ». La cour affirme qu’elles ont le même objectif :

« Elles ont pour objectif commun d’éliminer le crime organisé. À cette fin, elles ciblent spécifiquement les infractions qui sont liées aux organisations criminelles et en servent les intérêts. »

Dans ces arrêts, il est question de l’élimination du crime organisé et des activités des organisations criminelles. La Loi sur la transparence et la responsabilité en matière d’influence étrangère ne propose pas un registre du crime organisé et d’organisations criminelles. Il s’agit d’un registre pour la transparence qui vise à encourager les particuliers et les entités exerçant des activités de lobbying au nom d’un commettant étranger à faire preuve de transparence quant à leurs activités. Ces activités ne sont pas illégales; elles ne sont certainement pas criminelles. Après tout, le registre prévu dans la Loi sur la transparence et la responsabilité en matière d’influence étrangère n’est pas censé constituer une liste noire, mais plutôt une liste blanche. En fait, l’une des caractéristiques du projet de loi C-70 est que toute personne qui se conforme au registre peut légitimement mener les activités d’ingérence politique énumérées dans la partie 2 du projet de loi C-70.

Les mots « en collaboration avec » peuvent avoir une certaine utilité pour poursuivre des personnes impliquées dans des gangs criminels, mais ne sont pas utiles aux fins de la Loi sur la transparence et la responsabilité en matière d’influence étrangère. Au contraire, l’utilisation de ce critère obligera le commissaire à chercher une influence étrangère analogue à celle du crime organisé.

Comment va-t-il s’y prendre? Je crois que cela se résumera à un examen des points de vue exprimés par la personne soupçonnée d’être « en collaboration avec » l’agent étranger, même si le but du registre n’est pas de vérifier si les points de vue sont bons ou mauvais. Cette approche a déjà été perçue comme problématique dans les affaires criminelles où l’expression « en collaboration avec » a permis de criminaliser un comportement n’ayant qu’un lien ténu avec une organisation criminelle.

Prenez l’étude de cas sur la soi-disant ingérence étrangère malveillante qui est mise en évidence dans le document de consultation du ministre de la Sécurité publique sur le registre qui figure à présent dans le projet de loi C-70. Ce document décrit un scénario dans lequel un universitaire canadien est invité par une personne employée par un gouvernement étranger à rédiger un article d’opinion s’opposant à une position adoptée par le gouvernement fédéral, sans que la demande de l’acteur étranger soit divulguée. Cet exemple m’a fait froid dans le dos. Il laisse entendre que les Canadiens qui ont des interactions avec des gouvernements étrangers sont des dupes serviles qui n’ont aucune capacité de jugement individuel ou d’action. Comment savoir si le Canadien ne partageait pas déjà les opinions du gouvernement étranger ou s’il n’a pas, en fait, influencé l’agent étranger plutôt que l’inverse?

En réalité, le commissaire responsable du registre aurait du mal à déterminer si l’agent étranger a donné des instructions à l’universitaire. Le commissaire peut disposer d’informations sur les contacts entre l’agent et l’universitaire, mais, en l’absence de renseignements sur les directives, il devra deviner si l’universitaire était « en collaboration avec » l’agent étranger.

Le point de départ probable d’une telle évaluation sera le point de vue exprimé par l’universitaire. Le gouvernement renvoie la balle au commissaire pour déterminer comment définir un terme vague et problématique, et il compte sur les tribunaux pour corriger tout excès.

Cependant, nous devrions éviter de nous engager dans cette voie en invitant le commissaire à faire une telle tâche. Nous pouvons le faire en supprimant les mots « en association avec lui » dans la définition d’un « arrangement » avec un commettant étranger.

Honorables sénateurs, si vous pensez que cette étude de cas est marginale, permettez-moi de vous donner un exemple plus près de nous.

Lorsque les députés et les sénateurs se rendent dans un autre pays en tant que membres d’une association interparlementaire, ils rencontrent immanquablement des commettants étrangers, lesquels veulent porter à l’attention de leurs homologues canadiens des questions politiques qui leur tiennent à cœur. Très souvent, à leur retour à Ottawa, les parlementaires canadiens transmettent ces messages au ministre responsable, à un haut fonctionnaire ou au caucus d’un parti. J’ai entendu des collègues de la Colline défendre la réduction des droits de douane s’appliquant aux fromages après une visite au Royaume-Uni; un changement aux quotas d’importation de vin après une visite à Wellington; le besoin d’investir dans des installations d’exportation de gaz naturel liquéfié après une visite à Berlin; ou la nécessité d’appuyer la participation de Taïwan à l’Assemblée mondiale de la santé après un voyage parrainé à Taïwan. Les députés et les sénateurs sont-ils alors « en association avec » le pouvoir étranger et doivent-ils s’inscrire au registre prévu dans la Loi sur la transparence et la responsabilité en matière d’influence étrangère? Après tout, ils font partie d’une association qui cherche explicitement à leur permettre d’influencer leurs homologues et d’être influencés par eux.

Vous souscrivez peut-être aux politiques préconisées par les Britanniques, les Allemands, les Néo-Zélandais, les Taiwanais, et vous êtes donc enclins à ne pas tenir compte de la nécessité de l’enregistrement. Cependant, que se passerait-il si une délégation parlementaire revenait de Pékin et plaidait en faveur d’une augmentation des vols entre la Chine et le Canada? Si elle faisait pression pour que le Canada ne suive pas l’exemple des États-Unis en imposant de lourds droits de douane sur les véhicules électriques chinois? Ces exemples vous inciteraient-ils à insister sur l’enregistrement?

À première vue, les députés et les sénateurs ne sont pas exemptés de l’obligation d’enregistrement aux termes de la Loi sur la transparence et la responsabilité en matière d’influence étrangère. Le commissaire décidera peut-être de nous donner tous un passe-droit, mais qu’en sera-t-il de nos employés?

Qu’en sera-t-il des centaines d’associations commerciales bilatérales et multilatérales au Canada qui font un travail très semblable à celui de nos associations interparlementaires, et dont les représentants rencontrent régulièrement des dirigeants étrangers pour entendre leurs opinions sur les questions politiques qui touchent les relations bilatérales? Les membres des associations et des conseils commerciaux Canada-Union européenne, Canada-Japon, Canada-États-Unis ou Canada-Afrique devront-ils s’enregistrer s’ils remplissent l’un des trois critères énoncés dans la Loi sur la transparence et la responsabilité en matière d’influence étrangère, simplement parce qu’ils sont « en collaboration avec » la puissance étrangère?

Pas plus tard que la semaine dernière, le Conseil canadien des affaires a envoyé une lettre au premier ministre, l’avertissant que le Canada risquait « l’isolement diplomatique » au sein de l’OTAN s’il n’atteignait pas son objectif de 2 % de dépenses en matière de défense. Je suppose que M. Hyder, le PDG du Conseil canadien des affaires, pense que nous serons isolés sur le plan diplomatique parce qu’il s’est entretenu avec des dirigeants de gouvernements de l’OTAN, qui lui ont dit cela. Je suis certain que M. Hyder n’est pas « chargé » par ces gouvernements de faire pression sur Ottawa, mais ne peut-on pas dire que lui et son organisation sont « en collaboration avec » les gouvernements de l’OTAN lorsqu’ils transmettent un tel message?

Qu’en est-il des centaines d’organisations culturelles, claniques et de la société civile au Canada qui ont des liens intrinsèques avec des gouvernements étrangers et qui, de temps à autre, pourraient établir des relations avec des fonctionnaires? Que ce soit bien clair : si l’un de ces groupes a conclu un « arrangement » ou agit « sur l’ordre » d’une puissance étrangère, il devrait certainement s’enregistrer, mais si ces critères ne sont pas remplis, est-il judicieux d’utiliser le terme plus vague « en association avec » pour les obliger à s’enregistrer?

On pourrait penser que ce n’est pas grave si les parlementaires, les associations commerciales ainsi que les groupes culturels et de la société civile doivent être enregistrés. Qu’arrivera-t-il alors si le terme « en association avec » englobe un très large éventail de personnes et de groupes? Je vous fais remarquer que l’expression « en association avec » se retrouve aussi dans la partie 2 du projet de loi qui porte sur l’ingérence politique, dont les conséquences ne sont pas banales. L’utilisation du terme « en association avec » pourrait piéger les Canadiens dans les affaires criminelles liées à l’ingérence politique en raison de leurs points de vue ou de leurs liens, d’où le risque d’une peine maximale d’emprisonnement à perpétuité.

La nature non limitative du terme « en association avec » incitera le commissaire et les enquêteurs à examiner les antécédents et les points de vue exprimés par les agents soupçonnés, sous prétexte qu’ils sont « en association avec ». Même si le commissaire et les enquêteurs ne vont pas particulièrement dans cette direction, ils subiront de la pression de la part du public, y compris sous forme de dénonciation et de commérage, pour prendre des décisions à propos des entités qui devraient être enregistrées en raison de leurs opinions et des groupes avec qui elles ont des liens.

C’est ainsi que le maccarthysme est né.

Si vous doutez qu’une telle chose puisse se produire, je vous propose une étude de cas. J’ai appris hier qu’un groupe qui s’intéresse aux violations des droits de la personne commises par le Parti communiste chinois, le Chinese Canadian Concern Group on the Chinese Communist Party’s Human Rights Violations, avait écrit à la commissaire responsable de l’Enquête publique sur l’ingérence étrangère pour mettre en doute ma loyauté et celle de notre ancien collègue, le sénateur Victor Oh. Plus précisément, le groupe a exhorté la commissaire à réexaminer ma participation à la commission afin de tenir compte de mes « commentaires et collaborations passés ».

(1600)

Dans un sens, je devrais remercier ce groupe de me fournir, juste au bon moment, un terrible exemple de stigmatisation sur la base de mes « commentaires et collaborations passés ». Vous pouvez être sûrs que, si le projet de loi C-70 est adopté, ce groupe et d’autres intervenants tireront parti de l’expression « en collaboration avec » pour stigmatiser beaucoup d’autres Canadiens qui bénéficient de beaucoup moins de protections que moi. En fait, dans sa lettre, le groupe a nommé d’autres Canadiens d’origine chinoise et les a présentés comme de possibles agents étrangers, sans aucune preuve et sans se soucier des conséquences.

Motion d’amendement—Débat

L’honorable Yuen Pau Woo : Par conséquent, honorables sénateurs, je propose l’amendement suivant :

Que le projet de loi C-70 ne soit pas maintenant lu une troisième fois, mais qu’il soit modifié :

a)à l’article 53 :

(i)à la page 26, par substitution, aux lignes 31 et 32, de ce qui suit :

« ou pour le profit d’une entité étrangère ou d’un groupe terroriste, incite ou tente d’in- »,

(ii)à la page 28, par substitution, aux lignes 7 à 9, de ce qui suit :

« l’étranger, sur l’ordre ou pour le profit d’une entité étrangère ou d’un groupe terroriste, incite ou tente d’inciter une personne, étant égale- »,

(iii)à la page 29 :

(A)par substitution, aux lignes 10 et 11, de ce qui suit :

« ou au profit d’une entité étrangère est coupable d’un acte criminel passible de »,

(B)par substitution, aux lignes 24 et 25, de ce qui suit :

« ment, sur l’ordre ou pour le profit d’une entité étrangère, a une conduite subreptice ou »,

(iv)à la page 30, par substitution, aux lignes 12 et 13, de ce qui suit :

« l’ordre d’une entité étrangère, a une conduite subreptice ou trompeuse en vue d’in- »;

b)à l’article 113, à la page 75, par substitution, à la ligne 7, de ce qui suit :

« mettant étranger, l’une ou ».

Honorables collègues, je vous remercie de votre attention. J’espère que vous appuierez mon amendement.

Des voix : Bravo!

Les travaux du Sénat

Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, comme il est 16 heures, je dois interrompre les travaux. Conformément à l’article 9-6 du Règlement, la sonnerie se fera entendre afin de convoquer les sénateurs au vote reporté à 16 h 15 sur la troisième lecture du projet de loi C-59.

Convoquez les sénateurs.

Le sénateur Plett : Il n’est pas 16 heures. Il est 16 h 5.

Son Honneur la Présidente : La sonnerie retentira pendant 15 minutes. Le vote aura lieu à 16 h 20. Merci, sénateur.

(1620)

Projet de loi d’exécution de l’énoncé économique de l’automne 2023

Troisième lecture

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénatrice Moncion, appuyée par l’honorable sénatrice McBean, tendant à la troisième lecture du projet de loi C-59, Loi portant exécution de certaines dispositions de l’énoncé économique de l’automne déposé au Parlement le 21 novembre 2023 et de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 28 mars 2023.

Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, le vote porte sur la motion suivante : L’honorable sénatrice Moncion propose, avec l’appui de l’honorable sénatrice McBean :

Que le projet de loi C-59, Loi portant exécution de certaines dispositions de l’énoncé économique de l’automne déposé au Parlement le 21 novembre 2023 et de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 28 mars 2023, soit lu pour la troisième fois.

La motion, mise aux voix, est adoptée et le projet de loi, lu pour la troisième fois, est adopté :

POUR
Les honorables sénateurs

Anderson Hartling
Arnot Jaffer
Aucoin Kingston
Bellemare Klyne
Bernard LaBoucane-Benson
Boehm Lankin
Boniface Loffreda
Burey MacAdam
Busson McBean
Cardozo McCallum
Clement McNair
Cordy McPhedran
Cormier Mégie
Cotter Miville-Dechêne
Coyle Moncion
Cuzner Moodie
Dalphond Omidvar
Dasko Osler
Deacon (Nouvelle-Écosse) Pate
Deacon (Ontario) Petitclerc
Dean Petten
Downe Ravalia
Duncan Ringuette
Forest Ross
Francis Saint-Germain
Galvez Simons
Gerba Sorensen
Gignac White
Gold Woo
Harder Yussuff—60

CONTRE
Les honorables sénateurs

Ataullahjan Patterson
Batters Plett
Black Poirier
Carignan Quinn
Dagenais Richards
Housakos Seidman
MacDonald Smith
Manning Verner
Marshall Wallin
Martin Wells—20

ABSTENTIONS
Les honorables sénateurs

Oudar Tannas—2

[Français]

Projet de loi no 1 d’exécution du budget de 2024

Première lecture

Son Honneur la Présidente annonce qu’elle a reçu de la Chambre des communes le projet de loi C-69, Loi portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 16 avril 2024, accompagné d’un message.

(Le projet de loi est lu pour la première fois.)

(Conformément à l’ordre adopté par le Sénat le 18 juin 2024, le projet de loi est inscrit à l’ordre du jour pour la deuxième lecture plus tard aujourd’hui.)

[Traduction]

La Loi de mise en œuvre de la Convention sur les armes chimiques

Projet de loi modificatif—Message des Communes

Son Honneur la Présidente annonce qu’elle a reçu de la Chambre des communes le projet de loi S-9, Loi modifiant la Loi de mise en œuvre de la Convention sur les armes chimiques, accompagné d’un message informant le Sénat qu’elle a adopté ce projet de loi sans amendement.

(1630)

[Français]

Projet de loi concernant la cybersécurité, modifiant la Loi sur les télécommunications et apportant des modifications corrélatives à d’autres lois

Projet de loi modificatif—Première lecture

Son Honneur la Présidente annonce qu’elle a reçu de la Chambre des communes le projet de loi C-26, Loi concernant la cybersécurité, modifiant la Loi sur les télécommunications et apportant des modifications corrélatives à d’autres lois, accompagné d’un message.

(Le projet de loi est lu pour la première fois.)

Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la deuxième fois?

(Sur la motion du sénateur Gold, la deuxième lecture du projet de loi est inscrite à l’ordre du jour de la séance d’après-demain.)

[Traduction]

Projet de loi sur la Commission d’examen des erreurs du système judiciaire (Loi de David et Joyce Milgaard)

Projet de loi modificatif—Première lecture

Son Honneur la Présidente annonce qu’elle a reçu de la Chambre des communes le projet de loi C-40, Loi modifiant le Code criminel et d’autres lois en conséquence et abrogeant un règlement (examen des erreurs judiciaires), accompagné d’un message.

(Le projet de loi est lu pour la première fois.)

Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la deuxième fois?

(Sur la motion du sénateur Gold, la deuxième lecture du projet de loi est inscrite à l’ordre du jour de la séance d’après-demain.)

[Français]

Projet de loi sur la lutte contre l’ingérence étrangère

Troisième lecture—Rejet de la motion d’amendement

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénateur Dean, appuyée par l’honorable sénateur Cotter, tendant à la troisième lecture du projet de loi C-70, Loi concernant la lutte contre l’ingérence étrangère.

Et sur la motion d’amendement de l’honorable sénateur Woo, appuyée par l’honorable sénateur Ravalia,

Que le projet de loi C-70 ne soit pas maintenant lu une troisième fois, mais qu’il soit modifié :

a)à l’article 53 :

(i)à la page 26, par substitution, aux lignes 31 et 32, de ce qui suit :

« ou pour le profit d’une entité étrangère ou d’un groupe terroriste, incite ou tente d’in- »,

(ii)à la page 28, par substitution, aux lignes 7 à 9, de ce qui suit :

« l’étranger, sur l’ordre ou pour le profit d’une entité étrangère ou d’un groupe terroriste, incite ou tente d’inciter une personne, étant égale- »,

(iii)à la page 29 :

(A)par substitution, aux lignes 10 et 11, de ce qui suit :

« ou au profit d’une entité étrangère est coupable d’un acte criminel passible de »,

(B)par substitution, aux lignes 24 et 25, de ce qui suit :

« ment, sur l’ordre ou pour le profit d’une entité étrangère, a une conduite subreptice ou »,

(iv)à la page 30, par substitution, aux lignes 12 et 13, de ce qui suit :

« l’ordre d’une entité étrangère, a une conduite subreptice ou trompeuse en vue d’in- »;

b)à l’article 113, à la page 75, par substitution, à la ligne 7, de ce qui suit :

« mettant étranger, l’une ou ».

Son Honneur la Présidente : Nous reprenons donc le débat sur l’amendement. Il y a deux personnes qui ont montré un intérêt à poser une question, et il reste 19 secondes. Sénateur Woo, vous avez la parole.

[Traduction]

L’honorable Yuen Pau Woo : Je demande cinq minutes de plus.

Une voix : Non.

Son Honneur la Présidente : Le consentement n’est pas accordé.

[Français]

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, je prends la parole pour parler brièvement de l’amendement proposé par le sénateur Woo au projet de loi C-70.

[Traduction]

Je remercie le sénateur Woo pour ses observations sincères. Je remercie le sénateur Dean d’avoir parrainé le projet de loi et de l’avoir porté de façon on ne peut plus responsable, et je le remercie pour ses observations d’aujourd’hui. Je remercie également les membres du comité, qui ont étudié le projet de loi avec diligence pendant le temps qui leur était imparti.

C’est quand des personnes consciencieuses débattent vigoureusement, mais avec courtoisie de questions d’importance que le Sénat donne toute sa mesure, comme c’est le cas aujourd’hui.

Je sais que nous nous estimons tous chanceux d’être dans un pays et de faire partie d’une institution où ce type de débat est non seulement possible, mais encouragé, et c’est un honneur pour moi d’y prendre part.

Le projet de loi C-70 a été élaboré dans cet esprit, dans le but de protéger nos institutions démocratiques et les valeurs d’ouverture et de transparence qui font du Canada le pays qu’il est.

Nous ne devons pas tenir la démocratie pour acquise. Nous ne devons pas ignorer le fait que certaines puissances étrangères, entre autres, aimeraient que notre démocratie se détériore et se corrompe, et qu’elles s’emploient activement à obtenir ce résultat. Il nous incombe de protéger les personnes qui sont venues au Canada en quête de sécurité et de liberté contre les tentacules des régimes qu’elles ont fuis.

Chers collègues, je suis convaincu que nous sommes tous sur la même longueur d’onde à cet égard. Notre débat d’aujourd’hui, en particulier en ce qui concerne cet amendement, porte sur la façon d’y parvenir.

Les citoyens doivent exiger que les lois dénotent vigilance et réflexion, surtout lorsqu’elles concernent la sécurité nationale, afin que l’on ne résolve pas certains problèmes en en créant involontairement d’autres. C’est ce que le sénateur Woo tente d’éviter dans ce cas-ci, et je l’en remercie à nouveau.

L’un des principaux objectifs du projet de loi C-70 consiste à protéger les membres des communautés de la diaspora. La dernière chose que nous souhaitons tous, c’est d’alimenter la suspicion et la persécution de concitoyens canadiens sur la base de leur origine nationale ou ethnique. Les réserves exprimées par le sénateur Woo sont sérieuses et légitimes; ne les prenons pas à la légère.

Nous venons tous dans cette enceinte avec des perspectives façonnées par nos antécédents et par notre expérience. Éclairer le processus législatif de ces perspectives constitue un acte de civisme patriotique envers le Canada.

À cette fin, je vais maintenant vous faire part de mon point de vue sur cet amendement.

Chers collègues, en résumé, je ne peux pas l’appuyer.

Comme nous l’avons entendu, l’amendement propose de supprimer l’expression « en collaboration avec » dans deux parties du projet de loi, comme l’a expliqué le sénateur Woo dans ses observations. Permettez-moi de m’y arrêter tour à tour.

Le premier de ces endroits, c’est la Loi sur la protection de l’information, une loi qui existe depuis longtemps et que le projet de loi C-70 propose de modifier. Le projet de loi C-70 créerait ou élargirait plusieurs infractions à cette loi relatives à toute activité commise « sur l’ordre d’une entité étrangère [...] en collaboration avec [elle] ou pour son profit ».

Il s’agit notamment du recours à l’intimidation, à des menaces ou à la violence, tel qu’il est décrit aux articles 20 et 20.1 proposés; de la perpétration d’un acte criminel pour une entité étrangère, tel qu’il est décrit à l’article 20.2 proposé; et du fait de se livrer à une conduite subreptice ou trompeuse portant atteinte aux intérêts canadiens, tel qu’il est décrit à l’article 20.3 proposé.

À l’article 20.4 proposé, le projet de loi érige également en infraction le fait de se livrer, sur l’ordre d’une entité étrangère ou en collaboration avec elle, à une conduite subreptice ou trompeuse en vue d’influer sur un processus politique ou gouvernemental ou certains autres processus.

Chers collègues, dans tous ces cas, la personne doit participer à une activité malveillante. À première vue, ces dispositions ne criminalisent pas la simple association avec une entité étrangère. Elles visent plutôt les personnes qui ont des intentions malveillantes et qui utilisent la menace, la violence, l’intimidation ou la tromperie. Quiconque est impliqué dans ce type d’activité doit faire l’objet de poursuites.

Le gouvernement n’estime pas que ces dispositions sont trop générales ou ambiguës. Comme je l’ai mentionné, l’article 20 de la Loi sur la protection de l’information contient déjà une disposition — c’est celle dont j’ai parlé plus tôt — qui est en vigueur depuis de nombreuses années. Il a toujours inclus les mots « en collaboration avec ». Il n’y a là rien de nouveau. En plus, il y a un aspect important du projet de loi C-70 qui élimine toute ambiguïté dans la loi actuelle.

Je m’explique. L’article 20 actuel, qui est en vigueur, interdit de recourir à des « menaces, [à des] accusations ou [à de la] violence » pour inciter quelqu’un à faire quelque chose de préjudiciable au Canada « sur l’ordre d’une entité étrangère ou d’un groupe terroriste, en collaboration avec lui ou pour son profit ». C’est ce que prévoit la loi actuelle. Le projet de loi C-70 remplacerait les mots « menace » et « accusation » par le terme « intimidation », mieux compris en droit pénal canadien, notamment dans le contexte de l’extorsion.

Ce n’est pas une analogie inutile en ce qui concerne certaines des infractions en cause. On parle d’infractions qui s’apparentent à l’extorsion, quoiqu’elles ne visent pas un gain monétaire, mais des fins hostiles d’ingérence dans nos processus démocratiques.

Comme je l’ai dit, cette disposition, qui est actuellement en vigueur, comprend l’expression « en collaboration avec ». Ainsi, l’amendement proposé par le sénateur Woo affaiblirait la loi existante, ce qui serait forcément contraire à l’intention du gouvernement, qui vise à rendre le libellé plus dissuasif et à autoriser les poursuites en cas d’activité malveillante impliquant une entité étrangère.

Je vais maintenant passer au deuxième sujet que viserait l’amendement proposé, à savoir la Loi sur la transparence et la responsabilité en matière d’influence étrangère.

Cette nouvelle loi ne porte pas sur les activités malveillantes. Elle porte simplement sur la transparence. Le projet de loi C-70 exigerait que les gens qui tentent d’influer sur les processus politiques ou démocratiques au Canada « sous l’autorité d’un commettant étranger ou en association avec lui » le fassent inscrire au registre.

(1640)

Chers collègues, on ne sous-entend pas que de telles activités sont intrinsèquement mauvaises, et on ne tente pas de les empêcher ou de les limiter. L’objectif du gouvernement est simplement de veiller à ce que les Canadiens sachent d’où proviennent les messages politiques et qui en sont les auteurs. Il s’agit du même concept que le Registre des lobbyistes, qui n’interdit pas les activités de lobbying; il favorise simplement la transparence.

La suppression des mots « en collaboration avec », comme le propose cet amendement, créerait une faille importante dans l’obligation d’enregistrement et irait donc à l’encontre de l’objectif de transparence.

En matière de communications politiques, les relations entre les acteurs étrangers et les personnes au Canada ne sont généralement pas explicites au point d’impliquer des contrats écrits ou des instructions précises. Il peut arriver, par exemple, qu’un régime étranger finance un groupe de réflexion au Canada. Dans un tel cas, le régime n’oriente pas nécessairement les actions ou les communications précises du groupe de réflexion, mais les Canadiens ont au moins le droit de savoir qui finance ce groupe, peu importe ses positions passées et actuelles ou leur origine.

Ainsi, un agent d’un pays étranger pourrait approcher un universitaire canadien et l’encourager à faire certaines déclarations publiques ou à publier certains articles, sans lui donner d’instructions explicites. En vertu du projet de loi C-70, l’universitaire serait libre de le faire. Il lui suffirait d’être transparent à ce sujet. L’amendement proposé, en revanche, le dispenserait de cette obligation de transparence.

Chers collègues, les acteurs étrangers peuvent être très habiles pour trouver des faiblesses dans nos lois et les exploiter. En supprimant l’expression « en collaboration avec » et en limitant le registre aux situations où il existe des instructions explicites de la part d’un commettant étranger, nous viderions ce nouveau registre de sa substance avant même qu’il ne soit créé.

Chers collègues, ce projet de loi vise à mieux protéger le Canada contre l’ingérence étrangère et la répression transnationale, de même qu’à promouvoir la transparence en matière de communication et d’influence politiques. Le projet de loi C-70, considéré dans son ensemble, améliore la boîte à outils de nos agences nationales de sécurité et de renseignement pour les aider à contrer ces phénomènes de plus en plus répandus. Toute une série d’outils pourraient être utilisés, depuis les exigences de transparence jusqu’aux sanctions administratives pécuniaires, en passant par les enquêtes et les poursuites judiciaires, selon le contexte.

De même, le nouveau commissaire à la transparence en matière d’influence étrangère disposerait d’une série d’outils, allant de la formulation de conseils et d’avertissements à la transmission de dossiers aux autorités chargées de l’application de la loi. En d’autres termes, ce projet de loi n’est pas un instrument sans raffinement. Il s’agit d’un instrument très nuancé, d’une approche nuancée face à une question nuancée et difficile.

Comme je l’ai dit au début, je suis sensible aux préoccupations du sénateur Woo. Nous savons tous que des projets de loi bien intentionnés peuvent avoir des conséquences inattendues, en particulier dans le domaine de la sécurité nationale.

Je rappelle toutefois aux sénateurs que nous avons pris des mesures importantes ces dernières années pour renforcer la surveillance et la reddition de comptes à cet égard. Nous disposons maintenant d’institutions comme le Comité des parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement et l’Office de surveillance des activités en matière de sécurité nationale et de renseignement, qui n’existaient pas lorsque les lois antiterroristes ont été adoptées il y a plusieurs années.

Légiférer dans ce domaine consistera toujours à essayer de trouver le bon équilibre : protéger les libertés civiles tout en protégeant notre sécurité et nos institutions nationales. Le gouvernement pense que le projet de loi atteint un tel équilibre et, comme le montre le vote qui a eu lieu à l’autre endroit, les députés sont entièrement d’accord.

L’autre endroit est aussi d’avis que ces nouvelles dispositions législatives devraient être mises en place avant les prochaines élections, et lui renvoyer le projet de loi à ce moment de la session nuirait à l’atteinte de cet objectif.

Je crois savoir que le Comité de la sécurité nationale du Sénat a discuté de la possibilité de poursuivre l’étude du projet de loi C-70. Le sénateur Dean y a fait allusion. Le comité pourrait entre autres examiner les répercussions du projet de loi et étudier sa mise en œuvre, à notre retour à l’automne. Du point de vue du gouvernement, ce serait une entreprise très valable, en plus d’être une bonne façon de respecter la volonté de l’autre endroit et de la population de répondre aux menaces émergentes dans les meilleurs délais, tout en jouant notre rôle de sénateurs avec la diligence nécessaire et avec vigilance.

Encore une fois, je tiens à remercier le sénateur Woo de sa contribution à l’étude de ce projet de loi. Sénateur Woo, je suis persuadé que vous participerez avec enthousiasme aux travaux futurs du comité sur le projet de loi C-70 et les questions connexes. Le Sénat bénéficierait certainement de votre participation.

Pour l’instant, cependant, j’encourage les sénateurs à s’opposer à cet amendement et à appuyer le projet de loi dans sa forme actuelle. Merci de votre attention.

Le sénateur Woo : Accepteriez-vous de répondre à une question, sénateur Gold?

Le sénateur Gold : Oui, bien sûr.

Le sénateur Woo : Je vous remercie de votre discours. Je l’ai bien aimé. Avant de poser ma question, permettez-moi de dire que les exemples que vous avez énumérés et qui, selon vous, ne seraient pas couverts par la Loi sur la transparence et la responsabilité en matière d’influence étrangère si l’on supprimait les mots « en collaboration avec » sont, je pense, déjà couverts par la définition d’« arrangements », dont j’ai parlé de manière plus détaillée lors de mon intervention.

Toutefois, ma question concerne la Loi sur la protection de l’information, loi dans laquelle — comme vous le signalez à juste titre — l’expression « en collaboration avec » figure depuis longtemps.

Vous nous rappelez également que de nouvelles infractions sont créées, mais vous passez sous silence le fait que l’une de ces nouvelles infractions se rapporte à l’ingérence politique. Ce n’est pas le fait de participer à la politique fédérale, provinciale, municipale ou autochtone, ou encore de poser sa candidature à un conseil scolaire, qui constitue une infraction, mais de le faire subrepticement.

Ma question, sénateur Gold, est donc de savoir comment nous pouvons être sûrs que l’expression « en collaboration avec » ne sera pas utilisée pour stigmatiser, pénaliser, criminaliser un Canadien qui participe à un processus politique dans sa collectivité simplement parce qu’il est soupçonné d’être « en collaboration avec » un État étranger. Comme vous le savez, la peine encourue est l’emprisonnement à perpétuité.

Le sénateur Gold : Je vous remercie de votre question. Elle est importante. Je suis persuadé que l’intention du gouvernement dans cette mesure législative est très claire. Il ne vise pas à stigmatiser des députés qui participent en toute légitimité au processus législatif.

J’aimerais toutefois souligner, si je le peux — vous faites référence à l’article 20.4 proposé —, que même s’il conserve les mots « en collaboration avec », une lecture attentive montre que, contrairement aux autres articles, on a éliminé l’expression « pour son profit ». C’est en raison de l’éventail de normes que l’on pourrait satisfaire. Dans le cadre d’une enquête ou d’une poursuite, la plus simple est « pour son profit », car elle est assez claire. C’est précisément parce que la barre n’est pas assez haute que le gouvernement l’a retirée de cet article, contrairement aux articles qui portent sur l’intimidation, les menaces, la violence, etc., afin qu’il soit plus difficile de mettre la main sur les individus qui ont une conduite trompeuse ou subreptice.

Il est parfois très difficile d’être certain qu’une personne est dirigée, car un mauvais acteur étranger compétent ne laissera que très peu de traces écrites, voire aucune. L’expression « en collaboration avec » est une question factuelle sur laquelle il faudra se pencher.

Dans son ensemble, ce projet de loi m’inspire confiance. Je fais confiance aux procédures qui sont mises sur pied, au nouveau poste de commissaire, au bon sens et, soit dit en passant, aux dispositions juridiques — la révision judiciaire, entre autres — qui sont prévues dans le projet de loi.

Votre question est tout à fait légitime, mais le projet de loi vise à circonscrire davantage les efforts dans le but de réduire et d’atténuer les risques que vous avez soulignés.

Le sénateur Woo : En 2021, comme vous le savez, M. O’Toole, l’ancien chef du Parti conservateur, a allégué que certains Canadiens d’origine chinoise — qui étaient aussi des utilisateurs d’une application servant à discuter de sujets politiques — étaient des agents de l’État chinois parce qu’ils accusaient M. O’Toole d’être dur envers la Chine. De manière plus précise, ces utilisateurs disaient que M. O’Toole voulait pratiquement rompre les relations diplomatiques avec la Chine.

À l’heure actuelle, le Parti conservateur, les médias et les commentateurs ont adopté ce point de vue politique sur certains Canadiens en se fondant sur les déclarations de M. O’Toole, soit dit en passant. Ils considèrent que c’est une preuve d’association avec l’État chinois et, par conséquent, d’être des agents étrangers.

Selon ce projet de loi, je serais porté à croire que ces personnes pourraient être poursuivies parce qu’elles agissent au nom de ou « en collaboration avec » un État étranger de façon subreptice ou trompeuse.

(1650)

Pourriez-vous commenter cette situation, je vous prie?

Le sénateur Gold : L’avocat en moi est très réticent à la commenter, mais je passerai un peu par-dessus ma réticence, sénateur Woo. Je pense qu’il est peu probable que ce genre de situation soit visé par la loi. Ce n’est pas la lecture que je fais du projet de loi. Quand on le regarde dans son ensemble et qu’on regarde ses objectifs globaux, qu’on tient compte des nombreux éléments consignés dans les comptes rendus du Sénat et de l’autre endroit, on voit que les intentions du gouvernement ne vont pas dans ce sens. En tout respect, je ne crois pas que ce genre de situation soit visé, et je ne crois pas qu’il devrait l’être.

L’honorable Denise Batters : Sénateur Gold, je vous remercie de votre discours. Je souhaite aborder quelques éléments juridiques supplémentaires.

Selon moi, c’est en fait une bonne chose que l’expression « en collaboration avec » soit utilisée dans une loi fédérale importante. Le sénateur Woo a donné un exemple tiré du Code criminel, et vous en avez aussi fourni quelques-uns. Autre point positif, l’expression « en collaboration avec » a déjà été interprétée dans la jurisprudence fédérale, y compris par la Cour suprême du Canada, comme le sénateur Woo l’a mentionné. Outre le Code criminel, il y a probablement d’autres lois fédérales qui emploient aussi l’expression « en collaboration avec ».

Dans le contexte de la législation fédérale, c’est une bonne chose d’employer une expression qui figure dans d’autres lois et qui a déjà été bien interprétée par les tribunaux.

De plus, dans le cas lié au Code criminel que le sénateur Woo a mentionné, il semble que la Cour suprême du Canada n’ait pas jugé pas que l’expression « en collaboration avec » avait une portée excessive.

Croyez-vous, comme moi, que l’ensemble de ces éléments contribuent à la valeur de l’expression « en collaboration avec » et font en sorte que sa portée ne serait pas jugée excessive?

Le sénateur Gold : Je vous remercie de votre intervention. Je suis d’accord, sénatrice Batters. Je ne m’étendrai pas sur le sujet; je pense que vous l’avez très bien exprimé. Je suis d’accord.

Le sénateur Woo : Je veux soulever la question de l’interférence électorale touchant M. O’Toole et, je dirais, M. Chiu, qui a été mentionnée à plusieurs reprises dans cette enceinte et qui a mené à un projet de loi d’initiative parlementaire relatif à un registre des agents d’influence étrangers.

À l’époque, sur les réseaux sociaux chinois, des Canadiens ont critiqué ce projet de loi, ce qui a mené à un déclin politique à l’approche des élections de 2021. Les agences du renseignement — les personnes qui mèneront les enquêtes — les avaient spécifiquement étiquetés comme étant influencés par un État étranger. Ne pourraient-ils pas être poursuivis au titre de la loi que nous mettons en place? Ils ont été étiquetés par les agences du renseignement comme étant sous l’influence d’un État étranger et participant au débat politique canadien pour s’opposer à un projet de loi particulier d’un député ou pour s’opposer au chef d’un parti qu’ils considèrent comme anti-chinois.

Il ne s’agit pas ici de décider si nous devrions être pour ou contre la Chine. Il s’agit d’un débat sur le droit des Canadiens d’avoir des opinions politiques, en particulier durant une campagne électorale. Est-ce que le projet de loi à l’étude criminaliserait cela?

Le sénateur Gold : Encore une fois, en tant que leader du gouvernement, je pense qu’il ne serait pas convenable que je me prononce sur des situations hypothétiques. Je rappelle que, selon le libellé de la disposition, on parle d’avoir une conduite subreptice ou trompeuse, sur l’ordre d’une entité étrangère ou en collaboration avec elle, en vue d’exercer une influence. Voilà pour le premier point.

Pour ce qui est du deuxième point, les sénateurs se rappellent peut-être des longues discussions que nous avons eues sur le projet de loi C-59, que j’ai eu le privilège de parrainer dans cette enceinte, il y a de cela de nombreuses années, et pendant lesquelles on a souligné que la différence entre le renseignement et la preuve pose constamment problème au sein de notre système judiciaire. Même si le Service canadien du renseignement de sécurité, ou SCRS, peut faire enquête, cela ne veut pas forcément dire qu’il en résultera des éléments de preuve viables, et encore moins des éléments de preuves pouvant mener à des poursuites.

Encore une fois, je crois que votre question est hypothétique, et je ne crois pas que le projet de loi, tel qu’il est rédigé, présente les risques que vous décrivez.

L’honorable Tony Dean : Honorables sénateurs, je serai bref. Je vais faire suite aux observations déjà faites au sujet de notre collègue, le sénateur Woo : personne ne peut démêler des lois complexes et indéchiffrables aussi bien que notre bon ami, et c’est un véritable don. Je remercie le sénateur Woo d’avoir porté ces idées et cette proposition à notre attention.

Le sénateur Woo estime que la formulation du texte, pour le dire simplement, ratisse trop large. D’après mon interprétation et l’intention de ce projet de loi, je pense qu’un registre est en effet destiné à ratisser large. C’est son objectif. Je pense qu’il a deux objectifs : ratisser large pour dresser un portrait de la situation puis examiner qui sont les acteurs et les personnes qui n’ont peut-être pas choisi de s’inscrire au registre. C’est un outil intéressant qui est utilisé dans d’autres contextes réglementaires.

La discussion sur le champ d’application est d’une importance cruciale, et je suis heureux que nous l’ayons. Ce qui me préoccupe, c’est que la solution proposée par le sénateur Woo réduirait le champ d’application et irait trop dans l’autre sens, si je puis m’exprimer ainsi, et que nous nous retrouverions avec un nombre relativement faible de personnes inscrites, ce qui irait à l’encontre de l’un des objectifs du registre.

Voilà ce qui me préoccupe, et c’est pour cette raison que je ne suis pas enclin à appuyer l’amendement, même s’il m’est pénible de le faire, je l’admets.

Comme le sénateur Woo l’a mentionné, il y aura un commissaire. Ce commissaire, espérons-le, sera nommé sans tarder, et nous aurons un rôle à jouer dans cette nomination. Je suppose que ce commissaire traitera très rapidement des questions comme les déplacements des parlementaires et de ce que j’appellerais le groupe des préoccupations hors sujet qui ont été soulevées dans ce contexte. Ces préoccupations sont fondées, mais je pense qu’il est facile d’y répondre.

Au bout du compte, ce qui me préoccupe, c’est ce qu’il resterait si nous adoptions cet amendement, comment les choses fonctionneraient à l’intérieur de ce dispositif et quels seraient les liens avec d’autres éléments d’un ensemble d’instruments qui est envisagé pour se débarrasser de l’ingérence étrangère.

Voilà. Mes observations étaient brèves et directes, et je vais m’en tenir à cela. Merci, sénateur Woo.

Le sénateur Woo : Merci, sénateur Dean, pour votre intervention. Estimez-vous que le registre devrait contenir les noms des députés et des sénateurs qui participent aux activités d’associations parlementaires et d’associations commerciales et de conseils bilatéraux et multilatéraux — il y en a des centaines —, dans le cadre desquelles ils ont pour mission d’avoir des interactions avec des commettants étrangers et de ramener des idées? Le registre devrait-il aussi contenir les noms des ONG culturelles et civiles qui ont des liens intrinsèques avec des gouvernements étrangers?

Le sénateur Dean : À mon avis, une fois que le commissaire sera en poste, nous collaborerons avec lui pour concevoir et définir les paramètres de la réglementation, et j’estime que c’est dans le cadre de cette démarche qu’il conviendra de prendre ce genre de décision, car la chose est, honnêtement, trop complexe pour nous. Du moins, elle l’est trop pour moi.

J’estime qu’il faudra prendre ce genre de décision plus tard. Je répète que nous participerons au choix du commissaire. Il sera très important de choisir la bonne personne. Les règlements, les approches et les processus associés à l’application de cette disposition seront primordiaux.

Je rappelle que le comité a souligné l’importance d’exercer une surveillance, car cela nous concerne tous en tant que parlementaires. Merci.

(1700)

Le sénateur Woo : Merci, sénateur Dean.

Vous savez que d’autres pays surveillent nos décisions relatives à ce registre visant à accroître la transparence et à lutter contre l’ingérence étrangère. Par exemple, la Géorgie, qui essaie d’instaurer une loi sur les agents étrangers, a un très seuil élevé. Pour qu’un organisme non gouvernemental soit tenu de s’inscrire au registre, il doit tirer 20 % de son financement d’une source étrangère.

Sénateur Dean, comment réagiriez-vous si un pays qui, disons, a peu d’égards pour les pratiques libérales du Canada, adoptait une loi utilisant le même libellé vague et informe que le projet de loi C-70 pour obliger toute personne ayant une relation avec le gouvernement du Canada, avec une entité financée par lui ou avec une entité ayant des liens avec lui à s’inscrire à son registre?

Comment réagiriez-vous?

Le sénateur Dean : Eh bien, en premier lieu, sénateur Woo, je ne qualifierais pas les expressions « en association avec » et « en collaboration avec » de vagues et informes. Nous comprenons ce que cela veut dire. Cela veut dire, au premier sens, faire quelque chose avec quelqu’un. Faire quelque chose avec une autre personne, c’est le faire « en association avec » ou « en collaboration avec » elle.

Cela dit, je suis frappé par cet aspect, comme je l’ai été plus tôt, lorsque nous avons parlé de Charte canadienne et de la liberté d’association, et je pense que c’est également important.

Sinon, pour ce qui est des questions hypothétiques au sujet de ce que d’autres pays pourraient faire et des liens avec le sujet qui nous occupe, il serait difficile d’y répondre. Je ne suis pas prêt à m’aventurer sur ce terrain.

L’honorable Rebecca Patterson : Sénateur Dean, accepteriez-vous de répondre à une question?

Le sénateur Dean : Certainement.

La sénatrice Patterson : Merci.

Nous discutons de la partie du libellé où il est écrit « en collaboration avec » sans parler du reste du contexte, qui concerne notamment l’intention. Je voudrais également revenir sur les observations du sénateur Boehm au sujet des paramètres qui encadrent nos actions lorsque nous participons à des activités parlementaires ou diplomatiques. C’est là qu’intervient la question de savoir dans l’intérêt de qui nous agissons.

Au cours des discussions et du débat que nous avons menés dans le peu de temps qui nous est imparti pour étudier le projet de loi, quelqu’un a-t-il mentionné que les personnes qui agissent légitimement dans l’intérêt supérieur du Canada allaient être visées par cette loi? Cela revient à ce que je disais plus tôt; on ne peut pas prendre la partie « en collaboration avec » de façon isolée sans tenir compte de la partie qui dit « en vue de ».

Cette question a-t-elle été abordée pendant les discussions?

Le sénateur Dean : Si j’ai bien compris le principe, il est vrai que les personnes qui agissent en toute légalité répondraient à certains des critères et devraient s’inscrire, et c’est très bien ainsi.

Le registre n’a pas pour but de piéger les personnes qui agissent mal. Dans de nombreux cas, il demande aux personnes qui agissent correctement de s’inscrire. Je n’ai aucun problème avec une opération de ce genre où les personnes qui respectent les lois et les pratiques appropriées se retrouvent néanmoins avec l’obligation relativement légère de s’inscrire à un tel registre.

Ce processus va peut-être un peu loin, mais je préfère cela à l’inverse. Nous risquons d’avoir un processus nettement lacunaire si nous acceptons cet amendement.

Le sénateur Woo : La question de la sénatrice Patterson sous-entend que l’enregistrement ne serait pas requis si l’intention est d’agir dans l’intérêt du Canada.

Sénateur Dean, pouvez-vous confirmer qu’il s’agit bien d’une interprétation exacte du projet de loi? Dans l’affirmative, s’il s’agit d’inscrire uniquement les personnes qui exercent une influence malveillante, comment proposez-vous que le commissaire définisse ces critères?

Cela nous ramène à mon discours sur les points de vue concernant les critères d’enregistrement.

Le sénateur Dean : Je dirai qu’il y a des critères d’enregistrement qui sont clairs et qui obligeront certaines personnes à s’enregistrer, et ces personnes n’encourraient pas l’une des peines liées à certaines activités prévues dans la mesure législative en raison de leurs actions.

Est-ce qu’une telle chose me pose un problème? Non, pas du tout.

L’honorable Pierre J. Dalphond : Je ne dirai que quelques mots. J’ajouterai simplement quelques observations, même si j’adhère à tout ce que le sénateur Gold a dit, ainsi qu’aux observations très pertinentes du sénateur Woo, que je respecte beaucoup.

Ce qu’il a dit pourrait être vrai dans un contexte différent, mais nous devons nous rappeler que le projet de loi ne peut pas mener au maccarthysme. Joseph McCarthy dirigeait un comité du Congrès des États-Unis qui jugeait politiquement les personnes qui étaient accusées d’être communistes, qui étaient proches du communisme ou qui avaient des opinions considérées comme communistes.

Dans le cas présent, nous créons des infractions qui seront traitées par un office de la Couronne, qui devra porter des accusations contre une personne devant les tribunaux. La personne accusée comparaîtra devant un juge, une femme ou un homme qui possède certaines compétences et qui doit agir de manière impartiale, et non dans le but d’obtenir des gains politiques, de s’attaquer à des ennemis politiques ou de remporter des victoires politiques. Il ne faut pas établir de parallèle entre le projet de loi et le danger du maccarthysme. Selon moi, il s’agit malheureusement d’une observation qui va trop loin.

Le deuxième point que je souhaite soulever est que les expressions « en association avec » et « en collaboration avec » ne sont pas nouvelles. Ce sont des concepts bien connus en droit pénal. Ces expressions figurent à plusieurs endroits dans le Code criminel et la première a été très utile dans la lutte contre les gangs, particulièrement au Québec avec les gangs de motards.

L’expression « en collaboration avec », pour sa part, est utilisée depuis 2001 dans la Loi sur la protection de l’information. C’est le premier amendement figurant sur la liste d’amendements. L’amendement concerne toutefois l’ajout de l’intimidation à cette disposition, mais pas l’expression « en collaboration avec », qui n’a rien de nouveau, qui est utilisée depuis 25 ans et qui ne pose aucun problème.

Cela dit, mon troisième et dernier commentaire porte sur l’expression « en association avec ». Comme le sénateur Woo l’a mentionné, à juste titre, la Cour suprême du Canada a dû se pencher sur ce concept dans le cadre d’un appel interjeté par la Cour d’appel du Québec en 2001. La Cour suprême n’était pas d’accord avec la Cour d’appel du Québec. Soit dit en passant, je ne faisais pas partie du groupe de juges, mais la cour était en désaccord avec la Cour d’appel du Québec sur un point : la définition de l’expression « en association avec ». La cause concernait les gangs de motards.

Pour résumer, c’est exactement là où la sénatrice Patterson voulait en venir. Au paragraphe 53 de la décision de la Cour suprême — qui a été unanime et rédigée par le juge Fish, un ancien collègue de la Cour d’appel —, on peut lire ceci :

L’expression « en association avec » doit être interprétée selon son sens ordinaire et dans le contexte de la disposition. En l’occurrence, elle est accompagnée des expressions « sous la direction » de et « au profit » de.

C’est exactement la même situation que nous avons ici.

Ces expressions ne s’excluent pas l’une l’autre. Au contraire, elles ont le même objectif et se chevauchent souvent dans leur application. Elles ont pour objet commun d’éliminer le crime organisé.

(1710)

Il s’agit dans le cas présent d’éliminer l’ingérence étrangère. À cette fin, elles ciblent spécifiquement les lois qui sont liées aux organisations étrangères et en servent les intérêts. À cette fin, elles ciblent spécifiquement les infractions qui sont liées à l’intention de s’immiscer dans le processus politique au Canada.

Pour ma part, je crois que nous devrions faire confiance au système. Je fais confiance aux tribunaux. Je fais confiance à ce que nous essayons de faire ici. Ce n’est pas nouveau. J’en suis convaincu : lorsque les mots « en collaboration avec » sont accompagnés de « sous la direction de » et de « au profit de », à quel genre de projet de loi avons-nous affaire? Il s’agit des projets de loi sur l’ingérence étrangère.

Il faut lire tous ces éléments ensemble. Je sais que le sénateur Woo n’est pas obligé de me croire sur toute la ligne et qu’il ne me paie pas; je donne des conseils gratuits. Même si les conseils gratuits ne valent guère plus que leur prix, je vous dis que je ne suis pas inquiet et que je voterai contre l’amendement et pour le projet de loi.

Le sénateur Woo : Merci. J’ai trouvé votre intervention très enrichissante, sénateur Dalphond. Je vois que vous croyez à l’importance de préserver l’expression « en collaboration avec » lorsqu’il s’agit du Code criminel qui traite de la lutte contre les terroristes, les gangs et ainsi de suite, et vous soulevez un bon argument. J’ai déjà mentionné que la nouvelle infraction d’ingérence politique est plus délicate parce qu’il s’agit d’un comportement subreptice et trompeur. Il ne s’agit pas de participer au processus politique, mais le cas de la partie 4 du projet de loi est encore plus flagrant parce que la loi proposée utilise également l’expression « en collaboration avec », sauf qu’elle ne concerne pas les activités criminelles. Il s’agit plutôt d’activités légitimes pour lesquelles les gens sont tenus de s’enregistrer. Seriez-vous d’accord pour supprimer l’expression « en collaboration avec » dans la partie 4?

Le sénateur Dalphond : Êtes-vous en train de me suggérer de proposer un sous-amendement à votre amendement? Dans votre discours, vous avez surtout fait référence au Code criminel et au fait que des gens seront accusés d’infractions très graves en vertu du Code criminel et emprisonnés, alors je me pose la question au sujet du droit pénal.

En ce qui concerne l’autre partie du projet de loi, qui vise la création d’un nouveau registre, si les gens ont des doutes, je crois comprendre que le commissaire aura pour mandat de fournir des informations et des lignes directrices. Je pense qu’il s’agit peut-être d’une nouvelle avenue qu’il faudrait envisager, et peut-être que certaines personnes devront s’enregistrer parce qu’elles agissent en collaboration avec un État étranger pour le profit de cet État. Toutefois, visiter Taïwan dans le cadre d’un voyage payé, ce n’est pas agir pour le profit de Taïwan ou en collaboration avec Taïwan, comme vous l’avez indiqué dans votre discours. Si vous allez en Israël dans le cadre d’un de ces voyages payés, ou encore à Taïwan — ce fut mon cas l’an dernier —, vous devez le signaler. Vous devez le signaler au conseiller sénatorial en éthique et l’indiquer sur le site Web afin que le public — que tout le monde — le sache.

Le but de l’enregistrement comme il est énoncé dans le projet de loi proposé vise à rendre public ce qui, autrement, serait caché au public. Le but n’est pas d’empêcher une personne de déclarer : « Je crois que le gouvernement de la France a tout à fait raison au sujet de cette politique, je vais me battre pour la promouvoir et je pense qu’elle devrait être intégrée dans le droit canadien. » Oui, je pourrais le faire, mais si je le faisais à l’ordre du gouvernement de la France ou dans son intérêt, je serais tenu de le divulguer. Cela ne m’empêcherait pas de le faire. J’aurais la responsabilité de rendre ma démarche publique.

Comment ne pas ratisser trop large et — c’est la deuxième partie de votre question — quelles personnes devraient s’enregistrer? C’est une question intéressante, mais je ne vais pas me prononcer. Je vais attendre que la Cour suprême énonce sa position. Merci.

Son Honneur la Présidente : Les sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : Le vote!

Son Honneur la Présidente : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : Non.

Des voix : D’accord.

Son Honneur la Présidente : Que les sénateurs qui sont en faveur de la motion veuillent bien dire oui.

Des voix : Oui.

Son Honneur la Présidente : Que les sénateurs qui sont contre la motion veuillent bien dire non.

Des voix : Non.

Son Honneur la Présidente : À mon avis, les non l’emportent.

Et deux honorables sénateurs s’étant levés :

Son Honneur la Présidente : Je vois deux sénateurs se lever. Y a-t-il entente au sujet de la sonnerie?

La sénatrice LaBoucane-Benson : Quinze minutes.

Son Honneur la Présidente : Le consentement est-il accordé?

Des voix : D’accord.

Son Honneur la Présidente : Le vote aura lieu à 17 h 29. Convoquez les sénateurs.

(1730)

La motion d’amendement de l’honorable sénateur Woo, mise aux voix, est rejetée :

POUR
Les honorables sénateurs

Clement McPhedran
Coyle Moodie
Dagenais Omidvar
Forest Pate
Galvez Petitclerc
Harder Ravalia
Jaffer Simons
McBean Woo—17
McCallum

CONTRE
Les honorables sénateurs

Anderson Lankin
Arnot Loffreda
Ataullahjan MacAdam
Aucoin MacDonald
Batters Manning
Bellemare Marshall
Black Martin
Boehm McNair
Boniface Osler
Burey Oudar
Busson Petten
Carignan Plett
Cordy Poirier
Cotter Quinn
Cuzner Richards
Dalphond Ringuette
Deacon (Nouvelle-Écosse) Ross
Deacon (Ontario) Saint-Germain
Dean Seidman
Downe Smith
Duncan Sorensen
Francis Tannas
Gold Verner
Housakos Wallin
Kingston Wells
Klyne White
LaBoucane-Benson Yussuff—54

ABSTENTIONS
Les honorables sénateurs

Cormier Mégie
Hartling Miville-Dechêne—4

Les travaux du Sénat

La sénatrice LaBoucane-Benson : Honorables sénateurs, je demande le consentement du Sénat pour interrompre le débat sur le projet de loi C-70 afin de prendre le projet de loi C-69 en considération à l’étape de la deuxième lecture dès maintenant, le débat sur le projet de loi C-70 se poursuivant une fois que les délibérations sur le projet de loi C-69 ont été complétées pour la journée.

Son Honneur la Présidente : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?

Des voix : D’accord.

[Français]

Projet de loi no 1 d’exécution du budget de 2024

Deuxième lecture

L’honorable Tony Loffreda propose que le projet de loi C-69, Loi portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 16 avril 2024, soit lu pour la deuxième fois.

— Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui pour entamer le débat à l’étape de la deuxième lecture du projet de loi C-69, Loi no 1 d’exécution du budget de 2024.

Je tiens à remercier le sénateur Gold et la ministre Freeland de la confiance qu’ils m’ont témoignée en me permettant de parrainer ce projet de loi au Sénat.

[Traduction]

Je sais qu’une version précédente du projet de loi C-69 a donné des cauchemars à bon nombre d’entre vous en 2019. Je vous promets que cette version ne vous donnera pas de cauchemars.

En fait, grâce à bon nombre de mesures de ce projet de loi, de nombreux Canadiens devraient pouvoir dormir sur leurs deux oreilles en sachant que leur gouvernement s’efforce de leur faciliter la vie. J’y reviendrai en temps voulu, mais je voudrais d’abord prendre quelques instants pour aborder certains points.

Comme vous le savez, le budget a été présenté à l’autre endroit le 16 avril, et le projet de loi d’exécution du budget, le 2 mai. Avec ses 686 pages, il se classe au troisième rang des projets de loi d’exécution du budget les plus volumineux qui ont été présentés depuis 2003. Celui de 2009, présenté sous le gouvernement du premier ministre Harper, comptait près de 1 000 pages. C’est donc dire que nous n’établissons aucun record avec le projet de loi C-69.

Ce qui m’amène à mon premier point : le caractère omnibus du projet de loi. Je pense qu’il y a un large consensus selon lequel demander au Sénat d’adopter en peu de temps un projet de loi de plusieurs centaines de pages contenant des dizaines de mesures n’est pas une façon de gouverner. Je ne défendrai pas cette pratique, car, comme la plupart d’entre vous, je ne l’approuve pas. Cela fait cependant partie des moyens à la disposition du gouvernement.

Il est également important de souligner que chaque élément de ce projet de loi figure dans le texte du budget de cette année, que ce soit dans un de ses chapitres ou à l’annexe des mesures législatives. Je reconnais que certaines mesures contenues dans la loi d’exécution du budget, en particulier celles qui n’ont qu’une petite incidence budgétaire ou qui apportent des modifications importantes à diverses lois, auraient pu faire l’objet d’un projet de loi distinct. En fait, la plupart des comités qui ont examiné le projet de loi dans le cadre de l’étude préalable ont soulevé cette question. Par exemple, le Comité des affaires sociales a estimé qu’on ne disposait pas de suffisamment de temps pour bien examiner les sections qu’il a reçues et qu’une loi d’exécution du budget ne devrait être liée qu’aux mesures chiffrées du budget.

(1740)

[Français]

D’un autre côté, je ne peux m’empêcher de me demander quelle serait l’efficacité du Sénat, et même du Parlement, si bon nombre des mesures contenues dans le projet de loi C-69 avaient été présentées en tant que projets de loi indépendants. Nous nous plaignons déjà que notre Feuilleton et nos comités sont inondés de projets de loi. Il y a une longue file d’attente de projets de loi au Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie, par exemple. Au Comité sénatorial permanent des banques, du commerce et de l’économie, nous avons cinq projets de loi à examiner. La question est la suivante : aurions-nous le temps d’examiner un certain nombre de projets de loi supplémentaires au printemps dans l’espoir de les adopter avant les vacances d’été? Ma question est rhétorique.

[Traduction]

Appelez cela de la mauvaise gestion, appelez cela de l’opportunisme, appelez cela comme vous voudrez, mais même si je suis le parrain du projet de loi C-69, je me joins aux sénateurs pour reprocher au gouvernement d’y avoir inclus des mesures importantes qui auraient dû être séparées du projet de loi C-69 et qui auraient pu être étudiées individuellement pour déterminer la valeur de chacune.

Malgré ces critiques, soyons clairs : une fois de plus, les 10 comités sénatoriaux ont déployé des efforts accrus et ont relevé le défi. Au total, les comités ont tenu 36 réunions et fait comparaître 239 témoins distincts dans le cadre de l’étude préalable. Nous avons reçu des dizaines et des dizaines de mémoires. Compte tenu des circonstances, nous avons accompli un travail remarquable.

Avant d’entrer dans le vif du sujet, il est important que je dise quelques mots sur l’économie en général et sur la position enviable du Canada dans le monde. Je commencerai par citer le directeur parlementaire du budget, M. Yves Giroux. Lorsque je l’ai interrogé au cours de la réunion du Comité national des finances il y a quelques semaines, quand je lui ai posé des questions sur l’économie canadienne, il a répondu :

Le Canada se compare assez favorablement aux autres pays du G7 au chapitre du ratio de la dette au PIB. Il se classe probablement au premier ou au deuxième rang des pays les moins endettés par rapport au PIB. Par rapport à d’autres groupes de comparaison tels que le G20, nous nous situons à nouveau dans le meilleur quartile, c’est-à-dire dans la dernière proportion de 25 % pour ce qui est du niveau d’endettement par rapport à l’économie. Nous sommes en bonne position, et cela est dû en grande partie aux fonds de pension publics — RPC et RRQ — qui sont partiellement capitalisés au préalable, ce que la plupart des autres pays n’ont pas [...]

Certainement dans les deux ou trois premiers rangs.

En ce qui concerne la viabilité de la dette fédérale, il considère celle-ci comme viable pour les 75 prochaines années, en supposant le maintien des politiques actuelles, bien sûr.

Si vous n’êtes pas encore convaincu que la situation n’est pas aussi mauvaise que certains le laissent entendre, prenez connaissance des faits suivants. La croissance des salaires a dépassé l’inflation au cours des 15 derniers mois. Le Fonds monétaire international et l’Organisation de coopération et de développement économiques prévoient que le Canada aura la plus forte croissance économique du G7 en 2025, ainsi que la dette et le déficit les plus faibles du G7. Nous avons récupéré 141 % des emplois qui ont été perdus au plus fort de la pandémie, contre seulement 128 % aux États-Unis, que beaucoup considèrent comme l’économie la plus forte du monde à l’heure actuelle.

Le Canada jouit toujours d’une cote de crédit triple A. On ne le dit pas assez souvent dans cette enceinte. Par exemple, voici ce qu’on peut lire dans les prévisions économiques de S&P Global :

La cote AAA que nous accordons au Canada continue de refléter les fortes institutions du pays, sa politique monétaire crédible, sa solide position extérieure nette et son économie prospère axée sur les exportations.

Nous avons un produit intérieur brut par habitant d’environ 55 400 $ US. S&P s’attend à ce que l’économie bien diversifiée du Canada demeure résiliente jusqu’à la fin de sa période de prévision, en 2027. Elle prévoit également une accélération de la croissance économique au cours des deux prochaines années.

Ce qui est amusant avec les chiffres, c’est qu’on peut leur faire dire ce que l’on veut. Ils brossent le tableau que l’on veut voir ou chantent la mélodie qu’on veut entendre. Je ne doute pas que certains nous feront entendre un tout autre son de cloche bientôt.

Le fait est que la situation est bonne. Les choses ne vont pas aussi mal que certains pourraient le prétendre.

Je ne suis pas en train de dire que tout est parfait. De nombreux Canadiens — des aînés, des immigrants, des familles et des jeunes professionnels — peinent à joindre les deux bouts. Le logement, la nourriture, l’essence et de nombreux biens et services essentiels coûtent plus cher que jamais. De nombreuses entreprises et sociétés s’inquiètent aussi de l’inflation, des pénuries de main-d’œuvre et du prix à payer pour faire des affaires.

Les Canadiens comptent sur nous pour que nous débattions, examinions et adoptions des mesures législatives qui les aideront. Le projet de loi C-69 fait partie de la solution.

Même si je n’appuie pas tout ce que le gouvernement a fait au cours des neuf dernières années, je crois qu’il a toujours eu de bonnes intentions et qu’il a toujours cherché à rendre la vie plus douce et plus juste pour toutes les générations de Canadiens. Il en va de même pour le projet de loi C-69. Ce projet de loi contient de nombreuses mesures qui sont proposées au moment où elles sont plus nécessaires que jamais.

Beaucoup de personnes m’ont demandé si l’augmentation du taux d’inclusion des gains en capital est incluse dans ce projet de loi d’exécution du budget, le projet de loi C-69. La réponse est non.

[Français]

Le projet de loi comprend quatre parties qui couvrent 65 mesures différentes.

La première partie comprend 16 sections qui modifient la Loi de l’impôt sur le revenu. La deuxième partie édicte une loi appelée Loi sur l’impôt minimum mondial.

La troisième partie comprend quatre sections qui traitent principalement des droits d’accise. La quatrième partie comprend 44 sections. C’est ce que j’appellerais les mesures non budgétaires du projet de loi.

Comme vous le savez déjà, le 9 mai dernier, le Sénat a chargé neuf comités d’entreprendre une étude préalable de plusieurs des sections de la quatrième partie, tandis que le Comité sénatorial permanent des finances nationales a été autorisé à examiner l’ensemble du projet de loi. Chacun de ces comités a déposé un rapport détaillé de ses travaux. Si vous ne l’avez pas encore fait, je vous encourage à les consulter.

[Traduction]

À ce stade, je voudrais souligner certaines des mesures du projet de loi — pas toutes, évidemment — qui, selon moi, avantageront le plus les Canadiens. Je les passerai en revue dans l’ordre où elles figurent dans le projet de loi. Je commencerai par les mesures dans la partie 1 qui modifient la Loi de l’impôt sur le revenu, un sujet qui, je le sais, vous passionne tous autant que moi.

La mesure c) sous la partie 1 modifie la Loi de l’impôt sur le revenu pour exonérer de l’impôt le revenu des fiducies créées aux termes de l’Entente de règlement du recours collectif relatif aux services à l’enfance et à la famille des Premières Nations, au principe de Jordan et au groupe Trout, d’une valeur de 23,3 milliards de dollars. Cette modification ferait en sorte que les paiements que reçoivent les membres du groupe à titre de bénéficiaires des fiducies ne soient pas pris en compte au moment du calcul du revenu aux fins de l’impôt fédéral sur le revenu. Il s’agit là d’une bonne initiative, qui est très logique et semblable aux règlements précédents de cette nature.

La mesure d), quant à elle, doublera les crédits d’impôt pour les pompiers volontaires et les volontaires en recherche et sauvetage, les faisant passer de 3 000 $ à 6 000 $. Le gouvernement est conscient du rôle essentiel de ces volontaires et les sacrifices qu’ils font pour assurer la sécurité des Canadiens. Par exemple, près de 44 000 personnes ont réclamé le crédit d’impôt pour les pompiers volontaires en 2021, ce qui a entraîné une réduction des recettes fiscales de 20 millions de dollars, et 5 800 personnes ont réclamé le crédit d’impôt pour les volontaires en recherche et sauvetage, ce qui a entraîné une réduction des recettes de 2 millions de dollars.

Nous sommes tous conscients de la fragilité du paysage médiatique canadien et du journalisme en général, et c’est pour cette raison que le gouvernement propose d’améliorer le crédit d’impôt pour la main-d’œuvre journalistique canadienne en augmentant le plafond des dépenses de main-d’œuvre par employé à 85 000 $ et en faisant passer temporairement le taux du crédit de 25 à 35 % pour une période de quatre ans. En 2021, 116 sociétés ont demandé ce crédit.

Une mesure que je salue et que j’ai soulevée au Sénat il n’y a pas longtemps est la remise canadienne sur le carbone pour les petites entreprises. Environ 600 000 petites et moyennes entreprises, ou PME, dans les provinces où le filet de sécurité fédéral s’applique recevront enfin leur part de la redevance sur les combustibles sous la forme d’un crédit d’impôt remboursable. Le montant s’élève à plus de 2,5 milliards de dollars. Les entreprises n’auront pas à en faire la demande; l’Agence du revenu du Canada déterminera automatiquement le montant pour une entreprise admissible. Je suis très heureux de voir le gouvernement tenir sa promesse de restituer une partie de la redevance aux PME.

Je sais que certains d’entre vous s’intéressent aux changements concernant l’impôt minimum de remplacement que le gouvernement a d’abord proposés en 2023 et qui ont reçu un accueil mitigé à l’époque. Le gouvernement a écouté les parties prenantes depuis, et je pense que le projet de loi C-69 offre un bon équilibre. Dans les grandes lignes, la réforme comprend une augmentation du taux d’imposition minimum, le faisant passer de 15 % à 20,5 %, ainsi qu’une augmentation de l’exemption fiscale minimum. D’autres changements visent à réduire considérablement d’éventuelles répercussions touchant les dons de bienfaisance, et les donateurs seront désormais en mesure de réclamer 80 % du crédit d’impôt pour dons de bienfaisance. C’est une bonne nouvelle.

Enfin, la partie 1 contient quelques crédits d’impôt supplémentaires liés à l’économie propre. Il s’agit du crédit d’impôt à l’investissement pour l’hydrogène propre, du crédit d’impôt à l’investissement dans la fabrication de technologies propres et du crédit d’impôt pour l’exploration minière. Ces mesures réaffirment l’engagement du gouvernement à attirer les investissements, à stimuler les activités commerciales et à faire du Canada un acteur de premier plan dans l’économie propre.

(1750)

En ce qui concerne le crédit d’impôt pour l’exploration minière, par exemple, je tiens à ajouter que cette mesure envoie un signal fort à l’industrie : le gouvernement reconnaît le rôle vital qu’elle joue dans notre économie et, en particulier, dans les économies locales de tout le pays, notamment dans les régions nordiques et éloignées. Le gouvernement estime que l’extension du crédit contribuera à maintenir les investissements et à soutenir les premières étapes de l’exploration minière.

Comme nous l’avons déjà mentionné, la partie 2 propose une nouvelle loi autonome appelée Loi sur l’impôt minimum mondial. Cette partie du projet de loi représente 41 % de l’ensemble du texte, soit près de 300 pages. Les sénateurs connaissent peut-être la genèse de cet impôt. En octobre 2021, un accord international a été conclu pour mettre en œuvre un impôt minimum mondial de 15 % sur les entreprises multinationales dont les revenus sont supérieurs à 750 millions d’euros.

À ce jour, 142 pays l’ont signé et ont accepté une solution reposant sur deux piliers qui vise à relever les défis fiscaux découlant de la mondialisation et de la numérisation de l’économie. L’objectif est de réduire la tentation pour les entreprises multinationales de transférer leurs bénéfices vers des pays à faible taux d’imposition et de fixer un plancher à la concurrence fiscale.

La loi sur l’impôt minimum mondial mettra en œuvre la règle principale de l’impôt minimum de 15 %, communément appelée règle d’inclusion du revenu, et elle mettra également en œuvre un impôt supplémentaire minimum national. En vertu de la règle d’inclusion du revenu, le Canada imposerait généralement un impôt supplémentaire à une grande entreprise multinationale située au Canada si elle exerce ses activités dans un pays étranger où le taux d’imposition effectif est inférieur à 15 %.

Jusqu’à présent, nombre de nos partenaires ont déjà pris des mesures pour mettre en œuvre le deuxième pilier, notamment tous les pays du G7 — à l’exception des États-Unis —, les États membres de l’Union européenne et plusieurs pays du G20 comme l’Australie, l’Afrique du Sud et la Corée du Sud. Comme indiqué dans le budget 2024, le gouvernement estime que la mise en œuvre du deuxième pilier augmenterait les revenus de 6,6 milliards de dollars sur trois ans, à compter de 2026-2027.

Selon des données historiques de 2019, plus de 220 multinationales canadiennes ont atteint le seuil de revenus prévu dans la loi sur l’impôt minimum mondial, et plus de 2 400 multinationales non canadiennes ayant des activités au Canada ont également atteint le seuil.

Passons maintenant à la partie 3, qui est relativement rapide et simple et qui porte sur les impôts non visés par la Loi de l’impôt sur le revenu.

Tout d’abord, les taxes sur le tabac et les produits de vapotage augmentent. Le prix d’une cartouche de cigarettes augmentera de 4 $, soit une hausse de 12 %. Le gouvernement prévoit que cette augmentation générera plus de 1,3 milliard de dollars de recettes au cours des cinq prochaines années. Personnellement, je pense que le gouvernement fait ce qu’il faut en augmentant la taxe sur les cigarettes et en donnant la priorité à la santé des Canadiens. Le taux du droit d’accise sur les produits de vapotage augmentera également de 12 %.

En outre, pour les deux prochains exercices, le gouvernement plafonne à 2 % le rajustement en fonction de l’inflation sur les produits alcoolisés. Il réduit également de moitié le taux du droit d’accise sur la bière brassée au Canada pour offrir aux brasseries artisanales un allégement fiscal supplémentaire en 2024-2025 et 2025-2026. Le plafond de 2 % a également été prolongé d’un an dans la loi d’exécution du budget de 2023.

La section 3 propose des modifications à la Loi sur la taxe sur les logements sous-utilisés, que nous avons adoptée, vous vous en souvenez peut-être, en juin 2022. Cette loi a mis en place une taxe annuelle de 1 % sur la valeur des biens résidentiels vacants ou sous‑utilisés appartenant directement ou indirectement à des non‑résidents non canadiens. À la suite de consultations, le gouvernement propose des modifications à l’application de la taxe qui faciliteront le respect de la loi sans aller à l’encontre de son objectif. Les modifications portent sur l’exigence de production de déclarations et les pénalités, et elles introduisent une nouvelle exemption pour les immeubles résidentiels détenus comme lieu de résidence ou d’hébergement pour les employés dans les collectivités rurales ou éloignées.

Passons maintenant à la partie du projet de loi qui vous intéresse probablement le plus.

La partie 4 comporte 44 sections qui portent principalement sur la politique sociale ou sur des mesures non financières qui ne sont pas nécessairement liées à la fiscalité. Neuf de nos comités ont étudié 38 des 44 mesures de ce passage. Je n’en résumerai qu’une douzaine.

[Français]

Je commencerai par la première section de la partie 4, qui prolongera de deux ans l’interdiction des investissements étrangers dans le secteur immobilier canadien jusqu’en janvier 2027.

L’interdiction vise à freiner la demande étrangère, compte tenu des craintes que les acheteurs non canadiens puissent contribuer à exclure certains Canadiens du marché immobilier.

Le gouvernement affirme que la prolongation de l’interdiction envoie un message clair aux investisseurs étrangers : les maisons doivent être utilisées comme des habitations pour les Canadiens, et non comme des actifs financiers à des fins spéculatives.

Cette disposition s’ajoute à celle de la partie 1 qui vise à réprimer les locations de courte durée et à aider à résoudre la crise du logement au pays.

[Traduction]

La section 3 traite du programme national d’alimentation dans les écoles récemment annoncé. Le gouvernement s’est engagé à verser 1 milliard de dollars sur cinq ans pour ce programme, qui permettra à 400 000 enfants de plus chaque année d’avoir accès à des repas à l’école. Grâce au projet de loi C-69, le gouvernement fédéral pourra signer des accords bilatéraux et commencer à verser jusqu’à 70 millions de dollars de financement dès la prochaine année scolaire. Les recherches montrent que la participation à de tels programmes peut permettre aux familles d’économiser environ 800 $ par année.

Comme nous l’avons entendu en comité de la part du Club des petits déjeuners du Canada, ce programme :

[...] est un investissement dans l’avenir des enfants [...] Il faut garantir que tous les enfants aient accès aux aliments nutritifs dont ils ont besoin pour réussir. Ainsi, nous permettons à une génération plus en santé, plus éduquée et mieux outillée de contribuer à la société.

Le Comité des affaires sociales demande instamment au gouvernement d’assurer une collecte de données solide et d’adopter une approche fondée sur les données afin de s’assurer que les ressources destinées aux programmes d’alimentation dans les écoles sont allouées aux collectivités qui en ont le plus besoin.

Honorables collègues, le projet de loi C-69 élargirait considérablement la portée du programme d’exonération du remboursement des prêts d’études afin d’inciter un plus grand nombre de travailleurs des professions clés à s’installer dans des collectivités mal desservies.

Tout d’abord, voici un peu de contexte : l’exonération du remboursement des prêts d’études pour les médecins de famille, le personnel infirmier autorisé, le personnel infirmier praticien et d’autres professions ciblées a été initialement mise en œuvre en 2012-2013 pour appuyer les efforts existants visant à remédier à la pénurie de travailleurs de la santé dans les régions rurales et éloignées.

La section 4 de la partie 4 du projet de loi C-69 étendrait l’exonération, de façon permanente, à 10 nouvelles professions pour que les Canadiens vivant dans ces régions puissent accéder aux soins de santé et aux services sociaux dont ils ont besoin. Voici la liste de ces professions : pharmaciens, dentistes, hygiénistes dentaires, sages-femmes, éducateurs de la petite enfance, enseignants, travailleurs sociaux, préposés aux services de soutien à la personne, psychologues et physiothérapeutes.

Après des années de consultations, la section 16 édicte une loi pour les éléments clés du cadre sur les services bancaires axés sur les consommateurs. Le Canada est le dernier pays du G7 à mettre en place un tel cadre. Le Comité sénatorial des banques a publié un rapport fondamental sur le sujet en 2019.

Cette section définit les éléments se rapportant au champ d’application et au processus de désignation de l’organisme de normalisation technique. Dans notre rapport, le Comité sénatorial des banques a souligné qu’il est « important de créer rapidement et avec diligence » ce cadre.

L’Agence de la consommation en matière financière du Canada a été choisie par le gouvernement et chargée de superviser l’application du cadre. Le Comité sénatorial des banques a exprimé des inquiétudes quant à ce choix. Comme nous l’avons écrit :

Le comité estime que l’autorité de réglementation doit avoir une structure de gouvernance solide afin d’assurer la confiance des Canadiens participant au régime de services bancaires axés sur les consommateurs. Il est toutefois très préoccupé par la décision du gouvernement de désigner l’Agence de la consommation en matière financière du Canada [...] comme organisme de réglementation [...] et se demande pourquoi un organisme indépendant plus robuste, ayant une expertise en matière d’application de la loi, n’a pas été choisi.

Je tiens à souligner que d’autres pays, comme les États-Unis, ont également choisi un organisme équivalent à l’Agence de la consommation en matière financière du Canada et que le Canada a voulu aller dans la même direction. Le gouvernement estime qu’il est important que les services bancaires axés sur les consommateurs au Canada suivent une approche internationale cohérente. L’Agence de la consommation en matière financière du Canada joue depuis longtemps le rôle d’organisme canadien de réglementation des pratiques du secteur des services financiers et elle est considérée comme un organisme de surveillance et d’application efficace.

Je tiens à être clair : le gouvernement adopte une approche progressive à l’égard des services bancaires axés sur les consommateurs. Il s’agit là de la première étape.

Les éléments contenus dans le projet de loi C-69 donneront à l’industrie plus de temps pour se préparer à la mise en œuvre pendant que le gouvernement continue de collaborer avec les intervenants pour peaufiner les éléments plus complexes liés au cadre d’accréditation et aux règles relatives à la protection de la vie privée, à la sécurité et à la responsabilité. Ces éléments devraient être présentés dans le deuxième projet de loi d’exécution du budget plus tard cette année. Ce serait la deuxième étape.

Afin d’améliorer les mesures de protection des travailleurs de l’économie des petits boulots, la section 21 du projet de loi modifie le Code canadien du travail pour régler un problème lié aux erreurs de classification commises par les employeurs de sous-traitants indépendants. Une fois ce problème réglé, les travailleurs à la demande qui occupent des emplois sous réglementation fédérale dans le secteur privé ne se verront plus refuser certains droits et privilèges garantis par le code.

(1800)

Comme l’explique le gouvernement, une classification erronée peut exposer les travailleurs à la demande à des conditions de travail précaires et à une situation économique vulnérable. La mesure pourrait toucher plus de 41 000 travailleurs à la demande et avoir des conséquences financières pour les employeurs qui ont mal classifié leurs travailleurs. Le Comité sénatorial des affaires sociales s’est fait dire également que l’Agence du revenu du Canada pourrait perdre des milliards de dollars par an en raison des implications fiscales.

Dans la section 22, le gouvernement concrétise sa promesse d’achever l’élaboration d’une politique sur le « droit à la déconnexion » pour le secteur privé sous réglementation fédérale, ce qui touche quelque 19 000 employeurs et un peu moins de 1 million d’employés dans des secteurs comme celui des banques, des télécommunications et des transports interprovinciaux et internationaux. Les employeurs seront tenus de publier une politique précisant leurs attentes en matière de communication liée au travail en dehors des heures de travail prévues et toute possibilité pour les employés de se déconnecter.

Comme on l’a annoncé dans le budget de 2024, le gouvernement propose la création d’un programme de garantie de prêts pour les Autochtones, qui accordera jusqu’à 5 milliards de dollars en garanties de prêts pour permettre aux communautés autochtones d’avoir accès à des capitaux, de tirer profit de nouveaux débouchés économiques et de participer à la croissance économique du pays d’une manière qui leur convienne.

Afin de mettre en place le programme, la section 25 autorisera une filiale nouvellement créée de la Corporation de développement des investissements du Canada à émettre et à gérer le portefeuille. Ressources naturelles Canada jouera également un rôle dans la réception initiale et l’examen des demandes. Le Comité sénatorial des peuples autochtones se réjouit de cette initiative et demande qu’elle soit mise en place rapidement, compte tenu du fait que :

Le programme pourrait permettre aux gouvernements autochtones de générer des revenus autonomes en investissant dans des projets de ressources naturelles et en participant de façon égale à l’économie canadienne dans son ensemble.

Le comité demande au gouvernement de veiller à ce que :

La gestion et le fonctionnement de la nouvelle organisation doivent aussi être la responsabilité d’Autochtones, et le programme doit être administré d’une manière qui tienne compte des divers besoins des gouvernements autochtones qu’il est censé servir.

En réponse à une décision de la Cour suprême en octobre 2023, le gouvernement apporte les modifications nécessaires à la Loi sur l’évaluation d’impact. Il s’agit de la version précédente du projet de loi C-69 dont j’ai parlé plus tôt. Les modifications proposées à la section 28 de la Loi sur l’évaluation d’impact réduiraient la portée des effets relevant d’un domaine de compétence fédérale dont il est question dans la loi. D’autres modifications garantiraient que les fonctions décisionnelles tiennent nettement compte de la possibilité d’effets négatifs relevant d’un domaine de compétence fédérale.

Naturellement, le Comité de l’énergie, de l’environnement et des ressources naturelles a été chargé d’examiner cette section du projet de loi. Dans son rapport, le comité a déploré que le ministre de l’Environnement et du Changement climatique et ses fonctionnaires n’aient pas comparu devant le comité pour expliquer les amendements proposés par le gouvernement et en quoi ils sont conformes à l’opinion majoritaire de la Cour suprême.

Dans son rapport d’étude préalable, le Comité sénatorial des affaires juridiques et constitutionnelles a également reconnu les conséquences juridiques de la section 28.

La section 35 espère s’attaquer à un problème majeur au Canada qui a pris de l’ampleur ces dernières années. Cinq mesures sont proposées dans le projet de loi C-69 pour lutter contre le vol de véhicules à moteur. Deux nouvelles infractions en ce qui a trait aux vols de véhicules à moteur sont créées, ainsi que deux nouvelles infractions visant la possession et la distribution de certains dispositifs électroniques pouvant servir à commettre un vol de véhicule à moteur.

Le gouvernement propose aussi la nouvelle infraction suivante :

[...] le blanchiment des produits de la criminalité au profit ou sous la direction d’une organisation criminelle ou en association avec elle.

Bien que le Code criminel comprenne déjà un cadre solide pour lutter contre ces types d’infractions, les nouvelles mesures proposées renforceraient le régime. Ces mesures font suite au Sommet national pour lutter contre le vol de véhicules qui s’est déroulé en février et répondent aux demandes de la police qui souhaitait des sanctions plus sévères.

Certains sénateurs ont des préoccupations au sujet de cette mesure et soutiennent que le gouvernement devrait cibler les fabricants d’automobiles au lieu de s’en prendre aux criminels en leur imposant des peines plus sévères. Je comprends cet argument, et je sais que la ministre le comprend aussi. En réponse à une question de la sénatrice Pate devant le Comité sénatorial permanent des finances nationales, la ministre Freeland a dit clairement qu’elle reconnaît « que les fabricants d’automobiles ont un rôle à jouer » et que le gouvernement « [travaille] avec eux en vue de trouver une solution à ce problème ».

Le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques est d’accord. Comme il l’a souligné dans son rapport :

[Il] est nécessaire d’adopter une approche multidimensionnelle pour s’attaquer au problème du vol de véhicules à moteur, avec notamment des technologies antivol pour les nouveaux véhicules à moteur produits ou vendus au Canada [...]

Dans la section 27, le gouvernement apporte des modifications à la Loi sur les télécommunications afin d’exiger des fournisseurs de services de télécommunications qu’ils offrent aux clients une plateforme libre-service qui leur permet d’annuler leur contrat ou de modifier leur plan. Les entreprises seraient également tenues d’informer leurs abonnés des autres plans de service qui sont à leur disposition et de l’expiration prochaine de leur contrat. Le Canada a toujours eu certains des forfaits téléphoniques les plus coûteux au monde. Le gouvernement a réalisé des progrès au cours des dernières années en favorisant l’offre de plans plus abordables pour les consommateurs, et la mesure actuelle permettra aux Canadiens de trouver plus facilement de meilleures offres pour les forfaits Internet, les forfaits de téléphonie résidentielle et les forfaits de téléphonie cellulaire.

Passons maintenant à la section 39 qui porte sur les postes d’attentes. Permettez-moi de vous donner un peu de contexte. À la suite de la décision des provinces visant à mettre fin à leurs ententes de longue date sur la détention des immigrants, le gouvernement prend maintenant des mesures pour renforcer la capacité des institutions fédérales à recevoir des détenus de l’immigration à haut risque, y compris des centres de surveillance de l’immigration et des établissements correctionnels fédéraux qui seront gérés par l’Agence des services frontaliers du Canada.

Je dirais que la plupart d’entre nous conviennent que la détention des immigrants est une mesure de dernier recours, et que le recours aux établissements correctionnels l’est encore plus. Cependant, il s’agit parfois d’une étape nécessaire quand une personne présente un risque pour la sécurité des Canadiens. De toute évidence, cette mesure s’applique aux détenus de l’immigration à haut risque. En fait, la définition de l’expression « détenu de l’immigration » a été précisée au moyen d’un amendement à l’étape de l’étude en comité à l’autre endroit.

Il va sans dire que ces mesures ne changent pas qui est susceptible d’être détenu pour des motifs d’immigration et, par conséquent, ne changent pas l’analyse en fonction de la Charte pour ces dispositions. Toutes les institutions fédérales sont tenues de respecter les droits garantis par la Charte dans le traitement des détenus.

Je pense qu’il est important de souligner le point de vue du Comité sénatorial de la sécurité nationale, de la défense et des anciens combattants sur cette question. Voici ce que les sénateurs qui siègent au comité ont dit à ce sujet :

[...] votre comité estime que le Parlement n’a pas eu suffisamment de temps pour bien étudier les modifications proposées, qui changeraient de manière importante le régime canadien de détention liée à l’immigration. De plus, votre comité est profondément convaincu que ces modifications proposées ne devraient pas figurer dans la loi portant exécution du budget puisqu’elles ne sont pas liées à la gestion des finances du Canada.

Comme vous le savez, le ministre de la Sécurité publique a envoyé une lettre de six pages aux membres du Comité de la sécurité nationale, que j’ai distribuée à tous les sénateurs. Dans cette lettre, le ministre corrige certaines affirmations inexactes faites pendant l’étude préalable du comité. En ce qui concerne la détention en lien avec l’immigration, le ministre LeBlanc nous a rappelé que :

[...] le projet de loi C-69 ne modifie pas les dispositions qui la régissent et qui ont été jugées constitutionnelles par les tribunaux. Ce projet de loi permet simplement l’utilisation d’une nouvelle installation, à savoir une section de l’établissement du SCC gérée par l’ASFC au lieu d’un établissement correctionnel provincial géré par le personnel correctionnel provincial.

La réponse du ministre et l’approche du gouvernement dans ce dossier ne satisferont pas tout le monde, mais la disposition du projet de loi C-69 est limitée dans le temps grâce à un amendement apporté à l’autre endroit, et elle est là pour des raisons de sécurité publique.

Certains de mes collègues évoqueront peut-être, dans leurs remarques, la section 40, qui modifie la Loi autorisant certains emprunts pour augmenter le montant maximum des emprunts autorisé par la loi. Nous sommes probablement quelques-uns à avoir la même opinion sur ce sujet. La dette croissante du Canada est une source de préoccupation, mais je pense que cette mesure est nécessaire en ce moment en raison de l’encours de la dette du Canada et du coût d’emprunt plus élevé que d’habitude. Cette modification est nécessaire pour assurer le bon déroulement des opérations de financement du gouvernement et des sociétés d’État. Je reconnais que tous les ordres de gouvernements doivent commencer à réduire leurs dépenses. La pandémie est derrière nous et nous devons être un peu plus prudents avec les deniers publics.

[Français]

La toute dernière section de la quatrième partie — la section 44 — vise à modifier la Loi réglementant certaines drogues et autres substances afin de retirer l’exemption ministérielle qui permet l’exploitation légale des sites de consommation supervisée.

Le gouvernement propose maintenant des amendements qui permettraient de créer un système de réglementation afin que la consommation supervisée et les services de vérification des drogues puissent être autorisés par le biais d’un système structuré.

Les données sont assez convaincantes et ont manifestement persuadé le gouvernement de l’impact positif de ces sites sur les méfaits des surdoses.

Entre 2017 et 2023, les sites de consommation supervisée au Canada ont reçu plus de 4,4 millions de visites, ont répondu à plus de 53 000 surdoses non mortelles et ont effectué plus de 424 000 renvois vers des services sociaux et de santé.

Le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles avance même que « rationaliser et simplifier les procédures de demande et de renouvellement d’un SCS permettraient d’améliorer les démarches pour les demandeurs ».

(1810)

[Traduction]

Bien sûr, j’aurais pu continuer un peu plus longtemps, mais j’ai voulu me concentrer sur ces mesures précises dans la partie 4.

Sans entrer dans les détails, je me contenterai de mentionner que les autres mesures incluses dans la partie 4 portent sur un large éventail de sujets, y compris les prestations d’assurance-emploi, les régimes de retraite, l’engagement à élaborer un système pilote régional d’alerte robe rouge au Manitoba, les modifications apportées aux règlements associés aux produits thérapeutiques, les modifications relatives au taux d’intérêt criminel et les modifications apportées à la Loi sur les arrangements fiscaux entre le gouvernement fédéral et les provinces afin de mettre en œuvre la garantie du Transfert canadien en matière de santé de 5 % annoncée en 2023.

Honorables collègues, j’aimerais avoir plus de temps pour passer en revue toutes les mesures du projet de loi. Malheureusement, je n’ai pas le luxe de disposer d’un temps illimité comme tous nos leaders. Je suis certain que vous êtes tous soulagés. Je sais que mon personnel est soulagé. Bien entendu, je n’encourage pas non plus nos cinq leaders à profiter de cette possibilité. J’attends avec impatience un débat sain et des échanges judicieux.

J’espère également que le projet de loi pourra être renvoyé le plus rapidement possible au Comité des finances nationales afin qu’il puisse en entreprendre l’examen article par article.

En conclusion, j’espère que mes remarques vous ont permis de mieux comprendre certaines des mesures clés incluses dans le projet de loi C-69 qui mettent en œuvre des éléments importants du budget de 2024, que le gouvernement décrit comme son plan pour bâtir un Canada qui fonctionne mieux pour chaque génération et où tout le monde a une chance équitable d’avoir une bonne vie dans la classe moyenne. J’espère que vous évaluerez les mérites du projet de loi C-69 en gardant à l’esprit ces considérations clés.

Je suis désolé de prendre autant de temps aussi tard dans la soirée et dans la session. Il s’agit d’un projet de loi important. Je tiens à préciser ce qui est important pour le compte rendu. Je vous remercie de m’avoir écouté. J’espère que le projet de loi sera rapidement adopté.

Merci.

L’honorable Denise Batters : Le sénateur Loffreda accepterait-il de répondre à une question?

Le sénateur Loffreda : Oui.

La sénatrice Batters : Je vous remercie.

Sénateur Loffreda, le projet de loi d’exécution du budget du gouvernement Trudeau fait plusieurs centaines de pages — environ 680 pages, je crois. De nombreuses parties du projet de loi n’ont rien à voir avec le budget, comme vous l’avez souligné.

Comme vous le savez, de nombreux sénateurs ont comparu devant le Comité sénatorial des finances nationales la semaine dernière. Nous vous avons dit qu’il était difficile, dans un tel contexte, d’examiner adéquatement les parties en question et de les amender.

Je pense notamment à deux parties, dont l’une porte sur les nouvelles dispositions du Code criminel concernant les vols de véhicules, et l’autre sur les changements considérables que le gouvernement Trudeau apporte à la Loi sur l’évaluation d’impact, que la Cour suprême du Canada avait jugé inconstitutionnelle en grande partie.

Vous avez plaisanté, au départ, que cette fois-ci le projet de loi C-69 ne nous donnerait pas de cauchemars. Toutefois, il nous rappelle clairement le terrifiant précédent projet de loi C-69, puisqu’il lui redonne vie.

Voici ma question, sénateur Loffreda : combien de fois avez-vous présenté des projets de loi d’exécution du budget ou de mise en œuvre des énoncés économiques de l’automne pour le gouvernement actuel? Vous l’avez déjà fait quelques fois, je crois?

Si vous n’approuvez pas la pratique du gouvernement, qui présente souvent des projets de loi d’exécution du budget comptant des centaines de pages et qui force ainsi l’adoption de changements importants qui n’ont rien à voir avec le budget — une pratique qui nous empêche d’étudier et d’amender adéquatement ces changements —, pourquoi ne dites-vous pas au gouvernement fédéral que vous ne parrainerez plus de projets de loi d’exécution du budget tant qu’il continuera d’agir ainsi?

Le sénateur Loffreda : Sénatrice Batters, tout d’abord, je vous remercie de votre question.

Pour être honnête, c’est un immense privilège et un honneur pour quelqu’un comme moi de parrainer une loi d’exécution du budget. En examinant mon discours, je me suis dit : « Est-ce possible? ». J’ai dû me pincer. « Est-ce possible que ce soit Tony Loffreda qui fasse une telle chose? Wow. »

Comme je l’ai dit, c’est un honneur pour moi de faire une telle chose. J’adhère à 98 % ou à 99 % du contenu du projet de loi. Aucun projet de loi n’est parfait. Je suis en désaccord avec 1 % ou 2 % du projet de loi. Personne n’est parfait, et aucun projet de loi n’est parfait.

Je l’ai dit dès le début, il ne s’agit pas du plus gros projet de loi d’exécution du budget. Avec ses 686 pages, il s’agit du troisième plus gros projet de loi d’exécution du budget depuis 2003. La Loi d’exécution du budget de 2009 du premier ministre Harper — qui, selon moi, était un excellent premier ministre — comptait plus de 1 000 pages. Ils le font tous.

Comme je l’ai mentionné... Sénateur Housakos, c’est à mon tour de parler.

[Français]

D’un autre côté, je ne peux m’empêcher de me demander quelle serait l’efficacité du Sénat et même du Parlement si bon nombre des mesures contenues dans le projet de loi C-69 avaient été présentées en tant que projets de loi indépendants.

Nous nous plaignons déjà que notre Feuilleton et nos comités sont inondés de projets de loi. Il y a une longue file d’attente de projets de loi au Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie, par exemple. Au Comité sénatorial des banques, du commerce et de l’économie, nous avons cinq projets de loi à examiner.

[Traduction]

Nos comités sont débordés. Ces mesures arrivent à point nommé. Les dispositions relatives aux vols de véhicules arrivent à point nommé. Des organisations criminelles sont actives au Canada; des criminels s’introduisent par effraction dans les foyers. Il faut le dire. Nous devons adopter ce projet de loi le plus rapidement possible. J’envoie un message clair au gouvernement.

J’ai commencé par faire cette déclaration parce que je ne suis pas en faveur des projets de loi omnibus. Certaines de ces mesures législatives auraient pu être étudiées séparément. Tant de choses sont si importantes qu’elles doivent être incluses dans ce projet de loi à ce moment-ci. Voilà ma réponse à la question.

La sénatrice Batters : Vous avez dit que les comités sont débordés, mais les projets de loi du gouvernement — en particulier les projets de loi comme celui-ci — ont certainement la priorité.

Vous vous souviendrez peut-être aussi de notre discussion sur les dispositions relatives au vol d’automobiles au Comité des finances nationales la semaine dernière. Je vous parlais d’une disposition en particulier qui nécessite absolument un amendement, car il y a en fait un changement de libellé à la disposition sur le vol d’automobiles, qui est incorrecte en français et en anglais.

Étant donné que nous ne pouvons pas vraiment faire un tel changement parce que cette disposition fait partie du projet de loi d’exécution du budget de 680 pages, seriez-vous d’accord pour dire que l’existence d’une disposition qui, nous le savons, comporte déjà une lacune constitue l’un des inconvénients indéniables d’avoir une telle mesure dans la loi d’exécution du budget?

Le sénateur Loffreda : Quoi que vous fassiez dans la vie, vous devez peser le pour et le contre. Aucun projet de loi n’est parfait. Aucune mesure n’est parfaite. Il s’agit d’une nécessité pour les Canadiens en ce moment.

Je fréquente un gymnase et je sais qu’il y a beaucoup de ses membres qui attendent de savoir si cette loi d’exécution du budget a été adoptée et si les mesures contre le vol de voitures y figurent parce que des voleurs sont entrés par effraction dans leur maison pour obtenir les clés de leur voiture.

De toute évidence, la réglementation et les lois du Parlement ne sont pas statiques; elles sont très dynamiques. S’il y a quelque chose que nous pouvons faire à l’avenir, comme je l’ai dit à maintes reprises à propos de ce projet de loi, débattons d’un projet de loi et présentons-le pour améliorer la vie des Canadiens.

L’honorable Leo Housakos : Le sénateur Loffreda acceptera-t-il de répondre à une question?

Le sénateur Loffreda : Oui.

Le sénateur Housakos : Merci, sénateur Loffreda. Je suis d’accord avec vous; Stephen Harper était un grand premier ministre. La taille des lois d’exécution du budget n’avait pas d’importance, ce qui comptait, c’était que les budgets étaient toujours équilibrés, sauf lors d’une période de crise mondiale.

Ma question est la suivante, sénateur Loffreda : êtes-vous à l’aise d’appuyer un budget qui prévoit 61 milliards de dollars de nouvelles dépenses, alors que le gouverneur de la Banque du Canada a dit que ces dépenses n’étaient pas utiles pour faire baisser l’inflation et les taux d’intérêt?

L’ex-gouverneur de la Banque du Canada, David Dodge — en tant qu’ancien banquier, vous le connaissez sûrement, ainsi que l’actuel gouverneur — a dit qu’il s’agissait du pire budget depuis 1982 à cause de ces nouvelles dépenses.

Ne croyez-vous pas qu’un gouvernement financièrement responsable qui se soucie des générations futures de Canadiens devrait établir une cible budgétaire? Le gouvernement actuel a eu neuf années pour le faire. Il ne veut absolument pas le faire.

Quelqu’un ayant votre expérience — je sais que vous avez eu du succès en tant que banquier et homme d’affaires — croit assurément qu’un gouvernement responsable devrait se doter d’une cible budgétaire au lieu d’ajouter 61 milliards de dollars de nouvelles dépenses, alors que M. Trudeau a déjà battu des records en matière de déficits et de dette.

Le sénateur Loffreda : Merci, sénateur Housakos. Comme toujours, vous posez des questions pertinentes. Je vous remercie d’avoir mentionné ma carrière dans le secteur bancaire. Elle me semble bien loin dans le passé. Je croyais qu’exercer mes fonctions dans ce domaine était difficile, mais exercer mes fonctions actuelles l’est nettement davantage.

Je l’ai dit dans mon discours, mais je crois que vous étiez absent, alors je vais le répéter, pour vous et pour d’autres, car c’est important.

Au chapitre du ratio de la dette par rapport au PIB, le Canada fait plutôt bonne figure comparativement aux autres pays du G7. Soit dit en passant, je respecte M. Dodge, l’ancien gouverneur de la Banque du Canada, ainsi que toutes les personnes que vous avez mentionnées. Nous avons tous des opinions différentes. Il est important d’avoir une opinion, mais ce qu’il faut, c’est du jugement. Le jugement se fonde sur les faits. Je vais vous présenter les faits.

Au Sénat, j’entends fréquemment des sénateurs dire à quel point notre situation financière est lamentable et à quel point les Canadiens ont du mal à joindre les deux bouts. Peut-être devriez-vous passer quelques weekends avec moi. Vous verriez que 80 %, voire 90 % des Canadiens se portent bien et vivent confortablement.

En passant, j’ai commencé dans un sous-sol. J’ai vécu 20 ans dans un sous-sol. Je peux comprendre les deux situations.

Au chapitre du ratio de la dette par rapport au PIB, le Canada fait plutôt bonne figure comparativement aux autres pays du G7. Nous sommes probablement au premier ou au deuxième rang des pays les moins endettés par rapport à notre PIB.

Si nous nous comparons à d’autres groupes... Voici ce que m’a dit le directeur parlementaire du budget, que vous respectez tant, lorsque je lui ai posé la question.

(1820)

Ce que je vais citer ne vient pas de moi, mais du directeur parlementaire du budget, qui a dit :

Par rapport à d’autres groupes de comparaison tels que le G20, nous nous situons à nouveau dans le meilleur quartile [...]

 — les deux premiers —

[...] pour ce qui est du niveau d’endettement par rapport à l’économie. Nous sommes en bonne position [...]

Il a dit bien d’autres choses à ce sujet.

Vous avez parlé de gens que je respecte beaucoup. Eh bien, j’aimerais parler du FMI et de l’OCDE. Ce sont des organismes crédibles; je suis sûr, sénateur, qu’un homme intelligent comme vous en convient.

Selon les prévisions pour 2025, nous avons la plus forte croissance économique des pays du G7 ainsi que la dette et le déficit les moins élevés du G7. Nous avons récupéré 141 % des emplois perdus au plus fort de la pandémie, comparativement à seulement 128 % aux États-Unis. L’économie des États-Unis est la plus forte du monde. Nous avons récupéré plus d’emplois que les États-Unis. Avons-nous déjà entendu cela dans cette enceinte? Nous n’avions jamais entendu cela, n’est-ce pas? Eh bien, maintenant, vous l’avez entendu ici pour la première fois.

Le Canada a encore une cote de crédit AAA! Sénateur Housakos, je répète : une cote de crédit AAA.

Je n’invente rien. Ce sont des organismes crédibles. Regardez les données de S&P sur les perspectives économiques. J’ai un cahier rempli de données économiques ici. J’en aurais long à dire là‑dessus.

Une voix : Ne vous gênez pas. C’est amusant.

Le sénateur Loffreda : S&P continue d’accorder au Canada une cote AAA. Savez-vous pourquoi nous avons une cote de crédit AAA?

J’entends constamment des gens critiquer nos institutions, toutes nos grandes institutions. Ce sont pourtant nos institutions, y compris le Sénat du Canada, qui nous ont définis.

Par exemple, S&P explique qu’elle continue de donner au Canada la cote AAA du fait de ses fortes institutions, de sa politique monétaire crédible, de sa dette publique nette modérée, de sa solide position extérieure nette, de l’importance croissante de sa devise — le dollar canadien —, qui est activement échangée sur le marché, et de son économie prospère axée sur les exportations, avec un PIB par habitant d’environ 55 400 $ US.

Je n’invente rien. C’est ce que disent S&P et tous les autres intervenants. S&P s’attend à ce que l’économie bien diversifiée du Canada demeure résiliente jusqu’à la fin de sa période de prévision, en 2027. Elle prévoit également une accélération de la croissance économique au cours des deux prochaines années.

La croissance s’accélérera au cours des deux prochaines années. J’espère que, si je fais du bon travail et que le gouvernement le reconnaît, j’aurai l’occasion de parrainer quelques autres projets de loi d’exécution du budget. J’espère que j’aurai cette chance. Je vous dirai alors, dans quelques années : « Vous souvenez-vous, sénateur Housakos, de ce que je vous ai dit il y a deux ans? Vous le voyez bien. » J’espère que je pourrai le faire.

Comme je l’ai dit, on peut choisir les chiffres que l’on veut, mais ceux-ci sont éloquents. J’espère que j’ai répondu à votre question. Si ce n’est pas le cas, vous pouvez me poser une question complémentaire.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Il nous reste 45 secondes, alors il nous faut une question et une réponse très courtes.

Le sénateur Housakos : Il nous reste 45 secondes? J’aimerais que le sénateur Loffreda m’explique quelque chose. Peut-être que les 80 % ou les 90 % de Canadiens qui vivent dans cette merveilleuse utopie se trouvent à Westmount, mais les Canadiens avec qui je passe mes fins de semaine, sénateur Loffreda, font la file devant les soupes populaires. Ils se plaignent de ne pas pouvoir acheter de chaussures pour leurs enfants.

Expliquez-moi comment ces 61 milliards de dollars de nouvelles dépenses vont permettre de faire baisser l’inflation et le coût de la vie, qui, selon vous, est minuscule dans notre pays.

Le sénateur Loffreda : Je sais que je vais devoir demander plus de temps.

Premièrement, sénateur Housakos, nous sommes de bons amis depuis longtemps. Beaucoup d’entre vous ne le savent pas. Vous profitez de vos fins de semaine, tout comme je le fais; n’essayons pas de faire croire le contraire. Je pense que je suis un bourreau de travail. Vous n’en êtes pas un. Vous devez vous amuser beaucoup plus que moi la fin de semaine, mais l’inflation...

Son Honneur la Présidente intérimaire : Sénateur Loffreda, demandez-vous plus de temps pour répondre à la question?

Le sénateur Loffreda : Puis-je avoir deux minutes?

Une voix : Cinq minutes.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Peut-il avoir cinq minutes?

Des voix : Oui.

Des voix : Non.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Sénateur Loffreda, j’ai bien peur d’avoir entendu quelques non.

L’honorable Scott Tannas : Honorables sénateurs, j’ai toujours cru que les banquiers étaient des créatures à sang froid. Il était agréable de voir les esprits s’échauffer.

Sénateur Loffreda, je vous remercie de votre excellent discours et de vos réponses intéressantes et instructives.

J’interviens aujourd’hui à l’étape de la deuxième lecture parce que c’est à ce moment-là que nous parlons du principe d’un projet de loi. Or, j’ai un problème avec le principe du projet de loi que je vais exposer ici.

Je me suis abstenu de commenter sur le projet de loi C-59, qui me semble également problématique pour les mêmes raisons.

Mon point de vue, depuis cette nouvelle ère au Sénat, a toujours été — comme c’était le cas la plupart du temps avec mes amis du côté conservateur — de soutenir le gouvernement sur les questions financières. Selon moi, le rôle d’un sénateur est de soutenir le gouvernement sur les projets de loi à caractère financier. En revanche, je ne peux plus soutenir les lois d’exécution du budget qui regorgent d’éléments qui n’ont rien à voir avec le budget.

Nous sommes ici en ce 19 juin, et j’ai une impression de déjà-vu. Je voudrais vous ramener 363 jours en arrière, au 21 juin 2023. Nous examinions le projet de loi C-47, qui était une loi d’exécution du budget. Il contenait de nombreux éléments qui n’avaient rien à voir avec le budget du Canada. Certains points nécessitaient manifestement une étude plus approfondie, des amendements ou les deux.

Nous avons débattu de manière animée de la question d’amender le projet de loi. Que faire? Côté temps, nous étions au pied du mur. Il y a le bouclier conventionnel. Nous avons décidé d’adopter le projet de loi et de rentrer chez nous; c’est ce que nous avons fait.

C’est ce qui s’est passé à ce moment-là, et où en sommes-nous aujourd’hui? Nous sommes dans la même situation. Le projet de loi d’exécution du budget est arrivé il y a quelques heures. Un certain nombre de sections du projet de loi n’ont aucun lien avec les finances du Canada. Il y a des modifications au Code criminel, qui, je le sais, semblent sérieusement douteuses au Comité des affaires juridiques.

Le projet de loi contient des éléments qui laissent à désirer, qui nécessitent une étude plus approfondie, qui sont trop compliqués ou qui portent sur des sujets qui devraient faire l’objet d’un projet de loi distinct. En fait, 6 des 10 comités qui ont fait rapport au Comité des finances nationales, puis au Sénat par l’intermédiaire de ce comité, ont exprimé des réserves à ce sujet.

Nous avons dit que les contraintes de temps constituent un problème majeur relativement aux projets de loi d’exécution du budget. Nous avons parlé de la pression passive qui s’exerce. On nous dissuade totalement d’amender ou de diviser le projet de loi pour que nous puissions prendre le temps d’examiner les différentes sections qui requièrent notre attention et qui gagneraient à être soumises à un second examen objectif.

Nous avons déjà parlé au Sénat de toutes ces choses que le sénateur Loffreda a évoquées. Rien n’a changé. Nous sommes dans la même situation : nous aurons un bon débat animé, comme en ce moment, nous voterons sur le projet de loi, puis nous rentrerons chez nous. C’est ce qui se passera.

C’est une façon un peu déprimante de clore une session qui a été, à mon avis, très productive. Nous avons accompli des choses. Nous commençons à voir de nouveau les comités produire des études exceptionnelles qui sont fort appréciées. Notre travail à l’égard des projets de loi aura des ramifications. Nous avons consacré beaucoup de temps aux projets de loi d’initiative parlementaire provenant de la Chambre des communes et du Sénat, et de bons projets de loi ont été adoptés. Notre travail a permis de beaucoup en améliorer.

Qu’avons-nous appris? Qu’avons-nous accompli? Que devons-nous faire pour régler le problème?

Je pense que nous avons appris deux ou trois choses. En tout cas, c’est mon cas. Premièrement, les gouvernements aiment prendre un raccourci en ajoutant aux projets de loi d’exécution du budget des éléments qui n’ont rien à voir avec les finances. Des gouvernements successifs ont résolument employé cette méthode. Je pense que si on ne fait rien, le gouvernement actuel continuera de le faire. Je suis aussi convaincu qu’un éventuel futur gouvernement ne se gênera pas pour en faire autant. Je ne risque pas de me tromper si je dis que nous n’avons pas fini de subir des projets de loi de ce genre. Il y en aura parfois des pires que ce que nous voyons maintenant. Il se peut que, dans certains cas, il soit préférable que nous ne tentions pas de les modifier.

(1830)

La deuxième leçon — encore une fois, pour moi, c’est une confirmation —, c’est qu’ici, au Sénat, par nature et par convention, nous éprouvons une aversion viscérale pour les instruments constitutionnels qui sont à notre disposition pour modifier, retarder ou scinder un projet de loi lorsqu’on se retrouve devant ce que bon nombre d’entre nous considèrent comme un abus de procédure. Nous n’avons pas envie de le faire. C’est presque comme si nous étions coincés dans une relation malsaine. Nous devons nous prononcer, dans les plus brefs délais et sous une pression passive, sur des enjeux qui, quoique disparates, sont regroupés dans un projet de loi d’exécution du budget.

Je crois que ce que nous avons appris, quand il s’agit de projets de loi d’exécution du budget — même si nous savons que c’est une absurdité, parce que les éléments que nous nous efforçons d’améliorer n’ont rien à voir avec les finances du pays —, c’est que nous évitons à tout prix d’utiliser nos pouvoirs législatifs normaux, alors que nous n’hésitons pas à nous en servir relativement à d’autres projets de loi.

Néanmoins, c’est là où nous en sommes. Je pense que nous avons fait toutes les vérifications qui s’imposent au cours des dernières années. À mon avis, nous devrions tenir pour acquis que rien ne changera.

Que s’est-il passé au cours de la dernière année? Qu’avons-nous fait pour tenter de résoudre cette question au cours de l’année qui vient de s’écouler? Nous avons adopté une résolution demandant au Comité des finances nationales d’étudier cette question précise et d’en faire rapport. Que pouvons-nous faire? Que nous proposent-ils de faire pour tirer le maximum de ce processus? Selon leur bon jugement, leur expérience et tout ce qu’ils ont entendu, quels changements devons-nous envisager d’apporter au processus?

Un certain nombre d’entre nous, parmi les leaders, avons rédigé la motion et l’avons présentée au Sénat afin qu’il puisse l’étudier et l’adopter. Au début de ce processus, le sénateur Shugart m’a recommandé d’essayer de faire participer le gouvernement. Il m’a dit qu’il répondrait probablement « non, merci ». Et c’est ce qu’il a fait; il a poliment dit : « Non, merci. On n’a aucun intérêt à changer cela. On vous laisse déterminer ce que vous voulez faire. »

Cependant, nous avons cette résolution. Nous devions présenter un rapport à la fin du mois d’avril. À juste titre, je ne pense pas qu’il y ait eu de mauvaises raisons, le Comité des finances nationales a déclaré qu’il avait besoin de plus de temps, jusqu’à la fin du mois de décembre, pour étudier la question. C’est ce que nous avons fait. C’est un bon premier pas.

Nous devons admettre que le gouvernement est de plus en plus attentif à ce que nous faisons au Sénat, à notre tentative d’étudier 700 pages, d’examiner toutes les sections et d’essayer d’analyser les mesures proposées. Nous avons signalé des problèmes dans notre étude préalable, et le gouvernement a montré qu’il écoute. Il a retiré une des sections et il a apporté des modifications corrélatives et des précisions à une autre section. Cela n’allait pas assez loin, à mon sens, mais c’est quelque chose qui ne s’était encore jamais vu. Nous avons dit que les études préalables devraient susciter une réaction de la part du gouvernement. C’est une bonne idée, mais au cours de mes 13 années au Sénat, je n’en avais jamais vu une seule.

Il y a une avancée vers une solution, et je m’en réjouis. Cependant, je pense que nous arrivons à la croisée des chemins, chers collègues. Au cours de la prochaine année, deux choix s’offrent à nous en ce qui concerne notre approche face au problème chronique des mesures non financières dans les projets de loi d’exécution du budget.

Prenons ce qu’a dit le sénateur Loffreda. Il y a un certain nombre de mesures non financières qui sont incluses dans un projet de loi d’exécution du budget, mais qui ne sont pas assez importantes pour faire l’objet d’un projet de loi distinct. Occasionnellement, il peut y avoir des questions urgentes, mais toute initiative devient urgente quand elle émane du gouvernement et qu’il tente de la faire adopter. Je crois qu’il y aura toujours des dispositions semblables à la section 4 qui contiennent un tas de mesures diverses qui n’ont pas trop d’importance. Or, je pense que nous devrions plutôt nous préoccuper des mesures non financières lourdes de conséquences.

Deux choix s’offrent à nous. Nous pouvons nous contenter de nous plaindre chaque année en juin. C’est un choix, et nous pouvons le faire. Nous pouvons dire : « C’est la tradition. Il en a toujours été ainsi, et cela ne changera jamais. Telle est notre réalité. » Très bien. Nous pouvons faire ce choix. Faisons ce choix si c’est ce que nous voulons. Assumons-le clairement, et subissons‑en les conséquences pour la prochaine décennie. Si c’est ce que nous voulons faire, faisons-le. Nous pouvons laisser la Chambre des communes nous imposer sa volonté et limiter le temps et les pouvoirs législatifs dont nous disposons.

L’autre voie consiste à soutenir et à exhorter le Comité des finances nationales à nous aider tandis qu’il procède à son étude. Je pense qu’il y a beaucoup de choses qu’ils pourraient, et devraient, examiner — et je ne doute pas qu’ils le feront —, qui peuvent nous aider à sortir de la situation actuelle et nous permettre d’apporter de nouveau une valeur ajoutée maximale.

J’ai quelques idées. Je pense que le processus d’étude préalable pourrait être beaucoup plus solide. Il y a un triage en amont, et cela pourrait commencer par le projet de loi d’exécution du budget. Comme nous le savons, l’actuel gouvernement a déclaré que tout ce qui se trouve dans le document budgétaire se trouvera dans le projet de loi d’exécution du budget.

Lorsque nous étudions le projet de loi d’exécution du budget, nous devrions examiner attentivement non seulement les chiffres, mais aussi toutes les annexes, où une petite phrase anodine se transforme en un document de 12 pages sur le budget en annexe, comme nous l’avons vu l’an dernier. Nous devrions anticiper ce qui pourrait être soumis au Comité des finances nationales et celui-ci devrait procéder à un triage en fonction des premiers indices que nous relevons et qu’il y aurait lieu de signaler. C’est une idée qui mérite d’être étudiée.

Nous pourrions offrir plus de soutien. Nous pourrions exiger davantage du leader du gouvernement au Sénat. Celui-ci devrait faire partie du cabinet. Le Sénat pourrait adopter cette position et envoyer un message aux futurs premiers ministres pour leur dire que le leader du gouvernement doit être présent à la table.

Nous avons beaucoup entendu parler de l’époque des leaders du gouvernement au Sénat et des conversations franches et ouvertes qui avaient lieu au Cabinet au sujet du calendrier, des projets de loi et du temps dont nous aurions probablement besoin pour faire notre travail. Ce n’est qu’une idée, mais nous pouvons renforcer le rôle du représentant du gouvernement au Sénat et, en particulier, le rôle miroir du représentant du Sénat au Cabinet.

Nous pouvons nous employer à établir un lien de confiance avec la Chambre des communes, et ce, délibérément. Il est particulièrement important que nous le fassions de manière que lorsque de nouveaux gouvernements sont en place, ils comprennent où nous en sommes et comment nous allons interagir avec eux. En outre, nous devons agir de façon proactive et de bonne foi.

Nous devrions également définir clairement les circonstances dans lesquelles nous envisagerions d’exercer nos droits d’amendement, de dissidence et de délai. Sans cela, nous serons toujours exposés à des abus de procédure ou à la tentation de tels abus.

Si le Comité des finances nationales — avec nous tous — peut trouver une meilleure façon d’aller de l’avant, nous ferons progresser la réforme du Sénat, nous en donnerons plus aux Canadiens et nous remplirons notre devoir de procéder à un second examen objectif en bonne et due forme.

(1840)

Je sais quelle voie je veux emprunter. J’espère que vous le savez aussi. Je vous demande d’appuyer et d’encourager nos collègues du Comité des finances nationales à faire de leur mieux pour nous au cours des prochains mois. Je vous remercie.

L’honorable Robert Black : Honorables collègues, je prends la parole aujourd’hui pour aborder une question fort importante qui touche au cœur de la résilience économique, de la sécurité alimentaire et de la vitalité rurale de notre pays : l’absence flagrante d’un soutien substantiel à l’agriculture canadienne et au Canada rural dans le budget fédéral de 2024. D’ailleurs, le mot « agriculture » n’apparaît que six fois dans le budget fédéral 2024.

Honorables sénateurs, en tant que président du Comité sénatorial permanent de l’agriculture et des forêts et représentant de l’Ontario, une province riche en innovations et en traditions agricoles, je me dois d’exprimer les profondes inquiétudes des agriculteurs, des leaders de l’industrie et des collectivités rurales de notre grand pays. Lors du dévoilement du budget fédéral, en avril, la déception et les appréhensions étaient palpables chez ceux qui travaillent sans relâche sur nos terres agricoles.

La Fédération canadienne de l’agriculture et diverses associations agricoles ont exprimé leur désarroi face à ce qu’elles considèrent comme une occasion manquée de soutenir un secteur essentiel à la prospérité du pays. Cette fédération, qui représente environ 190 000 familles d’agriculteurs, a déclaré être « déçue du manque d’investissement dans l’agriculture dans le budget fédéral de 2024 ».

Le président de la Fédération canadienne de l’agriculture, Keith Currie, a dit ceci :

Bien que nous comprenions qu’il y a des priorités concurrentes pour les fonds gouvernementaux, avec des conditions météorologiques irrégulières et des prix élevés qui augmentent considérablement le profil de risque de l’agriculture canadienne, le gouvernement ne peut pas se permettre d’ignorer la production alimentaire et les agriculteurs canadiens.

Le communiqué de presse des Producteurs de grains du Canada du 18 avril 2024 a pour titre : « Le budget de 2024 ne prévoit pas d’investissements essentiels pour les producteurs de grains ».

La Wheat Growers Association a dit ceci : « Le budget fédéral est déconnecté de la réalité et n’obtient même pas la note de passage. »

Chers collègues, ce ne sont là que quelques-uns des nombreux titres qui ont circulé ces derniers mois. Le message est clair : le budget fédéral de 2024 n’est pas à la hauteur des attentes des agriculteurs, des éleveurs et des cultivateurs canadiens.

L’un des principaux problèmes, qui a fait l’objet d’une attention soutenue, est l’absence d’investissements significatifs pour relever les défis urgents et permanents auxquels sont confrontés nos agriculteurs, nos éleveurs et nos cultivateurs.

Le spectre des taux d’intérêt élevés, associé à l’imposition d’une taxe sur le carbone sur les activités agricoles essentielles, a jeté une ombre d’incertitude sur le paysage agricole. Les agriculteurs, qui sont déjà aux prises avec des marchés volatils et des conditions météorologiques imprévisibles, doivent faire face à des charges financières supplémentaires qui ont poussé de nombreuses familles d’agriculteurs canadiens à mettre la clé sous la porte.

L’imposition d’une taxe sur le carbone a fait peser des contraintes excessives sur le secteur agricole, touchant de manière disproportionnée les agriculteurs, les éleveurs, les cultivateurs et autres.

Dans les provinces où la redevance fédérale sur les combustibles s’applique, le consommateur moyen bénéficie d’une remise pour compenser le coût. Cependant, les agriculteurs, les éleveurs et les cultivateurs ne sont pas des consommateurs moyens.

Dans de nombreux cas, la tarification du carbone érode la capacité des agriculteurs à maintenir leurs organisations et leurs activités. Selon les Grain Farmers of Ontario, les dépenses liées à la taxe sur le carbone augmenteront de 2,7 milliards de dollars à la suite de la récente augmentation. En d’autres termes, cette situation n’est pas viable.

Cette taxe, souvent perçue comme une mesure punitive, ne tient pas compte des défis uniques auxquels sont confrontés les agriculteurs pour réduire leur empreinte carbone ni des mesures qu’ils ont déjà prises pour réduire leurs émissions de carbone. En outre, l’absence d’aide financière ciblée pour compenser ces coûts est une occasion manquée d’aider les agriculteurs à adopter des pratiques durables et à atténuer les effets des changements climatiques.

Le gouvernement a manqué une autre occasion de soutenir les agriculteurs, les éleveurs, les cultivateurs et les producteurs dans le budget de 2024. Une analyse effectuée par le directeur parlementaire du budget sur le projet de loi C-234 — qui proposait d’abolir la taxe fédérale sur le carbone pour les utilisations du gaz naturel et du propane à la ferme, comme le séchage du grain et le chauffage des bâtiments — a révélé que les agriculteurs économiseraient 978 millions de dollars supplémentaires d’ici 2030 si la taxe était abolie.

Imaginez les innovations, chers collègues, qui seraient possibles si les agriculteurs n’étaient pas soumis à une taxe sur le carbone élevée et qu’ils pouvaient utiliser ces 978 millions de dollars pour investir dans l’innovation. La taxe sur le carbone a une incidence sur l’ensemble de la chaîne d’approvisionnement — de la ferme à l’assiette — et elle influe sur les coûts de production, de transport et de vente au détail des denrées alimentaires et, en fin de compte, sur les coûts que doit assumer le consommateur.

Les exploitations agricoles canadiennes sont confrontées à d’importantes pressions financières dues à ces taxes, ainsi qu’à une inflation record, à l’augmentation des prix des denrées alimentaires, à des problèmes d’abordabilité du logement et à la hausse du coût de la vie en général. Ces charges financières pèsent lourdement, non seulement sur les Canadiens ordinaires, mais plus encore sur les fermes familiales en raison de la nature de leurs activités.

Une mesure législative comme le projet de loi C-234 est cruciale pour l’industrie et aurait permis d’atténuer certaines de ces pressions. Elle aurait également témoigné d’un soutien pour la communauté agricole, quelque chose dont elle a désespérément besoin en ce moment.

L’agriculture est un pilier précieux du patrimoine de notre pays et un secteur névralgique de notre économie. En ciblant les difficultés financières des agriculteurs, qui leur sont imposées par l’entremise de la taxe sur le carbone et les taux d’intérêt élevés, nous montrerions notre soutien au secteur et contribuerions à assurer la pérennité des familles agricoles canadiennes d’un océan à l’autre.

Chers collègues, l’absence d’aide financière ciblée pour compenser ces coûts est une occasion manquée d’aider les agriculteurs à adopter des pratiques durables et à atténuer les effets des changements climatiques, comme je l’ai dit plus tôt.

En matière d’agriculture, nous savons tous que l’augmentation de la fréquence et de la gravité des phénomènes météorologiques extrêmes, qui sont exacerbés par les changements climatiques, pose des risques importants pour le rendement des cultures, la santé du bétail et la durabilité globale des exploitations agricoles, sans parler des conséquences sur la santé mentale et émotionnelle des familles d’agriculteurs. Les événements comme les sécheresses prolongées, les feux de forêt, les vagues de chaleur intense et les tempêtes imprévisibles deviennent de plus en plus fréquents, ce qui exerce d’énormes pressions sur les agriculteurs qui doivent s’adapter rapidement. Ces défis menacent la productivité immédiate du secteur agricole, mais aussi la résilience et la viabilité à long terme des exploitations agricoles partout au pays.

Les omissions de ce budget concernant les programmes environnementaux, les pénuries chroniques de main-d’œuvre et l’amélioration des infrastructures essentielles pour le secteur agricole ont soulevé de sérieuses questions quant à l’engagement du gouvernement à favoriser un secteur agricole dynamique et résilient. Les agriculteurs ont besoin de systèmes de soutien solides pour gérer efficacement ces défis en constante évolution.

Malheureusement, le manque d’investissements ciblés dans ces domaines met en évidence une lacune dans l’approche stratégique actuelle, ce qui oblige les agriculteurs à assumer le fardeau sans aide adéquate.

Les investissements dans l’agriculture adaptée au climat, comme les cultures résistantes à la sécheresse, les technologies agricoles de précision et les pratiques de gestion durable de l’eau, sont impératifs pour assurer la viabilité à long terme des exploitations agricoles canadiennes. Cependant, notre gouvernement n’offre pas d’incitatifs pour promouvoir ces pratiques; lorsque des fonds sont disponibles, des membres de l’industrie m’ont dit que leurs programmes n’arrivent pas à répondre à la demande. Des stratégies à long terme ne sont pas élaborées, et des retards ont conduit des bénéficiaires à manquer des saisons de croissance.

Chers collègues, les agriculteurs innovent depuis des années, mais veulent en faire plus. Toutefois, pour ce faire, ils ont besoin du soutien et de l’orientation du gouvernement, et non d’impôts et de dettes supplémentaires. En investissant dans des pratiques novatrices et durables, nous pouvons aider les agriculteurs à atténuer les effets néfastes des changements climatiques, à protéger la production alimentaire et à renforcer les collectivités rurales.

En outre, il est crucial de reconnaître et de récompenser les efforts déployés par les agriculteurs qui adoptent des pratiques durables. Comme plusieurs témoins l’ont déclaré devant le Comité de l’agriculture et des forêts, les pratiques comme celle de la culture sans labour ont grandement amélioré la qualité des sols et contribué à réduire les émissions. Cependant, les coûts liés à l’adoption de pratiques liées à l’agriculture de précision et à leur maintien sont élevés.

Il est nécessaire d’offrir des mesures d’aides pour ces dépenses continues afin d’encourager l’adoption de ces pratiques à plus grande échelle et de veiller à ce que les précurseurs soient reconnus pour leur contribution initiale à l’agriculture durable.

Il est primordial de veiller à ce que nos politiques reconnaissent et appuient les défis uniques auxquels font face les agriculteurs afin de maintenir la santé et à la productivité de nos terres agricoles et d’assurer la production de denrées alimentaires pour les générations futures — le budget de 2024 est une autre occasion ratée pour appuyer les agriculteurs, les éleveurs et les producteurs.

Les répercussions des lacunes du budget vont au-delà de la sphère économique; elles touchent au cœur de la vie rurale, à l’autonomisation des jeunes et à la sécurité alimentaire. En tant que sénateur ayant de l’expérience dans le domaine de l’agriculture, du développement du leadership et du développement des collectivités rurales, les récentes compressions — ou, comme le gouvernement se plaît à le dire, les nouvelles exigences pour obtenir du financement dans le cadre des programmes — qui affectent des organisations comme les clubs 4-H du Canada et Agriculture en classe Canada sont particulièrement décourageantes. Ces types de programmes pour les jeunes permettent non seulement de cultiver les compétences de leadership de chacun, mais aussi de mieux comprendre le rôle de l’agriculture dans le maintien de notre mode de vie.

(1850)

Des programmes tels que les clubs 4-H et Agriculture en classe sont des piliers pour les jeunes des collectivités rurales et au-delà, les gens qui représentent l’avenir de notre société et de notre pays. Ils jouent un rôle crucial dans le développement de notre prochaine génération de leaders, en enseignant de précieuses compétences pratiques, telles que la responsabilité, le travail d’équipe et l’engagement communautaire. Ils offrent aux jeunes une plateforme leur permettant d’entrer en contact avec leurs pairs, d’échanger des connaissances, de prendre part à d’importants projets de services communautaires, ainsi que de s’informer sur les nombreuses possibilités de carrière offertes dans l’industrie agricole. Les expériences qu’offrent ces programmes sont inestimables pour favoriser un sentiment d’appartenance et d’attachement à la vie rurale, ce qui est essentiel pour la viabilité de nos collectivités agricoles et rurales.

Les compressions faites dans les programmes pour les jeunes offerts par des organisations telles que les clubs 4-H du Canada et Agriculture en classe représentent des reculs importants pour nos collectivités agricoles et la société canadienne dans son ensemble. Pour véritablement soutenir la vie rurale et assurer la durabilité de notre secteur agricole, il est essentiel d’investir dans l’avenir en maintenant un soutien solide aux programmes de développement des jeunes et de sécurité alimentaire. Ce faisant, nous pouvons bâtir des collectivités plus fortes et plus saines et cultiver une nouvelle génération de leaders déterminés à assurer le succès de l’agriculture canadienne.

Chers collègues, malgré les lacunes du budget de 2024 et le fait qu’il ne contient pratiquement rien pour le secteur agricole, certains aspects positifs méritent d’être soulignés. L’inclusion de mesures visant à améliorer l’interopérabilité et la connectivité numérique dans les zones rurales est un pas dans la bonne direction. L’accès à des services Internet à haute vitesse fiables ainsi qu’à une infrastructure numérique est essentiel pour moderniser les pratiques agricoles, faciliter les possibilités de commerce électronique et combler le fossé entre les zones urbaines et rurales.

Dans le monde technologique d’aujourd’hui, avoir accès à Internet n’est pas un luxe, mais une nécessité. Les services Internet à haute vitesse permettent aux agriculteurs d’accéder à des données en temps réel sur les conditions météorologiques, les prix sur les marchés et les techniques agricoles avancées, ce qui leur permet de prendre des décisions éclairées et d’améliorer leur productivité. Ils ouvrent également de nouvelles voies pour la vente directe aux consommateurs par l’intermédiaire de plateformes en ligne, ce qui offre aux agriculteurs un meilleur accès aux marchés et des marges de profit plus élevées.

En outre, la connectivité numérique peut améliorer les pratiques agricoles de précision, qui s’appuient sur des technologies de pointe telles que le GPS, les capteurs et les drones pour optimiser la gestion des cultures et réduire le gaspillage. En investissant dans l’infrastructure numérique, le gouvernement veillera à ce que les agriculteurs et les communautés rurales disposent des outils dont ils ont besoin pour adopter ces pratiques innovantes, ce qui se traduira en fin de compte par des activités agricoles plus efficaces et plus durables.

Chers collègues, cela fait six ans que je siège au Sénat et que j’entends le gouvernement répéter les mêmes promesses et les mêmes engagements année après année. Il est temps d’arrêter de faire des promesses et de passer aux actes. Bien que ces mesures annoncées à nouveau soient louables, elles ne représentent qu’une fraction de ce qui est nécessaire pour relever les défis multidimensionnels auxquels les agriculteurs canadiens doivent faire face.

Pour fournir un soutien complet au secteur agricole, il faut adopter une approche holistique qui comprend non seulement des incitatifs financiers et des avancées technologiques, mais aussi des politiques solides pour relever les défis liés à pénurie de main‑d’œuvre, à l’accès au marché et à la durabilité de l’environnement. Pour assurer la prospérité future du secteur agricole canadien, il faudra continuer d’investir dans les infrastructures, la recherche et l’éducation, ainsi que dans les efforts de collaboration entre le gouvernement, les acteurs de l’industrie et des collectivités rurales. Encore une fois, le budget de 2024 rate la cible.

Comme je l’ai déjà dit, les agriculteurs ne sont pas de simples producteurs; ils sont les gardiens de la terre, de la biodiversité et de la prospérité économique des collectivités rurales. L’industrie agroalimentaire génère environ 134,9 milliards de dollars de PIB et fournit un emploi sur neuf au Canada. Les agriculteurs du Canada constituent un pilier stratégique de notre économie; ils sont indispensables à la croissance à long terme du pays et à la lutte contre les changements climatiques.

Chers collègues, les agriculteurs, les éleveurs, les producteurs et les cultivateurs ont besoin d’un soutien solide et durable pour relever les défis complexes de l’agriculture moderne tout en préservant nos ressources naturelles pour les générations futures, et ils demandent au gouvernement de leur fournir ce soutien depuis des années. Je suppose qu’ils devront attendre encore puisqu’une fois de plus, le budget de 2024 rate la cible.

Les Producteurs de grains du Canada, l’Association canadienne des bovins et de nombreuses autres organisations ont exprimé leur déception et souligné qu’il est urgent de prévoir des mesures concrètes pour remédier aux lacunes du budget.

En outre, tandis que nous naviguons dans les méandres de la politique agricole, ne perdons pas de vue les impératifs sociétaux plus larges. L’agriculture n’est pas qu’un secteur économique : c’est un ensemble d’enjeux interreliés qui vont de l’aménagement du territoire et à la gestion durable des ressources en passant par le développement des infrastructures rurales et l’accès équitable à une alimentation nutritive pour tous les Canadiens.

En tant que sénateurs qui ont le devoir de faire valoir les divers intérêts de leurs concitoyens, nous devons plaider sans relâche en faveur d’un cadre budgétaire qui reflète une grande compréhension des contributions multidimensionnelles de l’agriculture au bien-être du pays. L’agriculture doit avoir sa place à toutes les tables et dans toutes les conversations.

Si nous voulons augmenter la production afin de nourrir les Canadiens et le monde, dont la population se fait de plus en plus nombreuse, il faut faire des investissements maintenant. Chers collègues, n’oublions pas que ce sont les agriculteurs, les éleveurs, les producteurs et les cultivateurs du Canada qui mettent de la nourriture sur nos tables, 3 fois par jour, 365 jours par an. Ne les laissons pas tomber.

Merci. Meegwetch.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Sénatrice Wallin, vous aviez une question, mais le temps est écoulé.

Sénateur Black, demandez-vous deux minutes?

Êtes-vous d’accord, honorables sénateurs?

Des voix : Oui.

Une voix : Non. Une minute.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Nous sommes d’accord pour vous accorder une minute, sénatrice Wallin.

L’honorable Pamela Wallin : J’ai deux ou trois questions à poser au sénateur Black. Est-il exact que vous êtes l’une des 3 personnes, au cours des 70 dernières années, à avoir été nommées membres honoraires de la Société canadienne de la science du sol, une distinction accordée en reconnaissance d’un apport précieux ou particulier à la science du sol?

Est-il exact, sénateur Black, que vous avez reçu cette distinction en reconnaissance de votre rôle structurant au Comité sénatorial permanent de l’agriculture et des forêts ainsi que du travail que vous avez accompli pour « inspir[er] des mesures, encourag[er] la collaboration et éveill[er] un sentiment renouvelé de l’importance de la saine gestion de nos précieux sols » et que votre appui solide a permis au Canada d’être le candidat retenu pour accueillir le 24e Congrès mondial des sciences du sol?

Est-il exact que cette distinction vous a été décernée à Vancouver la semaine dernière, après votre exposé au sujet du rapport sur la santé des sols produit par le Comité de l’agriculture et intitulé Terrain critique : pourquoi le sol est essentiel à la santé économique, environnementale, humaine et sociale du Canada, un rapport qui — pardonnez-moi le jeu de mots — ouvre de nouveaux sillons?

Enfin, savez-vous que nous sommes fiers et que nous vous remercions d’avoir fait honneur au Sénat?

Son Honneur la Présidente intérimaire : Sénateur Black, vous avez environ une seconde.

Le sénateur Black : Oui.

Des voix : Bravo!

Son Honneur la Présidente intérimaire : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

Une voix : Avec dissidence.

(La motion est adoptée et le projet de loi est lu pour la deuxième fois, avec dissidence.)

(Conformément à l’ordre adopté par le Sénat le 18 juin 2024, le projet de loi est renvoyé au Comité sénatorial permanent des finances nationales.)

Son Honneur la Présidente intérimaire : Honorables sénateurs, il est 19 heures. Conformément à l’article 3-3(1) du Règlement, je suis obligée de quitter le fauteuil jusqu’à 20 heures, moment où nous reprendrons nos travaux, à moins que vous souhaitiez ne pas tenir compte de l’heure.

Vous plaît-il, honorables sénateurs, de ne pas tenir compte de l’heure?

Des voix : D’accord.

Des voix : Non.

Son Honneur la Présidente intérimaire : J’ai entendu un « non ».

Honorables sénateurs, le consentement n’a pas été accordé. Par conséquent, la séance est suspendue, et je quitterai le fauteuil jusqu’à 20 heures.

(La séance du Sénat est suspendue.)

(Le Sénat reprend sa séance.)

(2000)

Projet de loi sur la lutte contre l’ingérence étrangère

Troisième lecture

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénateur Dean, appuyée par l’honorable sénateur Cotter, tendant à la troisième lecture du projet de loi C-70, Loi concernant la lutte contre l’ingérence étrangère.

L’honorable Percy E. Downe : Honorables sénateurs, je tiens juste à dire quelques mots sur le projet de loi C-70, qui porte sur l’ingérence étrangère. Je ne suis évidemment pas un expert en matière d’ingérence étrangère ou de renseignement, mais au fil des ans, mon travail m’a amené à connaître un peu ces domaines. Le tout premier jour où j’ai eu l’honneur d’être chef de cabinet du premier ministre Chrétien, deux représentants du Service canadien du renseignement de sécurité sont entrés dans mon bureau et ils se sont assis. Ils m’ont alors remis les rapports de renseignement du Groupe des cinq en m’expliquant comment les choses se passeraient et de quelle façon les documents me seraient acheminés. Ensuite, ils m’ont dit : « Aujourd’hui, nous allons rester assis pendant que vous lirez les documents, puis nous les reprendrons », avant de m’expliquer ce qui se passerait à l’avenir.

Ayant grandi à Charlottetown en regardant des films de James Bond, je dois vous avouer que j’ai trouvé cela assez palpitant de lire ces renseignements. Après l’avoir fait, ce qui m’a pris environ 10 minutes, j’ai rendu les documents aux représentants en disant : « Expliquez-moi la procédure. Comment cela se passe-t-il? » Ils m’ont répondu : « Les documents sont transmis au greffier du Conseil privé et à vous-même, et c’est ensuite à vous de décider de ce dont informer le premier ministre. »

C’est à ce moment-là que le plaisir a disparu, car je ne suis pas né de la dernière pluie. Je savais qu’on allait me demander : « Qu’est‑ce que vous saviez? Quand avez-vous été mis au courant? Qu’avez‑vous fait à ce moment-là? » J’ai donc dit : « Rendez-moi ces documents. Je veux les relire. » Après cela, j’ai passé deux ans à lire des documents de ce genre. Plus tard, comme beaucoup d’entre vous le savent, j’ai eu l’honneur de siéger au Comité des parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement, la première mouture du comité, avec la sénatrice Lankin, qui en fait toujours partie, et David McGuinty, qui en est le président.

Je souhaite simplement dire quelques mots, compte tenu des questions que j’ai posées au sénateur Gold. Le Comité des parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement est un comité remarquable. Il dispose de l’une des meilleures équipes professionnelles que j’aie jamais rencontrées à Ottawa. Je suis certain que le comité aura pesé le moindre mot et la moindre phrase de ce rapport, en faisant preuve d’une extrême prudence. Je pense qu’il sert bien les Canadiens.

Cela dit, j’ai décidé de ne pas redevenir membre du comité. Je n’ai pas demandé d’en faire partie à la fin de mon mandat parce que j’ai constaté qu’il y avait deux problèmes. Tout d’abord, j’étais préoccupé par la quantité de renseignements caviardés par le gouvernement lors de la publication des rapports. Je croyais que la différence entre ce que nous soumettions et la version publiée par le gouvernement était trop grande. En outre, très franchement, ayant été chef de cabinet du premier ministre, j’ai remarqué que les membres du comité n’obtenaient pas tous les renseignements qu’ils auraient dû obtenir. Ils en obtenaient suffisamment pour remplir leurs responsabilités, mais le gouvernement n’était pas très disposé à leur transmettre de l’information supplémentaire qui, à mon avis, leur aurait été utile.

Cela étant dit, je tiens particulièrement à ce que nous rectifiions toute information erronée dans l’étude du projet de loi C-70 sur l’ingérence étrangère. C’est pourquoi je voudrais parler de ce que le sénateur Woo a dit lundi. Je vais le citer, puis je vais citer le jugement rendu dans l’affaire en Australie. Je pense que mes collègues seront capables de voir s’il y a une différence entre ce que le sénateur a affirmé et ce qui est contenu dans la décision du tribunal saisi de cette affaire.

Je dis cela parce que je me suis toujours intéressé à ce que fait l’Australie à l’égard de l’ingérence étrangère. À mon avis, ce pays a été un chef de file dans ce dossier. J’estime d’ailleurs que l’Australie avait un problème plus important que nous, qu’elle a dû y faire face plus tôt et qu’elle est intervenue plus rapidement. Cela dit, c’est encore un problème là-bas, et lorsque j’ai entendu dire qu’une personne avait été condamnée et envoyée en prison en vertu de la loi, je me suis intéressé à cette affaire. J’ai donc lu le jugement du tribunal. Pour ceux d’entre vous qui étaient là lorsque le sénateur Baker était au Sénat, je précise que lire des jugements des tribunaux ne fait pas partie de mes passe-temps. J’en ai lu environ une demi‑douzaine au fil des ans.

Je vais d’abord citer ce que le sénateur Woo a dit lundi dernier :

Un Australien d’origine vietnamienne a été condamné à deux ans de prison pour avoir préparé ou planifié un acte d’ingérence étrangère. Quel était cet acte? Il a organisé une collecte de fonds pendant la COVID et il a recueilli de l’argent auprès des Vietnamiens et de la communauté indo-sino-australienne pour acheter de l’équipement de protection individuelle et d’autres fournitures médicales, et il a donné cet argent à un hôpital. À l’occasion de la cérémonie où le don a été fait, il a invité un responsable politique — je pense qu’il était ministre en fonction à l’époque — à venir tenir avec lui sur la scène un chèque géant de 25 000 dollars australiens. On s’est servi de cela comme preuve que cet Australien d’origine vietnamienne préparait le ministre en vue d’un acte futur d’ingérence étrangère.

Pensez-y. Le régime australien appartient à l’Australie et celle‑ci a le droit d’agir comme elle le veut, mais si nous empruntons cette direction, le fait, pour une personne, de forger une relation avec un politicien ou un fonctionnaire susceptible de gravir les échelons dans un avenir plus ou moins rapproché constituerait en soi un crime, puisque ce serait considéré comme un acte en vue ou en préparation de la perpétration d’ingérence étrangère. Voilà qui me donne des frissons dans le dos.

C’est ce que le sénateur Woo a dit lundi.

Chers collègues, je voudrais comparer cela à ce qui s’est passé en Australie. Cet individu a subi un procès avec juge et jury. Je pense que le procès a duré cinq semaines. Je ne citerai qu’une partie du jugement, mais voici ce que le juge a dit à propos de cette situation. Nous sommes en Australie et le juge est australien. Il a dit ceci :

En tant que membre éminent et de longue date du parti libéral…

… il entend par là, bien entendu, le Parti libéral australien…

… vous aviez déjà rencontré le ministre Tudge le 26 juillet 2018, à son invitation, afin de discuter de politiques en matière d’immigration. Conformément au verdict du jury, je suis convaincu hors de tout doute raisonnable que vous avez délibérément tenté d’utiliser votre rencontre précédente avec le ministre Tudge afin l’amener à mettre la main à la pâte pour que le don soit fait à l’Hôpital royal de Melbourne. Je suis également convaincu que, le 30 avril 2020, vous avez délibérément choisi le ministre Tudge comme cible du futur délit d’influence étrangère précisément en raison de son poids politique comme ministre du gouvernement fédéral australien et parce que vous pensiez qu’il serait possible de le persuader d’influencer la politique du gouvernement australien d’une manière favorable au Parti communiste chinois. D’après votre évaluation, cet avantage potentiel était d’autant plus intéressant qu’à vos yeux, le ministre Tudge allait devenir un jour le premier ministre de l’Australie.

Plus loin, il ajoute :

En présentant vos objectifs pour le don comme étant purement altruistes et authentiques, vous avez trompé la cible, soit le ministre Tudge, ainsi que les membres du personnel du cabinet du ministre Tudge, les membres de l’hôpital royal de Melbourne associés au don, et les membres de la fédération océanienne qui ont donné des fonds sans arrière-pensée. L’accusation soutient que cet aspect de votre conduite a constitué un abus de confiance grave à l’égard des membres de la fédération océanienne et du Parti libéral, parce que vous avez utilisé votre affiliation de longue date avec ces organismes comme une forme de couverture dans la poursuite de l’agenda du Parti communiste chinois. En effet, comme l’ont amplement démontré les preuves présentées lors du procès, cette méthodologie clandestine est une caractéristique de ce que l’on appelle le système du travail du Front uni, qui est utilisé dans le monde entier par ce que l’on appelle le Département de travail du Front uni, qui opère sous la direction et le contrôle du Parti communiste chinois. J’accepte ces arguments et j’estime que les faits qui les sous-tendent ont été prouvés au-delà de tout doute raisonnable.

Le juge ajoute :

J’estime également, selon ce même critère, que vous avez maintenu des contacts, avant et pendant la période où les infractions alléguées ont été commises, avec des responsables du Parti communiste chinois, tant en Australie qu’à l’étranger. Vous avez communiqué avec eux au moyen de l’application cryptée WeChat, notamment avec des responsables dont vous saviez ou pensiez qu’ils étaient des agents du ministère de la Sécurité de l’État du gouvernement chinois. La confiance du Parti communiste chinois envers vous est démontrée par votre relation avec le consulat chinois et s’est reflétée dans l’invitation qui vous a été transmise par ce parti pour que vous assistiez aux célébrations du 70e anniversaire de la fête nationale à Pékin. Vous avez dûment assisté à ces célébrations à Pékin le 1er octobre 2019.

Les éléments de preuve présentés au procès appuient la conclusion selon laquelle le système du Front uni, tel qu’il est exploité par le Département du travail du Front uni, est un programme d’influence étrangère très élaboré, de grande portée et omniprésent. La poursuite soutient que votre infraction et votre conduite avant et après la période de l’infraction donnent à penser que vous avez parfaitement compris la méthodologie de ce système. Vous avez montré une aptitude et un enthousiasme pour développer des relations avec des personnes d’influence en Australie et à l’étranger et cacher vos liens avec le Parti communiste chinois derrière vos rôles dans des organisations communautaires apparemment inoffensives. La poursuite soutient que, à cet égard, votre infraction peut être considérée comme très élaborée. J’accepte cette affirmation et je conclus que les faits sous-jacents ont été prouvés hors de tout doute raisonnable.

(2010)

La poursuite a soutenu que l’accusé avait été en contact avec des représentants de l’État chinois. En cour, on a fait joué plusieurs écoutes électroniques et appels téléphoniques, dont un où on entendait l’accusé dire à un associé : « Quand je fais des choses, elles ne sont jamais rapportées dans les journaux, mais Pékin saura ce que je fais. » Il a été condamné, et c’est l’autre côté de l’histoire.

Merci, chers collègues.

L’honorable Yuen Pau Woo : Puis-je poser une question au sénateur Downe?

Le sénateur Downe : Bien sûr.

Le sénateur Woo : Merci. Je suis arrivé vers la moitié de votre discours, mais j’en ai saisi l’intention.

Vous avez ni plus ni moins confirmé ce que j’ai dit hier. Cet homme a été accusé et reconnu coupable des mêmes accusations que celles que vous avez décrites.

Quel conseil donneriez-vous aux Canadiens d’origine chinoise qui veulent tisser des liens solides avec la mère partie — avec la République populaire de Chine —, participer à des activités de bienfaisance ici, au Canada, pour le bien de Canadiens, et avoir de bonnes relations et des contacts avec des politiciens canadiens, car c’est important pour les Canadiens d’origine chinoise de démontrer leur participation civique dans le processus politique?

Ces mêmes Canadiens d’origine chinoise seront régulièrement en contact avec des responsables chinois à l’ambassade, au consulat ou au bureau commercial, car ils ont des liens avec la Chine. Il est également possible que ces Canadiens d’origine chinoise soient membres d’associations qu’on juge être liées au Département du travail du Front uni. C’est peut-être même inscrit sur leurs cartes professionnelles, comme dans le cas de M. Duong. Il n’a pas caché son affiliation à des organisations affiliées au Parti communiste chinois.

Quel conseil donneriez-vous aux Canadiens d’origine chinoise qui cherchent à poser ces beaux gestes pour leurs concitoyens?

Le sénateur Downe : Je vous remercie.

De toute évidence, la première observation que j’aurais, c’est que je connais de nombreux Canadiens d’ascendance chinoise qui considèrent que le Canada est leur mère patrie, et non la Chine, et dont la loyauté va au Canada, et non à la Chine. C’est ce que nous attendons de tous les citoyens.

Je regrette, sénateur Woo, c’est ce que vous avez dit. Vous avez parlé de la mère patrie. Je l’ai entendu.

Dans l’affaire qui nous occupe, la cour a jugé que l’accusé avait caché ses liens avec le Parti communiste chinois. Il utilisait l’application de messagerie chiffrée WeChat pour communiquer avec lui. Il a été mis sur écoute et ses échanges ont été interceptés.

Je pense que c’est tout à fait différent. Je ne mets aucunement en doute la loyauté des Canadiens d’ascendance chinoise. Cependant, si quelqu’un veut travailler pour un gouvernement étranger, qu’il s’agisse de l’Inde, de la Chine, de la Russie ou de tout autre pays, c’est tout à fait inacceptable pour les Canadiens.

Le sénateur Woo : Sénateur Downe, vous ne savez sans doute pas que les échanges sur l’application WeChat sont, par définition, chiffrés, comme sur WhatsApp, Signal ou Telegram. Ce n’est donc guère pertinent.

Vous n’avez pas répondu à ma question. De nombreux Canadiens d’origine chinoise veulent maintenir de bonnes relations avec la République populaire de Chine et veulent faire de bonnes œuvres ici, au Canada. Ils estiment que c’est leur droit et même leur devoir de suivre le processus politique canadien et de vous rencontrer de temps à autre pour vous parler de ce qu’ils font de bien, peut-être parce que vous êtes une étoile montante au Sénat, je ne sais pas.

Quels conseils leur donneriez-vous? Comment doivent-ils se comporter pour ne pas tomber dans le piège de la stigmatisation, pour ne pas être pris pour cible et dénoncés à tort comme des agents étrangers?

Le sénateur Downe : Pour moi, il est évident que vous êtes loyal au Canada. Voilà qui répond à toutes vos interrogations.

La personne en question, contrairement à ce que vous avez dit lundi dans votre discours... À mon avis, vous avez interprété la situation de façon incorrecte, et c’est pourquoi j’ai voulu vous présenter la décision de la cour ce soir.

Le système judiciaire de l’Australie ressemble beaucoup à celui du Canada. Il y avait un juge, un jury, le doute raisonnable, l’équité et le procès a duré plusieurs semaines — cinq, je crois. Le jury est arrivé à un verdict et le juge a rendu sa décision.

N’importe qui au Canada pourrait vivre la même chose. Une personne ne peut pas être un agent de la Russie ou d’un autre pays, cela doit être interdit. Nous voulons que les gens soient loyaux envers le Canada.

Ce qu’il faut que tout le monde sache au Canada — peu importe vos origines ou celles de vos ancêtres —, c’est qu’il faut d’abord être loyal envers le pays où l’on vit et dont on est citoyen. C’est la chose qui devrait compter le plus pour tout le monde.

Le sénateur Woo : Pourriez-vous donner des précisions? Pour vous, un Canadien d’origine chinoise qui croit en l’importance des bonnes relations avec la République populaire de Chine, qui veut bien faire et qui fait des dons à un hôpital ou à un autre organisme de charité et qui a des contacts avec des politiciens devrait être considéré comme suspect. C’est exactement ce qui s’est passé en Australie. Est-ce bien ce que vous soutenez?

Son Honneur la Présidente : Sénateur Downe, votre temps de parole est écoulé.

Le sénateur Downe : Dans la mesure du possible, j’aimerais avoir cinq minutes de plus.

Son Honneur la Présidente : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?

Des voix : D’accord.

Le sénateur Downe : Ce que vous dites là est faux. Cette situation est très différente. Cette personne a été prise sur écoute électronique en train de travailler pour le compte du Parti communiste chinois, et c’est ce qu’est l’ingérence étrangère. C’est ce que prévoit le projet de loi dont nous sommes saisis et il se fait attendre depuis longtemps au Canada. Enfin, nous l’avons.

Le projet de loi pose des problèmes qui seront abordés dans leur ensemble. Le sénateur Dean, le parrain du projet de loi, a signalé certains des éléments préoccupants. D’autres, comme le sénateur Marty Deacon, ont indiqué que le comité devrait se pencher sur différents éléments et l’étudier davantage à l’automne. Il y a beaucoup de choses qui peuvent être faites pour l’améliorer.

Le principe fondamental doit être le suivant : le gouvernement canadien doit adopter la même position que dans le cas de la personne qui a été condamnée pour avoir servi de façade au Parti communiste chinois et qui a écopé d’une peine d’emprisonnement pour cette raison. Nous devons lutter contre l’ingérence étrangère.

Il y a toutes sortes de Canadiens d’origine chinoise qui travaillent auprès d’organisations chinoises en Chine et qui ne posent aucun problème. Cela peut évidemment se poursuivre. Par contre, travailler pour le compte d’un gouvernement étranger ne doit pas être permis.

L’honorable Hassan Yussuff : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui au sujet, bien sûr, du projet de loi C-70, Loi concernant la lutte contre l’ingérence étrangère.

Nous avons passé les dernières années à observer en temps réel des pays étrangers s’ingérer dans nos élections, menacer des diasporas en sol canadien et cibler nos députés, bien sûr, puis à lire des articles à ce sujet. Nous avons lu des rapports publics détaillant la portée et l’ampleur de cette ingérence continue, ce qui nous a ébranlés et qui nous a rappelé l’importance capitale de protéger la sécurité que nous tenons si souvent pour acquise. Bien qu’imparfait, le projet de loi C-70 constitue un premier pas important pour répondre à ces préoccupations.

À ce stade, vous avez entendu des collègues décrire en détail les diverses dispositions du projet de loi C-70 : les changements importants et nécessaires qu’il apporte à la Loi sur le Service canadien du renseignement de sécurité, à la Loi sur la protection de l’information et au Code criminel, ainsi que l’édiction proposée de la Loi sur la transparence et la responsabilité en matière d’influence étrangère, qui créerait un registre des agents étrangers.

J’ai l’intention d’axer mon intervention sur trois préoccupations qui ont été soulevées au cours de l’étude de ce projet de loi très important au Comité de la sécurité nationale, de la défense et des anciens combattants.

D’abord et avant tout, l’ingérence étrangère dans notre processus national est inacceptable, et il faut s’y attaquer immédiatement, particulièrement dans le contexte d’élections fédérales imminentes. Je reconnais que le projet de loi C-70 est imparfait et qu’il nécessitera une étude continue, mais nous devons l’adopter maintenant pour qu’il puisse être mis en œuvre à temps pour les prochaines élections fédérales.

(2020)

En même temps, nous devons également trouver un équilibre entre les besoins en matière de sécurité et la protection des droits d’expression et d’association garantis par la Charte. Il faut répondre aux préoccupations concernant la vaste portée de certaines définitions du projet de loi C-70 relatives aux manifestations.

Finalement, nous devons aussi veiller à ce que la sécurité nationale et l’intégrité des élections demeurent une question non partisane. Il est impératif que tous les partis et les groupes s’unissent pour créer le meilleur régime de sécurité nationale possible avec les outils dont nous disposons à l’heure actuelle, ce que le projet de loi C-70 accomplit, selon moi. La nécessité de faire des compromis est une caractéristique, et non un défaut, de la démocratie canadienne. Si nous voulons combattre les menaces posées par des pays qui n’ont pas le même égard que nous pour la démocratie, c’est essentiel.

En tant que Canadiens, nous sommes confrontés à une grande variété de menaces à la sécurité : des menaces à l’économie, aux infrastructures, à la recherche, à la cybersécurité, à l’intégrité des processus électoraux et au fonctionnement même du gouvernement.

La première préoccupation que je souhaite soulever est l’urgence derrière l’adoption du projet de loi C-70.

Dans le contexte de menaces d’une telle ampleur, il est important de choisir le bon moment. J’ai entendu le mécontentement de mes collègues qui estiment que l’on aurait pu en faire davantage et qu’on aurait dû agir plus tôt pour lutter contre la menace de l’ingérence étrangère. Je partage bon nombre de leurs frustrations et je l’ai dit publiquement ainsi que lors des audiences du comité.

Peu importe ce qui aurait dû être fait dans le passé, nous devons nous pencher sur les solutions qui s’offrent à nous aujourd’hui. Je crois que le projet de loi C-70 jette les bases de la solution et que nous devons l’adopter avec l’urgence qu’il requiert. Les Canadiens l’exigent, n’en demandons pas plus.

La semaine dernière, le comité a entendu de nombreux témoins de toutes allégeances politiques et de divers secteurs du gouvernement et de la société civile sur la nécessité d’adopter rapidement le projet de loi.

Des militants de Hong Kong Watch et du Comité Canada Tibet, qui s’exposent à des risques considérables rien qu’en témoignant publiquement de la répression transnationale à laquelle ils font face quotidiennement, ont réclamé l’adoption rapide du projet de loi C-70.

Richard Fadden, ancien directeur du Service canadien du renseignement de sécurité et conseiller à la sécurité nationale et au renseignement du premier ministre Harper et du premier ministre Trudeau à une époque, nous a exhortés à faire adopter rapidement le projet de loi et a déclaré lors de sa comparution devant le comité :

Retarder le projet de loi C-70 au point où il ne sera pas en vigueur avant les prochaines élections équivaudrait à faire un cadeau à nos adversaires [...]

Je suis plutôt d’accord avec lui.

Le gouvernement nous a dit que si le projet de loi était adopté maintenant, il s’efforcerait de mettre en œuvre le registre des agents étrangers à temps pour les prochaines élections.

Après la nomination d’un nouveau commissaire à la transparence en matière d’influence étrangère chargé d’administrer la loi, les Canadiens pourront avoir la certitude que les acteurs étrangers malveillants peuvent être et seront tenus pour responsables des violations du droit canadien. Les Canadiens pourront avoir confiance que l’intégrité de nos processus démocratiques sera protégée.

Honorables sénateurs, il est possible d’appuyer l’adoption rapide de ce projet de loi et de reconnaître que sa mise en œuvre nécessitera une surveillance constante. C’est ma deuxième préoccupation.

Notre comité a entendu le témoignage de représentants de l’Association canadienne des libertés civiles, qui nous ont fait part de leurs préoccupations. Ils estiment que le libellé des dispositions sur le sabotage proposées pour le paragraphe 52.1(1) du Code criminel dans le projet de loi C-70 est trop général dans sa forme actuelle et que des précisions seront nécessaires.

Dans sa forme actuelle, la disposition ne concerne que le sabotage d’infrastructures essentielles et, selon l’Association, elle ne prévoit pas un élément d’ingérence étrangère et pourrait s’appliquer à des questions purement domestiques.

Honorables sénateurs, c’est très inquiétant, car nous voulons nous assurer qu’il y a une distinction entre les manifestations légitimes au Canada et l’obstruction malveillante d’acteurs étrangers à l’égard de nos infrastructures essentielles. Le gouvernement a reconnu ces préoccupations et a insisté pour dire que ce projet de loi n’a pas pour but de cibler les manifestants au Canada.

C’est peut-être vrai, mais je m’inquiète de ce que les futurs gouvernements puissent vouloir profiter de ce manque de clarté. Par conséquent, les manifestants légitimes, comme les syndiqués ou les membres des Premières nations — j’ai déjà participé à des manifestations syndicales — pourraient se retrouver dans la mire.

Il est nécessaire de définir clairement ce qui constitue une menace « à la sécurité, à la sûreté ou à la défense du Canada », et ce que le gouvernement considère comme une « infrastructure essentielle ». Je crains que sans cette clarté, cet article du projet de loi n’ouvre la voie à des abus potentiels par les futurs gouvernements, à n’importe quel niveau.

L’Association canadienne des libertés civiles n’est pas la seule que cet article du projet de loi inquiète. Le comité a aussi entendu le témoignage du professeur Michael Kempa, de l’Université d’Ottawa, qui suggère que « si l’on met l’accent sur la nécessité d’une implication ou d’une ingérence étrangères dans la conduite de l’activité, on protégera les manifestations tenues au pays. »

Je suis plutôt d’accord, honorables sénateurs. Je pense que l’article, dans sa forme actuelle, a une portée trop large. Cela dit, je persiste à croire que nous devrions adopter ce projet de loi pour que le registre des agents étrangers ait une bonne chance d’être mis en œuvre avant les prochaines élections fédérales.

Cela signifie-t-il que nous devrions simplement abandonner ces questions? Je suis convaincu qu’au Sénat comme dans les comités, les sénateurs continueront d’étudier la mise en œuvre de ce projet de loi afin de veiller à ce que nos droits fondamentaux soient protégés au même titre que la sécurité nationale.

Honorables sénateurs, ma dernière préoccupation, c’est que l’intégrité des élections et la sécurité nationale devraient être des questions consensuelles et non partisanes.

Notre comité a entendu le témoignage de députés qui sont convaincus que le projet de loi C-70 adopte, à l’égard de la sécurité nationale, une approche solide et équilibrée qui a l’appui de tous les partis à la Chambre.

Le député conservateur Michael Chong et le ministre libéral de la Justice Arif Virani ont tous deux attiré l’attention sur l’appui de tous les partis, une chose rare, dont a bénéficié le projet de loi C-70 à l’autre endroit. Le ministre Virani a dit à notre comité que c’était parce que « [...] tous les partis à la Chambre des communes sentent la nécessité d’aller de l’avant rapidement avec ce projet de loi ». M. Chong lui a fait écho en disant que ce consensus montre bien « à quel point les députés considèrent que les menaces qui pèsent sur la Chambre élue et sur nos élections sont graves ».

Chers collègues, nous devons continuer à travailler sur cette question dans une optique de consensus sur le fond. Bon nombre des pays antidémocratiques qui interfèrent avec notre sécurité nationale n’organisent pas d’élections régulières et ne procèdent donc pas à des changements politiques majeurs tous les quatre ans. Pour lutter efficacement contre l’ingérence étrangère, la meilleure solution est d’adopter une démarche non partisane exigeant des délibérations, un accord mutuel et un certain degré de compromis de la part de toutes les parties.

Honorables sénateurs, en conclusion, comme je l’ai dit et d’autres l’ont dit dans cette enceinte, le projet de loi C-70 a de nombreux points forts et quelques faiblesses. Il n’est pas parfait, mais il constitue une étape importante dans la lutte contre la menace de l’ingérence étrangère au Canada.

Je tiens à remercier le ministre Virani et le ministre LeBlanc de leur témoignage sur cette question devant le Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale, de la défense et des anciens combattants. Je remercie également notre cher collègue le sénateur Dean d’avoir habilement parrainé ce projet de loi et mon cher ami le sénateur Dagenais d’avoir bien dirigé le comité lorsque nous avons entendu les témoins au sujet des répercussions du projet de loi C-70.

Honorables sénateurs, si je peux me permettre de faire une petite digression, je m’appelle Hassan Yussuff. Après le 11 septembre, notre pays — comme beaucoup d’autres dans le monde — a adopté des mesures législatives qui étaient nécessaires en fonction de ce dont nous avions été témoins après cette attaque. La conséquence imprévue de cette loi, c’est que chaque fois que j’allais à l’aéroport, j’étais systématiquement choisi pour un examen plus poussé.

Je peux vous dire que, dans mon ancienne vie, dans ma carrière précédente, je prenais l’avion de 10 à 20 fois par semaine. C’était mon travail. J’ai parcouru le pays pour rencontrer les membres de mon organisme. Je comprenais que la situation découlait de cette loi et qu’il est difficile de surmonter les préjugés. Comment former les gens lorsqu’on adopte une loi qui prévoit qu’on ne devrait pas faire une telle chose si la personne a une certaine apparence? C’est propre au comportement humain, et nous devons en être conscients. Si nous ne le sommes pas, nous ne pouvons pas comprendre la complexité de notre pays et la façon de renforcer l’unité.

Ensuite, Maher Arar ne s’est pas rendu lui-même en Syrie pour y être torturé. Il a été extradé par des responsables de la sécurité canadienne qui l’ont ciblé parce qu’il représentait, selon eux, une menace pour notre sécurité. Il a survécu à cet interrogatoire, puis il a pu rentrer chez lui. Comme vous vous en souvenez peut-être, on a mené une enquête nationale à ce sujet, qui nous a fourni des mises en garde et des directives pour éviter qu’une telle situation se reproduise. Je comprends cela, car pour beaucoup d’entre nous, si nous oublions ce fâcheux incident, c’est comme si nous oubliions notre propre histoire et la nécessité pour nous de mieux faire les choses.

(2030)

Enfin, de nombreuses familles musulmanes n’avaient rien à voir avec les risques pour la sécurité de notre pays, mais ont trouvé le nom de leurs enfants sur une liste de surveillance. Ces enfants n’avaient rien à voir avec le terrorisme, mais on refusait de rayer leurs noms de la liste. Il a fallu beaucoup de temps pour que notre pays prenne enfin la bonne décision, car ce n’est pas nous qui avons créé cette liste.

Bref, il est bien beau d’avoir de bonnes intentions. Toutefois, notre pays est très diversifié, comme le reflète cette assemblée. Nous voulons tous faire ce qui s’impose, c’est-à-dire protéger notre grand et merveilleux pays, mais nous devons aussi être conscients que certaines personnes peuvent parfois être prises pour cible simplement en raison de leur apparence et de leurs propos.

C’est un projet de loi imparfait à certains égards. Cependant, je crois que le Sénat peut faire ce pour quoi il est reconnu, c’est-à-dire continuer de faire son travail en se penchant sur la mise en œuvre du projet de loi et de la réglementation et en faisant témoigner le commissaire au comité pour lui demander comment il compte appliquer la loi. Si nous cernons des lacunes assez tôt, nous ne devrions pas hésiter à agir collectivement, car on ne peut pas assurer la sécurité nationale en divisant le pays.

Pour conclure, honorables collègues, je tiens à remercier les innombrables militants et citoyens ordinaires qui luttent avec courage contre la menace d’ingérence étrangère. Nous avons eu le plaisir d’entendre certains d’entre eux. À mesure que nous poursuivrons notre étude de la question, nous espérons en entendre beaucoup d’autres.

Ce projet de loi vise à répondre à certaines de leurs préoccupations en raison de ce qu’ils vivent au quotidien. Cependant, ce projet de loi est aussi pour l’ensemble des Canadiens et du pays que nous représentons. Nous allons faire ce qui s’impose en adoptant ces mesures, mais je tiens à mettre les choses au clair. Je remercie mon collègue le sénateur Woo de ce qu’il a dit dans cette enceinte, car cela demandait du courage. Nous ne devrions pas porter de jugements trop hâtifs, car des gens l’ont accusé de certaines choses, et je ne crois pas qu’il…

[Français]

L’honorable Marilou McPhedran : Chers collègues, j’aimerais d’abord affirmer que j’appuie le principe et l’objet de ce projet de loi. Il n’y a aucun doute que l’influence étrangère sur nos institutions démocratiques est une menace sérieuse qui doit être prise au sérieux.

[Traduction]

Toutefois, je me réjouis de l’occasion qui m’est donnée de consigner au Parlement mes vives inquiétudes quant à l’application et à la portée de ce projet de loi intitulé « Loi sur la lutte contre l’ingérence étrangère », dont l’étude est expédiée, et aux moyens qu’il donne.

Tout d’abord, aucun argument convaincant n’a été avancé pour justifier un vote précipité sur ce projet de loi alors que nous sommes au beau milieu d’une enquête publique indépendante sur l’ingérence étrangère dans les processus électoraux fédéraux et les institutions démocratiques fédérales, qui est menée par une commissaire indépendante, la juge Marie-Josée Hogue. Elle a accepté la responsabilité de traiter le rapport du Comité des parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement dans le cadre de son enquête en cours et de présenter son rapport d’ici la fin de l’année, ce qui laisse suffisamment de temps pour l’élaboration et l’examen d’un nouveau projet de loi.

Il est profondément paradoxal que si nous, sénateurs, choisissons de ne faire qu’une partie de notre travail comme Chambre de second examen objectif, sans consacrer le temps nécessaire à une étude et à des amendements appropriés, ce sera la société civile qui se chargera de cette tâche, mais avec moins de ressources et beaucoup moins d’autorité que nous n’en avons. Par exemple, aujourd’hui, voyant le Sénat précipiter l’adoption de ce projet de loi en moins de temps qu’il n’en a fallu pour le projet de loi antiterroriste en 2001, dans le sillage du 11 septembre, le Centre pour la liberté d’expression, en collaboration avec la Coalition pour la surveillance internationale des libertés civiles — une coalition de 46 organisations canadiennes — a annoncé son intention de créer un mécanisme de surveillance des risques en matière de droits. La nouvelle loi créée par ce projet de loi doit être surveillée, car sa mise en œuvre aura une incidence sur des droits internationalement protégés et garantis par la Charte, comme la liberté d’expression, la liberté de réunion et la liberté d’association.

Ce projet de loi compromet des libertés civiles qui sont censées être protégées par la Charte canadienne des droits et libertés qui fait partie de la Constitution du Canada, mais le Parlement l’adopte à toute vitesse par opportunisme politique. Ce faisant, nous manquons à notre devoir envers les Canadiens d’étudier rigoureusement et méticuleusement ce projet de loi. C’est pourtant notre rôle principal.

Il convient de noter que nous avons consacré cinq fois moins de temps à l’étude du projet de loi C-70 qu’au projet de loi d’exécution du budget, dont le sénateur Tannas a qualifié aujourd’hui l’adoption accélérée d’« abus de procédure ».

Donc, dans quelle situation nous retrouvons-nous ce soir? Je dispose de peu de temps de parole, mais malheureusement, ma liste de préoccupations est plutôt longue. Cela fait maintenant des années que les signes d’ingérence étrangère m’inquiètent, et je suis l’une des parlementaires pour qui l’ingérence étrangère est réelle et présente. Par exemple, plus tôt cette année, les médias nous ont appris qu’un certain nombre de parlementaires de divers pays avaient été ciblés par APT31, un groupe de pirates informatiques parrainé par l’État chinois, en janvier 2021. Je fais partie des politiciens qui ont été ciblés en raison de mon travail — remarquez bien le caractère vague de ces mots — « en association avec » des groupes pro-démocratie à Hong Kong.

À la suite de ces révélations, j’ai communiqué avec l’équipe de cybersécurité du Sénat, qui a effectué une analyse approfondie. La Direction des services d’information, ou DSI, a confirmé que mon bureau était la cible de logiciels malveillants et d’autres tentatives de piratage. Toutefois, ces incursions ont été rapidement repérées par notre équipe des TI et jugées possiblement malveillantes, mises en quarantaine et supprimées de notre système sans que cela compromette nos réseaux internes. Je félicite l’équipe de cybersécurité du Sénat pour sa vigilance et sa réaction rapide.

Je reste toutefois grandement préoccupée par le fait que je n’ai pas été informée du fait que, comme d’autres parlementaires, j’étais la cible de tentatives de piratage avec l’aide d’un État étranger. Mon expérience en tant que cible ne réduit pas ma crainte que le projet de loi C-70 soit nuisible pour des Canadiens innocents, car il est inutilement vague, il contient probablement des imprécisions inconstitutionnelles et il ratisse trop large.

L’article 53 érigerait en infraction plusieurs gestes posés — encore ces mots — « en collaboration avec » des entités étrangères et qui porteraient préjudice aux intérêts du Canada. À mes yeux, ce libellé n’établit pas une distinction suffisante entre une activité criminelle et une innocente activité bien intentionnée de coopération ou de communication avec des partenaires étrangers. Permettez-moi de vous rappeler ce que la Cour suprême du Canada a déclaré au sujet de la théorie de l’imprécision :

L’une des exigences fondamentales de la primauté du droit veut qu’une personne puisse savoir qu’un acte est criminel avant de l’accomplir.

Cet extrait provient de l’affaire R. c. Mabior, en 2012.

L’année suivante, la Cour suprême a rendu cette décision dans l’affaire R. c. Levkovic :

[…] Il ne suffit pas que les lois servent de guide aux juristes : elles doivent, tel qu’elles sont interprétées par les tribunaux, être suffisamment intelligibles pour indiquer aux citoyens ordinaires comment se comporter à l’intérieur de limites légales […]

(2040)

En outre, je crois que la portée des activités que ce projet de loi rendrait illégales est nettement disproportionnée par rapport à ses objectifs. Contrairement aux mesures législatives antiterroristes comparables, celle-ci établit de nouveaux crimes sans qu’il y ait forcément intention d’appuyer d’autres activités illégales. Le projet de loi C-70 n’exige que la connaissance d’un risque qu’il soit porté atteinte aux intérêts du Canada, un terme qui n’est pas défini et qui est trop large.

La création de ces nouveaux crimes en plus du registre proposé des agents d’influence étrangers aura une incidence sur la liberté d’expression et la liberté d’association des universitaires, des membres de la société civile, des radiodiffuseurs et des chefs d’entreprise, qui pourraient s’apercevoir bientôt que leur travail de recherche, de défense des intérêts ou de journalisme ou leurs activités commerciales sont jugés illégaux une fois que les dispositions de ce projet de loi auront force de loi.

Il est très probable que le registre proposé portera également atteinte au droit à la vie privée. Les intervenants de bonne foi qui s’inscrivent au registre courent le risque d’être pris pour cible pour des motifs discriminatoires ou de voir leurs données personnelles divulguées en représailles à la suite de prises de position politiques. La définition et la protection des renseignements recueillis et publiés dans le cadre du registre mis en place dans ce projet de loi sont laissées à la réglementation, et nous n’aurons donc aucune connaissance de ces détails au moment du vote qui nous attend.

Honorables collègues, compte tenu des protections constitutionnelles concernées par ce projet de loi et de l’importance des institutions démocratiques qu’il entend protéger, le projet de loi C-70 devrait faire l’objet d’un examen approfondi, un processus qui ne peut pas être précipité en moins de deux semaines. Il est clair que c’est avec le mors aux dents que cette mesure fonce vers une majorité de votes favorables.

En tant que Chambre de second examen objectif, nous avons le devoir d’examiner minutieusement une mesure législative aussi importante. Nous devrions veiller à ce que les moyens mis en œuvre permettent bel et bien d’atteindre les objectifs du projet de loi en tenant compte de l’évolution des règlements. Nous devrions examiner de près si tout compromis sur les libertés fondamentales est nécessaire, rationnel, minimal et proportionnel.

Plus tôt dans le débat, le sénateur MacDonald a affirmé que la sécurité nationale n’est pas une question partisane, et je suis d’accord avec lui. J’ajouterais que la protection des droits et libertés constitutionnels n’est pas non plus une question partisane. En outre, les deux ne sont pas incompatibles. Permettez-moi de vous rappeler les protections constitutionnelles suprêmes suivantes : la protection de la vie privée, la liberté de la presse, la liberté de réunion pacifique, la liberté d’expression et la liberté d’association.

Ce à quoi nous sommes actuellement confrontés en tant que parlementaires est un exemple typique de la « stratégie du choc », un concept défini par Naomi Klein dans son livre prémonitoire du même nom qui documente l’exploitation des crises ou des bouleversements nationaux pour adopter des lois et des mesures qui peuvent être utilisées pour miner les droits et les libertés pendant que les citoyens sont trop distraits — par une crise financière, par exemple — pour intervenir, développer une réponse adéquate et résister efficacement. J’ajouterais qu’en tant que sénateurs chargés d’examiner attentivement les projets de loi qui nous sont envoyés par l’autre Chambre, peu importe quand ils nous sont envoyés, nous avons besoin de temps pour fournir une réponse adéquate et efficace, et les parlementaires ont le devoir de ne pas laisser leur attention se détourner de l’examen des projets de loi susceptibles d’être utilisés pour porter atteinte aux droits et aux libertés.

Les parlementaires ne devraient pas se laisser distraire lorsque les modifications apportées aux lois sur le sabotage, notamment les amendements adoptés par la Chambre des communes en vue d’étendre la protection des infrastructures toujours en construction, menacent le droit de manifester, y compris les droits des défenseurs des terres autochtones et de leurs alliés. Je suis d’accord avec les représentants de la société civile, qui craignent que les exceptions de protection prévues dans le projet de loi pour les manifestations n’aillent pas assez loin et puissent encore être utilisées pour étouffer des actes légitimes de désobéissance civile ou de dissidence.

Je crois que nous voyons ici ce que Naomi Klein a observé dans plusieurs pays qu’elle a étudiés, à savoir que la démocratie et les droits de la personne sont souvent bafoués sous le couvert de mesures d’urgence.

En conclusion, bien que j’appuie l’intention de ce projet de loi sur le plan politique, et que je crois que nous avons besoin de nouvelles dispositions législatives pour lutter efficacement contre l’ingérence étrangère, je crois aussi que les risques liés à ce projet de loi devraient être entendus comme un appel à mener une étude plus approfondie, comme nous le faisons habituellement avec de grands projets de loi — sauf, peut-être, quand nous entendons l’appel des sirènes de l’ajournement estival.

Comme il est évident que ce projet de loi nécessite un examen plus en détail, je recommande fortement que la prochaine étape soit de renvoyer ces questions au comité sénatorial aux fins d’une étude plus rigoureuse de ce projet de loi très lourd de conséquences.

Merci. Meegwetch.

L’honorable Andrew Cardozo : Honorables sénateurs, j’aimerais formuler quelques commentaires.

Tout d’abord, je tiens à préciser que je crois qu’il s’agit d’un projet de loi important. Je pense que le moment choisi est vraiment important parce que le Canada et de nombreux pays dans le monde font face à une menace réelle et croissante d’ingérence, qui est plus grave et plus dangereuse qu’elle ne l’a jamais été — en partie parce que nous vivons dans un monde plus dangereux et en partie à cause de tout ce qui peut être fait par l’intermédiaire de l’Internet.

Je veux parler de la loyauté et de la mère patrie, des questions qui ont été soulevées il y a quelques minutes. Il ne faut pas seulement s’attarder à la façon dont nous en avons discuté ici, mais aussi à la façon dont nous pensons à ces termes dans la société.

Nous vivons dans un pays qui compte environ 95 % d’immigrants et de descendants d’immigrants. À l’heure actuelle, la population est composée d’environ 30 % d’immigrants. J’en suis. Les critères de loyauté ne sont pas faciles à définir et ne devraient pas être appliqués de façon draconienne pour déterminer qui est loyal et qui ne l’est pas.

Je tiens à faire une distinction entre les enjeux sur lesquels portent mes commentaires et les questions de sabotage ou d’actes contre l’État. Il ne fait aucun doute que nous ne devrions pas tolérer les actes de sabotage contre l’État canadien ou la population canadienne. Je parle de la façon dont nous conversons entre nous et dont nous nous considérons les uns les autres.

Comme immigrants, les gens développent un sentiment de loyauté au fil du temps. Ce sentiment est déterminé par un ensemble complexe de questions, en commençant par le moment de leur arrivée, les raisons de leur venue, les raisons pour lesquelles ils ont quitté leur pays d’origine, s’ils y ont encore de la famille, s’ils faisaient partie de la majorité, s’ils ont été chassés de leur pays et s’ils sont des réfugiés. Toutes ces questions détermineront tout ce qu’ils éprouvent à l’égard de leur pays d’origine. Ils pourraient venir d’un autre pays, mais n’avoir jamais été considérés comme en faisant partie, alors ils pourraient ne pas considérer ce pays comme leur mère patrie. Ils pourraient considérer le Canada comme la mère patrie qu’ils ont cherchée toute leur vie.

Par contre, ces choses changent avec le temps et avec l’âge. À un certain âge, une personne peut être plus intéressée par l’école, les filles, les garçons et toutes sortes de choses. À une autre époque, elle porte davantage attention à la politique et à la nature du pays d’où elle vient.

Aussi, cela dépend de ce qui se passe dans leur pays d’origine. Peut-être qu’une personne d’origine ukrainienne se sentait déjà fière de son pays d’origine il y a cinq ans, mais qu’elle ressent encore plus fortement son attachement à l’Ukraine maintenant que sa terre natale, sa mère patrie, est menacée. Elle se sent maintenant plus ukrainienne que jamais. Est-ce à dire qu’elle manque soudain de loyauté envers le Canada? Non. Nous vivons dans un pays diversifié, et nous pouvons être loyaux envers plus d’un pays.

On parle souvent des gens originaires de Chine ou de Russie, mais prenons un instant pour penser à une personne d’origine française, par exemple un homme qui a déjà été chef du Parti libéral et qui avait la double nationalité canadienne et française. Était-il déloyal? Certains le pensaient, mais je ne suis pas de cet avis. C’est la nature de la double citoyenneté.

Andrew Scheer a aussi la double citoyenneté. Je ne pense pas qu’il soit moins loyal pour autant.

(2050)

Dans notre société libre et démocratique, nous avons ces différents concepts où nous essayons de nous assurer de la loyauté des gens — et, encore une fois, je ne veux pointer personne du doigt et il ne s’agit pas simplement du débat de ce soir —, mais alors que nous allons de l’avant avec cette mesure législative et qu’il est question d’ingérence étrangère, il faut comprendre qu’il y a parmi nous des gens qui ressentent divers degrés de loyauté envers le Canada. C’est un peu comme l’amour. Il grandit, et parfois on est plus amoureux, parfois on l’est moins, et l’amour change avec le temps, en fonction d’un grand nombre de facteurs. Je ne m’aventurerai pas plus loin dans cette voie.

Je vais conclure en disant ceci : nous vivons dans une société complexe. Nous vivons dans un monde qui devient de plus en plus complexe et nous avons un projet de loi complexe, qui traite d’un grand nombre d’éléments différents, comme les mesures législatives de ce genre doivent le faire.

Dans l’ensemble, le projet de loi établit un juste équilibre, et c’est pourquoi je l’appuie fièrement. Merci.

L’honorable Leo Housakos : Honorables collègues, j’exprime mon point de vue sur l’ingérence étrangère depuis très longtemps, à la fois dans cette enceinte et ailleurs, et je suis heureux que le gouvernement et tous les collègues aient décidé, au cours des deux dernières semaines, de s’attaquer à cette crise existentielle à laquelle nous sommes confrontés.

Contrairement au sénateur Cardozo, je ne pense pas qu’il s’agisse d’une question très compliquée. Il s’agit d’une question très simple. Malheureusement, divers éléments, pour diverses raisons, viennent compliquer une question très simple.

Je ne suis pas non plus d’accord avec ma bonne amie la sénatrice McPhedran lorsqu’elle dit que nous adoptons ce projet de loi à toute vapeur pour des raisons d’opportunisme politique. Nous le faisons parce que, ce qui est en jeu, c’est la crédibilité de notre processus électoral et la réputation de notre démocratie, qui a été ternie par l’ingérence étrangère au cours des deux dernières élections, au minimum, d’après des rapports tangibles — le premier rapport de l’enquête publique, un rapport du Comité des parlementaires sur la sécurité nationale et les renseignements, qui remonte à 2018, dans lequel nos collègues tiraient la sonnette d’alarme, ainsi que, bien sûr, des rapports qui remontent à 2013 et qui mettaient en évidence l’ingérence étrangère dans notre démocratie et notre Parlement.

Je peux facilement dire que c’est probablement par opportunisme politique que nous avons mis tant de temps à nous attaquer à cette crise existentielle, car je conviens que nous aurions dû en débattre et en discuter de manière approfondie dans divers comités, en particulier au Sénat. Le Sénat peut apporter une contribution spéciale en dépolitisant ce type de questions, en prenant du recul, et en prenant le temps, en collaboration avec nos organismes de sécurité nationale, avec nos alliés du Groupe des cinq, avec les membres du Comité des parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement qui ont une expérience particulière, de déterminer, tout d’abord, ce qui ne va pas dans la structure que nous avons mise en place pour assurer la sécurité nationale et contrer l’ingérence étrangère. Malheureusement, depuis de nombreuses années — et ce n’est pas uniquement la faute du gouvernement présent, mais de nombreux gouvernements —, tous les chemins mènent au Cabinet du premier ministre lorsqu’il s’agit de sécurité nationale. Cela ouvre la porte, bien sûr, à de la partisanerie, plus particulièrement en ce qui concerne l’ingérence dans le processus électoral.

Je ne suis pas en train de dire que j’ai la solution miracle, et je ne pense pas que ce projet de loi soit la solution au problème non plus. C’est un pas de géant, car il met en garde divers acteurs malveillants dans le monde entier qui pensent que le Canada est très perméable, et il l’a été par le passé. Dans son rapport préliminaire de l’enquête publique, la juge Hogue a été très claire. Nous n’avons pas besoin d’attendre jusqu’à la fin de l’année pour lire le reste du rapport. Ce qui ressort du rapport préliminaire est inquiétant.

Quand on entend parler des fuites dont ont fait l’objet les rapports du Comité des parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement qui ont été fournis au premier ministre, c’est aussi inquiétant. Cela soulève des questions par rapport à cette institution, à la Chambre basse et à notre processus électoral.

Maintenant, le gouvernement est dans l’embarras et s’empresse de faire adopter un projet de loi qui, espérons-le, deviendra loi d’ici 12 à 14 mois, avant les prochaines élections, pour donner à Élections Canada, à la GRC et aux partis politiques la marge de manœuvre nécessaire pour que notre processus démocratique résiste à l’épreuve du temps.

Comme vous le savez tous, je suis plutôt partisan et je m’implique au sein d’organisations politiques, et je peux vous dire qu’il ne fait aucun doute qu’il y a de l’ingérence étrangère dans nos élections. Nous y faisons face au sein de nos partis. Aucun parti n’est épargné. Dieu merci, je ne crois pas que cela ait eu suffisamment d’incidence pour changer les résultats globaux des deux dernières élections. Toutefois, nous devons prendre les mesures qui s’imposent pour protéger les futures élections, car les répercussions risquent d’être plus grandes dans l’avenir.

Quel que soit le parti politique qui remporte les élections, ce qui distingue notre démocratie, c’est que les parlementaires, qu’ils soient libéraux ou conservateurs, tiennent des débats robustes et vigoureux, voire bien souvent houleux, sur des politiques de gauche ou de droite, mais la beauté, c’est que la population se prononce tous les deux, trois ou quatre ans, et que nous respectons tous sa décision. Nous retournons chez nous, prenons une bière, mangeons un repas et nous nous remettons au travail la semaine suivante. C’est la beauté de la démocratie.

Nous ne mettons pas nos adversaires en prison. Nous ne prenons pas nos adversaires pour les exécuter en public. Nous ne sommes pas dogmatiques dans nos opinions politiques au point de jeter les gens du haut des toits et de les assassiner lorsque nous ne sommes pas d’accord avec eux. C’est ce qui se passe en divers endroits du monde. Il existe de nombreux régimes infâmes dans le monde qui n’accordent pas à leurs citoyens les mêmes privilèges et les mêmes droits que ceux dont nous jouissons au Canada.

Nous tenons parfois ces droits et privilèges pour acquis. Tous ceux d’entre nous qui suivent un peu les affaires internationales devraient reconnaître que, au cours des deux dernières décennies, la démocratie a reculé. Si vous regardez ce que disent des organisations comme Democracy Watch — je sais, sénatrice McPhedran, que vous êtes très active dans le domaine des affaires internationales —, la démocratie est plus faible aujourd’hui qu’elle ne l’était il y a 25 ans. Elle est plus faible aujourd’hui qu’il y a 15 ans. Nous devons êtres vigilants parce que, nous l’avons vu à travers l’histoire, la plupart des démocraties ne sont pas attaquées et vaincues de l’extérieur. Elles s’étiolent de l’intérieur.

Les véritables forces du mal et les ennemis tentent d’infiltrer les démocraties occidentales qui nous ont offert, ainsi qu’à des milliards de personnes dans le monde, la meilleure qualité de vie, et le Canada en est un exemple. Là où je suis d’accord avec le sénateur Cardozo, c’est que cela a fait du Canada un pôle d’attraction pour des gens du monde entier.

On n’a qu’à balayer du regard cette enceinte. Je ne pense pas qu’il existe une assemblée parlementaire démocratique aussi diversifiée que le Sénat et qui représente aussi bien notre pays exceptionnel. Comment avons-nous réussi cela? C’est grâce à une chose sur laquelle nous nous entendons tous. Certains sénateurs pourraient être en désaccord à propos de l’indépendance de leurs collègues. D’autres pourraient penser que je ne suis pas assez indépendant, et ainsi de suite. Toutefois, nous nous entendons sur le fait que notre liberté, notre démocratie, nos droits fondamentaux et la primauté du droit ne sont pas négociables.

Une voix : Bravo!

Le sénateur Housakos : Ce n’est pas une notion complexe. Nous comprenons tous ce que ces valeurs signifient. Je crois, sénateur Downe, que ces valeurs sont encore plus importantes que la loyauté envers le Canada. La loyauté à l’égard de ces valeurs est ce qui nous distingue en tant que Canadiens. En réalité, la démocratie est blessée. On exploite ses points faibles pour l’attaquer. C’est pourquoi nous sommes dans une course contre la montre pour adopter des dispositions donnant aux forces de l’ordre et aux organismes concernés de notre pays les moyens dont ils auront besoin au cours des 12 prochains mois pour commencer à éliminer ces types d’infiltration et d’attaques.

Je crois qu’il s’agit d’un premier pas dans la bonne direction. La sécurité nationale est un processus compliqué. Nous devrons faire appel à la Gendarmerie royale du Canada et aux autres services de police d’un bout à l’autre de notre pays ainsi qu’à divers autres organismes.

Encore une fois, si vous balayez du regard cette enceinte, vous voyez notre démocratie, notre histoire, notre Charte, vous voyez nos origines. Dans cette enceinte, tous attachent la plus grande importance aux droits civils.

Mes parents étaient des immigrés. Ils sont venus s’établir dans ce pays — comme tous vos parents ou comme beaucoup d’entre vous —, et la chose la plus importante pour eux, c’était leur liberté et leur capacité à quitter un pays où leur liberté était menacée. Si vous regardez l’histoire, vous verrez que toutes les dictatures du monde exploitent la peur et l’intimidation, qu’il s’agisse des nazis, de Mussolini, de Salazar ou de la dictature dans le pays d’origine de mes parents au début des années 1970, en Grèce. Il n’y a pas de limites qu’elles ne sont pas prêtes à franchir. Savez-vous ce qu’elles ont toutes en commun? Lorsqu’elles étaient au pouvoir, les citoyens de leur pays leur obéissaient aveuglément, mais pas par loyauté. C’est la peur qui les a poussés à le faire. C’est la réalité.

(2100)

Aujourd’hui, il y a des régimes de la sorte partout dans le monde, notamment à Pékin, en Iran, en Russie et à Cuba. Il ne faut pas se leurrer : ces régimes emprisonnent les gens qui ne suivent pas la ligne du parti. Ils tuent les personnes qui s’écartent de la ligne de conduite imposée. Ils n’ont pas de vifs débats. Les prises de parole que nous tolérons au Sénat, dans notre institution, où quelqu’un peut même défendre ce genre de régimes, sont impossibles là-bas.

Les personnes LGBTQ jouissent dans notre pays de droits qui n’existent pas dans des endroits comme l’Iran. Cela dit, ces pays s’intéressent à nous. Ils investissent dans nos institutions, nos universités et diverses associations. Ils versent de l’argent à des groupes religieux. Il faut être naïf pour penser qu’ils le font pour renforcer notre démocratie, pour l’améliorer.

Nous sommes-nous déjà trompés sur la nature de ces régimes? Divers gouvernements ont fait fausse route pendant de nombreuses années. Les premiers ministres Chrétien et Harper se sont rendus à Pékin. Ils étaient convaincus que, si nous établissions de meilleures relations économiques et commerciales avec la Chine, nos deux pays jouiraient d’un meilleur niveau de vie. Nous coopérerions les uns avec les autres et, en temps et lieu, le régime chinois finirait bien par changer son comportement. Il se rendrait compte que la liberté et la démocratie sont précieuses. Au lieu de cela, les relations de ce régime avec nous lui ont permis de s’enhardir parce qu’il s’est enrichi sur nos marchés. Il poursuit ses belles pratiques dictatoriales. Il est maintenant tellement sûr de lui qu’il pense pouvoir exercer ses activités dans notre pays parce qu’il dispose de l’argent et des relations commerciales nécessaires pour le faire.

Le sénateur MacDonald : En toute impunité.

Le sénateur Housakos : Et l’impunité.

Plus que jamais, nous devons prendre des mesures pour protéger notre démocratie à tout prix. Je le répète, j’appuie ce projet de loi.

Chers collègues, je pense que nous ne pouvons pas rater l’occasion de mettre en œuvre le plus rapidement possible les changements prévus dans ce projet de loi, mais je tiens également à dire ceci : j’espère que l’enthousiasme à l’égard de cette question importante qui s’est manifesté au cours des derniers jours sera toujours présent à notre retour, après la pause estivale. J’espère que nos comités utiliseront les divers outils à leur disposition de façon non partisane et objective afin de renforcer notre capacité à garantir la sécurité nationale et à protéger notre démocratie et notre liberté parce qu’elles le méritent. C’est notre principal héritage, à nous, les Canadiens, et nous avons l’obligation de le transmettre à nos enfants.

Je veux que vous me compreniez bien. Si je fais une telle chose, à l’instar, je crois, du gouvernement et tous les partis politiques de l’autre endroit, ce n’est pas pour favoriser la loyauté envers le Canada. Nous avons une responsabilité envers tous les Canadiens. Les Canadiens d’origine chinoise se font actuellement intimider par un régime étranger parce qu’il en a la capacité. Il faut y mettre un terme. Les Canadiens d’origine persane ont des membres de leur famille qui se font intimider à Téhéran. On utilise ces Canadiens et les membres de leur famille à Téhéran comme des otages. Il faut y mettre un terme. Les Canadiens d’origine cubaine luttent pour la liberté et célèbrent la liberté dont ils jouissent ici, et des agents cubains les intimident. Il faut y mettre un terme.

Le projet de loi ne porte pas sur la loyauté des Canadiens. Il porte sur les Canadiens de diverses diasporas qui méritent de vivre au Canada en toute liberté, en toute sécurité et dans la dignité. Merci, chers collègues.

L’honorable Rebecca Patterson : L’honorable sénateur Housakos accepterait-il de répondre à une brève question?

Le sénateur Housakos : Oui.

La sénatrice Patterson : Merci beaucoup. On dit souvent qu’il n’y a rien d’aussi fort et d’aussi fragile que la démocratie, car c’est la volonté du peuple qui la maintient. Diriez-vous que ce que nous voyons actuellement dans cette enceinte est une chose que nous devons toujours nous efforcer de protéger? Il ne s’agit pas d’un processus unique. Il s’agit d’un processus évolutif que nous devons suivre. Nous devons protéger ces droits et privilèges dont nous ne cessons de parler. En tant que citoyens, nous avons l’obligation de continuer à protéger la démocratie. Nous devons prendre des décisions difficiles. Est-ce ce que le projet de loi tente d’accomplir, et devons-nous rester vigilants?

Le sénateur Housakos : Je suis entièrement d’accord avec vous. Je pense qu’il s’agit d’un énorme pas en avant, car, comme je l’ai dit, c’est un avertissement que nous lançons. Nous rattrapons lentement les mesures prises par d’autres grandes démocraties, par nos alliés proches, mais il s’agit d’un travail en constante évolution. Nous devons nous asseoir avec tous les partis politiques. Nous devons discuter tous ensemble de notre manière de mener nos courses à la direction et de notre manière de choisir nos candidats.

Nous devons discuter avec Élections Canada pour savoir de quels outils cet organisme a besoin pour mieux servir notre processus démocratique.

Nous devons discuter avec les représentants de nos services de renseignement comme le SCRS. Nos services de police provinciaux se plaignent depuis des années des échanges d’information insuffisant entre nos forces de sécurité.

Il doit aussi y avoir une volonté politique de s’attaquer à ce problème tout en étant parfaitement conscients qu’il ne faut pas non plus aller trop loin. Je sais qu’il ne faut pas piétiner la liberté et la démocratie en cherchant à les protéger. Il existe toutefois des moyens de parvenir à nos fins. Nous y arrivons depuis plus de 160 ans. C’est maintenant un peu plus difficile, mais nous devons relever ce défi.

Son Honneur la Présidente : Les sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : Le vote!

Son Honneur la Présidente : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

Une voix : Avec dissidence.

(La motion est adoptée et le projet de loi, lu pour la troisième fois, est adopté, avec dissidence.)

Projet de loi de crédits no 2 pour 2024-2025

Deuxième lecture

L’honorable Patti LaBoucane-Benson (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat) propose que le projet de loi C-74, Loi portant octroi à Sa Majesté de crédits pour l’administration publique fédérale pendant l’exercice se terminant le 31 mars 2025, soit lu pour la deuxième fois.

 — Honorables sénateurs, avant de commencer, je tiens à dire à toutes les personnes bispirituelles, gaies, lesbiennes, de genre fluide ou trans du Canada, ainsi qu’à toutes les drag queens sur YouTube qui m’ont appris comment mettre du fond de teint ou qui ont fait du surjeu en direct, que je vous vois, que je vous aime et que je suis avec vous. Bonne célébration de la fierté!

Elles sont très douées avec le fond de teint. Je recommande vivement leurs vidéos.

Honorables sénateurs, je prends la parole brièvement à titre de marraine du projet de loi C-74, Loi de crédits no 2 pour 2024-2025. Avec ce projet de loi, le gouvernement achève sa demande d’approbation par le Parlement des dépenses prévues dans le Budget principal des dépenses pour l’exercice en cours.

Les sénateurs se rappelleront qu’en mars, nous avons approuvé pour 74 milliards de dollars de crédits provisoires. Comme d’habitude, au moyen de cette mesure, le Parlement a octroyé aux ministères et aux agences fédéraux les ressources dont ils avaient besoin pour entamer l’exercice financier, tout en nous donnant le temps d’étudier le budget des dépenses dans son intégralité. Voilà à quoi le Comité sénatorial des finances a consacré une bonne partie du printemps, et je le remercie vivement de son travail.

Le gouvernement demande maintenant au Sénat d’approuver le reste du Budget principal des dépenses de 2024-2025. Par égard pour les personnes qui nous regardent à la maison même s’il est 21 heures et pour quiconque a besoin qu’on lui rafraîchisse la mémoire à propos du processus des crédits, je rappelle que le budget constitue la feuille de route économique du gouvernement. C’est un document important, certes, mais ce n’est qu’un recueil d’intentions. En soi, il n’autorise rien du tout. Le gouvernement doit donc soumettre une estimation des dépenses qu’il projette à l’approbation du Parlement sous la forme de divers projets de loi de crédits, comme celui dont nous sommes saisis.

On prépare habituellement le Budget principal des dépenses — ce sur quoi porte le projet de loi C-74 — avant la présentation du budget en tant que tel. Par conséquent, il exclut généralement les nouveaux éléments annoncés dans le budget, qui figureront plutôt dans l’un des budgets supplémentaires des dépenses, de même que toute autre dépense qui n’avait pas pu être budgétisée à temps pour le Budget principal des dépenses ou dont, pour une raison quelconque, le montant doit être révisé. Nous étudierons d’ailleurs incessamment le premier train de mesures budgétaires supplémentaires du présent exercice : le projet de loi C-75.

Pour l’instant, j’en viens au contenu du projet de loi C-74, c’est‑à-dire le Budget principal des dépenses de 2024-2025. Celui‑ci prévoit des dépenses budgétaires totales de 449,2 milliards de dollars. Cette somme est composée en grande partie de dépenses législatives, donc de dépenses qui ont déjà été approuvées dans des lois antérieures, dont 81,1 milliards de dollars pour les prestations aux aînés, 52,1 milliards de dollars pour le Transfert canadien en matière de santé, 46,5 milliards de dollars pour les frais de la dette publique, 25,3 milliards de dollars pour la péréquation, 16,9 milliards de dollars pour le Transfert social canadien et 11,4 milliards de dollars pour la Remise canadienne sur le carbone. Outre les dépenses législatives, il y a les dépenses votées : ce sont les dépenses votées qui requièrent notre approbation. Elles s’élèvent à 191,6 milliards de dollars.

Comme je l’ai mentionné, nous avons déjà approuvé 74 milliards de dollars en mars, ce qui constituait une sorte d’avance. Par conséquent, le projet de loi C-74 porte sur les 117,6 milliards de dollars de dépenses qu’il reste à approuver.

(2110)

Parmi les plus importantes dépenses budgétaires votées dans le Budget principal des dépenses, il y a 28,8 milliards de dollars pour le ministère de la Défense nationale, notamment pour du soutien à l’Ukraine, pour l’opération Reassurance renouvelée et bonifiée, c’est-à-dire la mission de l’OTAN que les Forces armées canadiennes mènent en Lettonie, et, enfin, pour le Projet d’aéronef multimissions canadien, un projet d’acquisition de nouveaux avions à long rayon d’action pour les forces armées. Il y a 20,9 milliards de dollars pour Services aux Autochtones Canada, notamment pour les règlements judiciaires, ainsi que des programmes pour les communautés autochtones, comme le travail en cours pour améliorer et stabiliser l’accès à l’eau potable, et la réforme du programme des Services à l’enfance et à la famille des Premières Nations. Il y a 8,4 milliards de dollars pour Santé Canada, notamment pour répondre aux priorités, y compris les accords bilatéraux avec les provinces et les territoires, l’amélioration des soins de longue durée, et l’élargissement du Régime canadien de soins dentaires, qui, au bout du compte, devrait aider environ 9 millions de Canadiens. Il y a 5,6 milliards de dollars pour la Société canadienne d’hypothèques et de logement, notamment pour la construction de nouveaux logements abordables, la rénovation de logements abordables existants et le renforcement des capacités dans le secteur du logement communautaire.

Ce ne sont là que quelques exemples. Ensemble, ces investissements proposés dans le Budget principal des dépenses permettront au gouvernement de fournir toute une gamme de programmes et de services aux Canadiens et d’aider d’autres pouvoirs publics, des organismes et des particuliers au moyen de paiements de transfert.

De plus amples renseignements au sujet de ce que chaque ministère et organisme entend faire avec l’argent se trouvent dans les plans ministériels, qui ont été déposés le même jour que le Budget principal des dépenses et qui sont accessibles sur le site Web du Conseil du Trésor.

Les plans ministériels donnent un aperçu triennal du mandat, des engagements et des priorités d’une organisation. Ils servent de référence pour le suivi et la présentation des résultats en fin d’exercice dans le cadre des rapports sur les résultats ministériels, et ils permettent aux parlementaires et aux Canadiens de suivre les progrès réalisés par le gouvernement et de lui demander des comptes.

Le Budget principal des dépenses et les plans ministériels comprennent également des informations sur l’initiative « Recentrer les dépenses gouvernementales », qui a été annoncée pour la première fois dans le budget de 2023. Dans le cadre de cette initiative, les ministres ont été chargés de soumettre des propositions visant à réduire les doubles emplois, à obtenir un meilleur rapport qualité-prix et à mieux aligner les dépenses sur les priorités du gouvernement. Cet exercice a permis de réorienter 10,5 milliards de dollars des budgets ministériels pour les trois prochains exercices vers des priorités telles que la santé et le logement. Cette somme s’ajoute aux 500 millions de dollars annoncés dans le Budget supplémentaire des dépenses (B) de 2023-2024 déposé l’automne dernier. Le gouvernement est donc sur la bonne voie pour atteindre son objectif de recentrage de 15,8 milliards de dollars sur cinq ans et de 4,8 milliards de dollars chaque année par la suite.

En bref, ce projet de loi de crédits et le Budget principal des dépenses donnent un aperçu important de la façon dont les fonds publics seront utilisés. Ils montrent que le gouvernement répond aux besoins immédiats et qu’il fait des investissements qui profiteront aux Canadiens à long terme. En même temps, le Budget principal des dépenses montre de quelle manière le gouvernement renforce la prudence et la responsabilité financières.

Je prie tous les sénateurs d’appuyer le projet de loi C-74. Merci. Hiy hiy.

L’honorable Denise Batters : Sénatrice LaBoucane-Benson, vous avez parlé brièvement d’un montant de 10,5 milliards de dollars sur les trois prochaines années et vous avez dit qu’il était « recentré ». Habituellement, le gouvernement parle d’économies pour les contribuables. On parle ici de recentrage. Pouvez-vous nous donner quelques exemples? Puisqu’il s’agit de 10,5 milliards de dollars, je suis curieuse de savoir ce que cela représente réellement et si vous pouvez nous donner quelques exemples des principaux éléments de cette initiative.

La sénatrice LaBoucane-Benson : Volontiers. L’initiative Recentrer les dépenses gouvernementales ne consiste pas à supprimer des services ou des programmes sur lesquels comptent les Canadiens. Il s’agit d’appliquer un processus systématique et minutieux pour voir à ce que les fonds publics soient concentrés sur de grandes priorités comme les soins de santé, le logement et la création d’une économie propre au Canada. L’objectif de cet exercice est de trouver des domaines où il y a des chevauchements, une faible optimisation des ressources ou de meilleures façons d’aligner les dépenses publiques sur les priorités, par exemple en réduisant les dépenses liées aux services professionnels, aux déplacements et aux activités.

Je peux d’ores et déjà vous donner un exemple. Pour respecter cet engagement, le ministère des Pêches et des Océans et la Garde côtière canadienne prévoient les réductions des dépenses suivantes : 85,4 millions de dollars en 2024-2025, 105 millions de dollars en 2025-2026, et 135,3 millions de dollars en 2026-2027 et par la suite.

Le ministère des Pêches et des Océans réalisera ces réductions en prenant les mesures suivantes : réduire les déplacements et les services professionnels grâce à une planification efficace et à l’utilisation du modèle de travail hybride; tirer parti des gains d’efficacité dans la gestion interne et les fonctions d’habilitation, y compris l’utilisation de la technologie virtuelle, de la transformation numérique et de la rationalisation des activités de gestion des biens immobiliers et de la flotte de véhicules. C’est un bon exemple de la manière dont on procède.

La sénatrice Batters : En faisant un calcul rapide, j’arrive à moins de 300 millions de dollars sur les 10,5 milliards de dollars. Dois-je comprendre qu’il y a des exemples semblables au sein de tous ces ministères? Quelles sont les étapes principales visant à recentrer les dépenses si, comme vous le disiez, il ne s’agit pas de faire des économies ni de réduire les services, par exemple? Quelles sont les principales étapes?

La sénatrice LaBoucane-Benson : Sénatrice Batters, je m’attendais à cette question de votre part en particulier.

J’ai deux autres exemples. Parlons du ministère de l’Agriculture et de l’Agroalimentaire. En agriculture, on prévoit recentrer 17 millions de dollars la première année, puis 26 millions de dollars et, enfin, 39 millions de dollars en 2026-2027 et les années suivantes. Les sommes sont donc cumulatives au fil des ans.

Pour le ministère de la Défense nationale, on prévoit recentrer 810 millions de dollars en 2024, puis 851 millions de dollars en 2025-2026. En 2026-2027 et par la suite, on parle de 907 millions de dollars. Vous pouvez voir que de nombreux ministères apportent des changements. Je pense que le ministère de la Défense nationale pourrait être l’un des plus grands contributeurs parce qu’on parle de réductions de plus de 800 millions de dollars et de 900 millions de dollars. J’espère que je réponds à la question.

La sénatrice Batters : Cela aide un peu, même si, en ce qui concerne la défense, nous avons entendu de nombreux reportages sur des soldats canadiens qui vivent dans des conditions de logement épouvantables, et on sait que l’armée a vraiment du mal à recruter, notamment. Bien entendu, nous entendons constamment parler du manque d’équipement adéquat.

Que signifie le recentrage de 810 millions de dollars pour la défense au cours de cette année?

La sénatrice LaBoucane-Benson : Merci de votre question. Voici ce que j’ai ici, par exemple : la mesure d’économie no 1 concerne les déplacements; il s’agit de réduire les dépenses de déplacements de plus de 58 millions de dollars en 2024-2025 et par la suite. La mesure no 2 concerne les services professionnels; il s’agit de réduire les dépenses en services professionnels de 200 millions de dollars en 2024-2025 et par la suite. La mesure no 3 concerne le fonds général de fonctionnement; il s’agit de réduire les dépenses de 354 millions de dollars en 2024-2025 et de 264 millions de dollars en 2025-2026. La mesure no 4 concerne le cadre financier; il s’agit de réduire les dépenses pour les initiatives qui n’ont pas encore été lancées et qui sont prévues dans le cadre financier.

Il ne s’agit pas de logement. On cherche à réaliser des économies administratives à l’interne et, d’après les renseignements dont je dispose, il ne semble pas qu’on diminue les fonds destinés au travail, au logement et au bien-être de nos militaires.

L’honorable Elizabeth Marshall : Merci, sénatrice LaBoucane-Benson, pour vos remarques.

Honorables sénateurs, j’interviens à titre de porte-parole pour le projet de loi C-74, le deuxième projet de loi de crédits pour l’exercice 2024-2025. Ce projet de loi est fondé sur le Budget principal des dépenses, qui a été déposé par la présidente du Conseil du Trésor le 29 février dernier. Le budget principal prévoit des dépenses de 192 milliards de dollars qui doivent être approuvées par le Parlement. Sur ces 192 milliards, 74 milliards ont déjà été approuvés par le projet de loi C-68 en mars dernier. Par conséquent, ce projet de loi de crédits — le projet de loi C-74 — demande le reste des 192 milliards de dollars, soit environ 118 milliards de dollars.

Outre les 192 milliards de dollars qui doivent être approuvés par le Parlement dans le cadre de projets de loi de crédits, le gouvernement a déjà le pouvoir, en vertu d’autres lois, de dépenser 259 milliards de dollars supplémentaires.

Ces deux montants — les 192 milliards de dollars par l’entremise de projets de loi de crédits et les 259 milliards de dollars en dépenses législatives — totalisent 451 milliards de dollars, et c’est cette somme qui est détaillée dans le Budget principal des dépenses.

L’année dernière, le Budget principal des dépenses prévoyait des dépenses de 433 milliards de dollars, soit 18 milliards de dollars de moins que le montant inclus dans le budget principal de cette année. Toutefois, il est prématuré de comparer le budget principal de cette année à celui de l’année dernière, car les nouvelles dépenses seront approuvées dans des documents budgétaires ultérieurs, notamment le budget, l’énoncé économique de l’automne et d’autres projets de loi de crédits.

(2120)

Alors que le Budget principal des dépenses de l’année dernière indiquait des dépenses de 433 milliards de dollars, les dépenses réelles devraient s’élever à 497 milliards de dollars pour l’exercice qui vient de se terminer. Cela représente 64 milliards de dollars supplémentaires.

Toutefois, le gouvernement n’a pas encore déposé ses états financiers pour l’année dernière, de sorte que même ces 497 milliards de dollars peuvent encore changer.

La situation est semblable pour cette année. Alors que le Budget principal des dépenses de cette année indique des dépenses de 450 milliards de dollars, le budget présenté en avril estime que les dépenses cette année s’élèveront à 534 milliards de dollars. Cela représente une augmentation de 85 milliards de dollars, soit 20 % de plus.

Nous n’en sommes qu’au troisième mois de l’exercice. Il y aura donc des dépenses supplémentaires dans d’autres mesures législatives, notamment les projets de loi de crédits et l’énoncé économique de l’automne.

Chers collègues, le Canada franchit cette année trois jalons peu enviables : les dépenses seront supérieures à 500 milliards de dollars, le coût du service de la dette sera supérieur à 50 milliards de dollars et le gouvernement aura l’autorisation de porter la dette à plus de 2 billions de dollars.

Le ministère des Finances demande 145 millions de dollars. Indépendamment de ce montant, il a déjà l’autorisation de dépenser 143 milliards de dollars, un montant qui a été approuvé dans le cadre de mesures législatives autres que ce projet de loi de crédits.

Parmi les organismes inclus dans le Budget principal des dépenses, le ministère des Finances est celui qui a déclaré les dépenses les plus élevées jusqu’à présent cette année, ainsi que l’augmentation la plus forte par rapport aux dépenses prévues dans le Budget principal des dépenses de l’année dernière, soit 11 %.

Les 143 milliards de dollars de financement prévu par la loi comprennent 52 milliards de dollars pour le Transfert canadien en matière de santé, autorisé par la Loi sur les arrangements fiscaux entre le gouvernement fédéral et les provinces, et 42 milliards de dollars pour les intérêts sur la dette non échue, autorisés par la Loi sur la gestion des finances publiques.

La Loi sur les arrangements fiscaux entre le gouvernement fédéral et les provinces autorise également le ministère des Finances à verser 25 milliards de dollars au titre de la péréquation, 17 milliards de dollars au titre du Transfert canadien en matière de programmes sociaux et 5,1 milliards de dollars au titre du financement des territoires.

Les 52 milliards de dollars du Transfert canadien en matière de santé représentent le montant total qui devrait être versé au cours de l’année aux provinces et aux territoires. Il a augmenté par rapport aux 49,4 milliards de dollars de l’année dernière et aux 47,1 milliards de dollars de l’année précédente, soit 2022-2023. Le gouvernement a présenté ces informations dans son document budgétaire.

Les 42 milliards de dollars d’intérêts sur la dette non échue, qui figurent dans le budget principal des dépenses, ne représentent qu’une partie des charges de la dette publique du gouvernement, qui devraient augmenter pour atteindre 54 milliards de dollars cette année, comparativement à 47 milliards de dollars l’année dernière et 35 milliards de dollars l’année précédente.

La Banque du Canada a récemment réduit son taux directeur d’un quart de point de pourcentage. On ne sait pas encore quel sera l’impact sur les charges de la dette publique estimées à 54 milliards de dollars pour cette année.

Il convient de noter que le coût total des quatre programmes que j’ai mentionnés comme étant autorisés par la Loi sur les arrangements fiscaux entre le gouvernement fédéral et les provinces pour cette année est indiqué dans le budget principal des dépenses et qu’il n’a augmenté que de façon marginale par rapport à l’année dernière.

Cependant, les 42 milliards d’intérêts sur la dette non échue ne représentent qu’une partie des coûts du service de la dette du gouvernement, qui s’élèvent à 54 milliards de dollars et qui, comparés à ceux de l’année dernière, reflètent une augmentation de 15 %.

Le ministère de la Défense nationale demande 28,8 milliards de dollars dans ce projet de loi, contre 24,8 milliards de dollars l’année dernière. Le ministère est déjà habilité, par la voie d’autres textes législatifs, à dépenser 1,8 milliard de dollars.

Bien que le financement du ministère de la Défense nationale ait augmenté au cours des dernières années, celui qui est prévu dans le Budget principal des dépenses est important, en ce sens qu’il représente une augmentation de 15 %.

L’une des difficultés éprouvées par le ministère dans le passé a été d’utiliser les fonds approuvés, y compris ceux destinés à l’acquisition d’immobilisations telles que des avions, des navires, des munitions et d’autres projets. La politique de défense adoptée par le gouvernement en 2017 a établi un plan de dépenses en immobilisations de 164 milliards de dollars sur 20 ans : de 2017 à 2037 pour les projets d’immobilisations. Ce plan de 164 milliards de dollars a ensuite été porté à 215 milliards de dollars.

Cependant, dans un rapport publié plus tôt cette année, le directeur parlementaire du budget a indiqué qu’entre 2017 et 2023, il y avait un déficit cumulé de près de 12 milliards de dollars entre ce que le ministère a réellement dépensé et ce qui était initialement prévu dans la politique de défense du gouvernement de 2017.

Selon la nouvelle politique de défense du gouvernement, publiée en avril de cette année, le gouvernement dépensera 73 milliards de dollars supplémentaires pour des projets d’immobilisations d’ici 2044.

La nouvelle politique de défense prévoit également que les dépenses en matière de défense s’élèveront à 1,76 % du PIB en 2029-2030, alors que l’objectif stratégique de l’OTAN consiste à consacrer au moins 2 % du PIB aux dépenses pour la défense.

Étant donné les difficultés qu’a eues le ministère dans le passé à faire approuver le financement prévu par la politique de défense de 2017, la difficulté à dépenser les fonds fournis et les échéances ratées en raison de retards, il est difficile de déterminer si le ministère sera en mesure d’atteindre ses nouveaux objectifs. L’engagement du gouvernement à réduire les dépenses ministérielles dans certains domaines pourrait également avoir une incidence sur la capacité du ministère à atteindre ses objectifs.

Les 30 milliards de dollars prévus pour le ministère dans le Budget principal des dépenses comprennent un financement de 7,2 milliards de dollars pour plusieurs grands projets, dont le plus important est le projet de 1,3 milliard de dollars pour des navires de combat de surface canadiens. Ce projet, qui prévoit la livraison de 15 navires à la Marine royale canadienne, est considéré comme le plus grand projet de construction navale au Canada depuis la Seconde Guerre mondiale.

Selon la nouvelle politique de défense, la construction de ces nouveaux navires commencera cette année. Ce projet a suscité beaucoup d’attention et son coût a fait l’objet de plusieurs rapports du directeur parlementaire du budget.

Le financement de 7,2 milliards de dollars comprend également 553 millions de dollars pour les navires de soutien interarmées, 250 millions de dollars pour les 88 nouveaux avions de chasse F-35, ainsi que 240 millions de dollars pour les navires de patrouille extracôtiers et de l’Arctique.

Chers collègues, vous vous souviendrez peut-être que le Budget supplémentaire des dépenses (C) de mars comprenait 590 millions de dollars pour le projet d’aéronef multimissions canadien et 509 millions de dollars pour le projet d’avion stratégique de transport et de ravitaillement en vol.

Le ministère connaît également une pénurie de personnel au sein des Forces armées canadiennes. Le chef d’état-major de la Défense du Canada a récemment indiqué qu’il y a actuellement 16 500 postes vacants au sein de l’effectif autorisé combiné de la Force régulière et de la Force de réserve des Forces armées canadiennes — soit 101 000 postes —, ce qu’il explique par la combinaison de l’incapacité à attirer de nouvelles recrues et de l’incapacité à retenir les militaires instruits.

Le nombre de postes vacants est préoccupant. Bien que le ministère et le gouvernement se penchent sur la question des biens d’équipement, comme l’achat d’aéronefs et la construction de navires, ils ont tout de même besoin de personnel pour piloter et entretenir ces nouveaux aéronefs et faire fonctionner les nouveaux navires. Il est impératif que le gouvernement remédie à la pénurie de personnel.

Le ministère de l’Innovation, des Sciences et du Développement économique demande 5,9 milliards de dollars dans ce projet de loi de crédits, en plus des 196 millions de dollars qui ont déjà été approuvés dans le cadre d’autres projets de loi. Près de 90 % des fonds que demande le ministère sont destinés à des subventions et à des contributions, dont près de la moitié, soit 2,4 milliards de dollars, est allouée au Fonds stratégique pour l’innovation.

Le financement accordé au ministère de l’Innovation, des Sciences et du Développement économique dans le cadre du Budget principal des dépenses a plus que quadruplé au cours des neuf dernières années, passant d’un peu plus de 1 milliard de dollars en 2015-2016 à 6 milliards de dollars cette année.

En plus du Fonds stratégique pour l’innovation, il existe un certain nombre d’autres fonds au sein du ministère, notamment la Fondation canadienne pour l’innovation, le Fonds pour la large bande universelle et les Grappes d’innovation mondiales.

Le mois dernier, lors de leur témoignage devant le Comité des finances nationales, des fonctionnaires du ministère nous ont dit que ces programmes faisaient l’objet d’une vérification réalisée par les vérificateurs du ministère ainsi que par la vérificatrice générale du Canada.

Cependant, il n’y a eu qu’une seule vérification interne du Fonds stratégique pour l’innovation, et c’était en 2021. Toutefois, le Bureau du vérificateur général n’avait réalisé aucune vérification récente, jusqu’au mois dernier, quand le commissaire à l’environnement et au développement durable a publié son rapport sur le Fonds stratégique pour l’innovation.

Le Fonds stratégique pour l’innovation a été créé en 2017. Un rapport sur les répercussions du fonds publié en 2023 a indiqué que le total des subventions et des contributions versées jusqu’en 2023 s’élevait à 18,5 milliards de dollars, dont 8 milliards de dollars ont été accordés à l’Initiative Accélérateur net zéro.

(2130)

Ce fonds de 8 milliards de dollars vise à réduire les émissions de gaz à effet de serre et à contribuer à l’atteinte des objectifs climatiques du Canada pour 2030 et 2050 en incitant les entreprises manufacturières à réduire leurs émissions. En avril de cette année, le commissaire à l’environnement et au développement durable a publié un rapport critiquant vertement la gestion du fonds Accélérateur net zéro de 8 milliards de dollars par le gouvernement.

Le commissaire a déclaré que le ministère ne parvenait pas à inciter les industries manufacturières à fortes émissions à décarboner leurs activités dans le cadre de son initiative Accélérateur net zéro. De plus, le ministère n’a pas toujours respecté les normes internationales et gouvernementales pour estimer les réductions d’émissions et n’a pas appliqué systématiquement ses méthodes d’évaluation à l’ensemble des projets. Par conséquent, le commissaire à l’environnement et au développement durable ignorait parfois l’ampleur des réductions qui seraient réalisées grâce au financement reçu par chaque entreprise, ce qui était l’objectif principal du fonds.

Étant donné que près de 90 % des fonds du ministère sont versés sous forme de subventions ou de contributions se chiffrant en milliards de dollars, ces programmes devraient faire l’objet d’un audit rigoureux et d’une évaluation régulière afin de s’assurer qu’ils répondent aux objectifs du gouvernement.

Le directeur parlementaire du budget a témoigné devant le Comité sénatorial des finances nationales afin de discuter de son rapport sur le Budget principal des dépenses, et il a soulevé plusieurs questions. Il a évoqué l’engagement du gouvernement à recentrer et à réduire les dépenses publiques, comme annoncé dans le budget de 2023 et dans l’Énoncé économique de l’automne 2023.

Dans son budget de 2023, le gouvernement a annoncé la réorientation des dépenses gouvernementales : 14,1 milliards de dollars sur cinq ans pour la période allant de 2023 à 2028, et 4,1 milliards de dollars par année par la suite. Dans son énoncé économique de l’automne, le gouvernement a annoncé des réductions supplémentaires de 345 millions de dollars dans le prochain exercice financier, et de 691 millions de dollars par année par la suite. Il est intéressant de noter que les plus grandes réductions sont prévues dans les années à venir, et après les élections en 2025.

La somme de 14,1 milliards de dollars annoncée dans le budget de 2023 prévoyait 500 millions de dollars l’année dernière et des réductions de 2,3 milliards de dollars cette année. À compter de l’année prochaine, l’exercice 2025-2026, les réductions passeront à 3 milliards de dollars pour 2025-2026 et à 4 milliards de dollars pour les années ultérieures. De façon similaire, les réductions annoncées dans l’énoncé économique de l’automne ne commenceront pas cette année, mais plutôt l’an prochain, au cours de l’exercice 2025-2026.

Le gouvernement a publié sur son site Web la réorientation des allocations par ministère et par organisation. Le Budget principal des dépenses indique qu’on y tient compte de la réaffectation de 2,3 milliards de dollars pour l’exercice en cours. Toutefois, ces changements ne sont pas présentés séparément ou bien en évidence dans le document du Budget principal des dépenses. Par conséquent, nous ne pouvons pas déterminer quelles dépenses ont été réaffectées.

Lors de son témoignage, le directeur parlementaire du budget a reconnu que le gouvernement s’est engagé à réorienter les dépenses. Cependant, il a dit :

[...] ce ne sont pas vraiment des réductions de dépenses; ce sont des réductions très ciblées dans certains programmes pour mieux financer certaines autres dépenses.

Il a conclu en précisant ceci : « [...] il n’y a pas de réduction de dépenses dans l’ensemble du gouvernement. »

Tout au long de son témoignage, le directeur parlementaire du budget nous a rappelé que le Budget principal des dépenses ne donne qu’une image très partielle des dépenses du gouvernement. Il a ajouté que :

[...] le Budget principal des dépenses a été rédigé bien avant que le contenu du budget ne soit connu. Quand nous calculerons l’ensemble des dépenses du Budget principal des dépenses et du Budget supplémentaire des dépenses, nous constaterons probablement que les dépenses du gouvernement augmentent à un rythme soutenu.

Il a également commenté le coût et la viabilité des prestations versées aux aînés, qui sont estimées à plus de 80 milliards de dollars cette année et qui, selon ses estimations, s’élèveront à près de 100 milliards de dollars d’ici 2029.

En réaction à l’augmentation des frais de service de la dette, le directeur parlementaire du budget s’est dit préoccupé par le ratio dette-PIB, qui détermine la capacité d’un pays à prendre en charge le coût de sa dette. Il a dit que le gouvernement s’était engagé à réduire le ratio dette-PIB. Sa préoccupation, a-t-il dit, n’est pas le niveau du ratio dette-PIB :

[...] mais plutôt la tendance des budgets successifs et des énoncés économiques de l’automne à en retarder la baisse [...] au lieu d’assurer une diminution régulière, le gouvernement semble se contenter d’un modeste déclin année après année plutôt que d’avoir une diminution en ligne droite.

Si vous regardez les documents budgétaires de cette année, vous verrez que, la première année, les chiffres augmentent un peu, puis ils diminuent un peu. Il s’agit de très légères baisses.

Il a ajouté :

On le voit dans la manière dont il utilise la marge de manœuvre générée par la croissance économique meilleure que prévu; il a tendance à la dépenser plutôt que de l’utiliser pour réduire le déficit.

Ce qui nous préoccupe à propos de l’encours de la dette, c’est que [...] s’il devait se produire des chocs économiques qui font grimper les taux d’intérêt [...] les frais de la dette augmenteraient considérablement [...]

Enfin, il a dit :

C’est la préoccupation que de nombreux acteurs ont exprimée parce que l’encours de la dette a augmenté substantiellement et que les coûts du service de la dette augmentent également beaucoup.

Honorables sénateurs, l’une des difficultés intrinsèques à l’examen du Budget principal des dépenses, des budgets supplémentaires des dépenses (A), (B) et (C), ainsi que du projet de loi C-59, sur lequel nous venons de voter et qui mettra en œuvre l’énoncé économique de l’automne, et maintenant du projet de loi C-69, que nous débattons et qui mettra en œuvre le budget, c’est la tâche impossible d’assurer le suivi des dépenses du gouvernement.

Le Hill Times a récemment publié une série de trois articles de fond sur le processus budgétaire et le budget fédéral. L’énoncé économique de l’automne et le projet de loi C-59, ainsi que le budget de 2024 et le projet de loi C-69, font partie intégrante de ce processus. Le premier article de la série soutient qu’il est difficile d’assurer le suivi de l’argent dépensé.

En fait, il est impossible de faire ce suivi. Je le sais parce que j’essaie de suivre les dépenses du gouvernement depuis des années. Parmi les facteurs qui contribuent à cette situation, il y a le plan de dépenses du gouvernement, qui change tout au long de l’année, et le peu de renseignements que le gouvernement donne sur ces changements.

Le Budget principal des dépenses, qui propose le plan des dépenses du gouvernement pour chaque exercice financier, est déposé en mars, en même temps que les plans ministériels, juste avant le début du nouvel exercice financier. Avant que nous ayons fini d’examiner le Budget principal des dépenses, dont je parle maintenant, le gouvernement dépose son budget — nous en parlerons demain — qui détaille les nouvelles dépenses et un nouveau plan de dépenses. C’est là que commence le défi consistant à faire correspondre les nouvelles initiatives budgétaires avec les dépenses décrites dans les documents budgétaires ultérieurs.

Le budget est suivi du Budget supplémentaire des dépenses (A), dont je parlerai plus tard ce soir, et qui décrit les nouvelles dépenses et la mise en œuvre de certaines initiatives budgétaires, mais pas toutes. Ce dernier est suivi du Budget supplémentaire des dépenses (B), qui comprend quelques nouvelles dépenses et la mise en œuvre d’autres initiatives budgétaires, mais, encore une fois, pas toutes. Le Budget supplémentaire des dépenses (B) est suivi de l’Énoncé économique de l’automne, qui comprend un autre plan de dépenses. L’Énoncé économique de l’automne est suivi par le Budget supplémentaire des dépenses (C), qui comprend d’autres nouvelles dépenses, certaines initiatives budgétaires, mais pas toutes, et certaines initiatives de l’Énoncé économique de l’automne, mais pas toutes.

De nombreuses difficultés surgissent quand on cherche à suivre les dépenses d’un document à l’autre. L’un des défis consiste à déterminer où se trouve le financement des initiatives budgétaires. Il pourrait figurer dans le Budget supplémentaire des dépenses (A), (B) ou (C), ou peut-être pas, puisque le gouvernement peut inscrire les initiatives dans ces documents, mais ne le fait pas nécessairement. Il y a deux ans, le directeur parlementaire du budget a commencé à établir un rapprochement entre les initiatives budgétaires et le Budget supplémentaire des dépenses, mais cela demeure un défi pour les parlementaires et le directeur parlementaire du budget.

Ces problèmes sont étroitement liés à la réticence du gouvernement — ou à son refus, comme je le dis parfois — de fournir des détails sur ce qui est inclus dans certaines transactions. À titre d’exemple, une dépense de 500 millions de dollars annoncée dans l’Énoncé économique de l’automne concerne des mesures non annoncées. Aucune autre précision n’a pu être fournie. Le gouvernement affirme également que le cadre financier comprend déjà une réduction de coût de 300 millions de dollars pour les nouvelles initiatives, mais personne ne peut nous dire où cela se trouve, précisément, dans le cadre financier.

Quand il a participé à un balado du Hill Times, le directeur parlementaire du budget a résumé le processus budgétaire en ces termes : « C’est un véritable gâchis. »

Je vais m’arrêter ici, sans évoquer les défis que pose l’examen des Comptes publics du Canada, qui comprennent les états financiers vérifiés du gouvernement. Je me contenterai de dire qu’il n’est pas facile de tenter de comparer le budget et les budgets des dépenses avec les résultats financiers réels.

Voilà qui conclut mes observations au sujet du projet de loi C-74. Merci.

Son Honneur la Présidente : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

Une voix : Avec dissidence.

(La motion est adoptée et le projet de loi est lu pour la deuxième fois, avec dissidence.)

Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la troisième fois?

(Sur la motion de la sénatrice LaBoucane-Benson, la troisième lecture du projet de loi est inscrite à l’ordre du jour de la prochaine séance.)

(2140)

Projet de loi de crédits no 3 pour 2024-2025

Deuxième lecture

L’honorable Patti LaBoucane-Benson (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat) propose que le projet de loi C-75, Loi portant octroi à Sa Majesté de crédits pour l’administration publique fédérale pendant l’exercice se terminant le 31 mars 2025, soit lu pour la deuxième fois.

 — Honorables sénateurs, je vous remercie de me donner l’occasion de prendre la parole en tant que marraine du projet de loi C-75, qui vise à obtenir l’approbation des dépenses prévues dans le Budget supplémentaire des dépenses (A) de 2024-2025. Ce budget a été déposé à l’autre endroit par la présidente du Conseil du Trésor le 23 mai et au Sénat plus tard ce jour-là.

Comme le veut l’usage, une fois déposé au Sénat, le Budget supplémentaire des dépenses (A) a été renvoyé au Comité des finances nationales pour y être examiné et faire l’objet d’un rapport.

Je sais que nous souhaitons tous remercier le Comité des finances nationales du travail qu’il a fait à l’égard du Budget supplémentaire des dépenses (A) ainsi que le sénateur Carignan qui préside habilement le comité. Je tiens aussi à remercier la sénatrice Marshall, qui est la porte-parole pour le projet de loi C-74, le projet de loi C-75 et la Loi d’exécution du budget de cette année. Elle fait certainement des heures supplémentaires et travaille sans relâche. Elle pose d’excellentes questions lors des réunions de comité, et j’apprends beaucoup grâce à elle. Je lui en suis reconnaissante.

Comme je l’ai mentionné dans mes observations précédentes sur le projet de loi C-74, le Budget supplémentaire des dépenses contient généralement des dépenses qu’on n’était pas prêt à inclure dans le Budget principal des dépenses, comme la plupart des éléments annoncés dans le budget, ainsi que d’autres rajustements et éléments qui n’étaient pas prévus au moment où le Budget principal des dépenses a été rédigé.

Le projet de loi C-75 vise à obtenir l’approbation du premier des trois budgets supplémentaires des dépenses. Le Budget supplémentaire des dépenses (B) sera déposé à l’automne, et le Budget supplémentaire des dépenses (C) le sera l’hiver prochain.

Si le Budget supplémentaire des dépenses (A) est approuvé, les dépenses budgétaires votées augmenteront de 11,2 milliards de dollars, ou 5,8 %, pour atteindre un total de 202,8 milliards de dollars. Ce montant comprend 1,6 milliard de dollars liés à des postes annoncés dans le dernier budget.

Je rappelle que les montants figurant dans le budget des dépenses sont des plafonds. Il est possible que ces montants ne soient pas entièrement dépensés au cours de l’année. Les dépenses réelles sont publiées dans les rapports financiers trimestriels, et les dépenses totales figurent dans les comptes publics déposés chaque automne.

Une grande partie des nouvelles dépenses votées dans le projet de loi C-75 sont demandées par le ministère des Relations Couronne-Autochtones et des Affaires du Nord pour les règlements avec les peuples autochtones. Cela comprend 1,8 milliard de dollars pour les revendications relatives aux avantages agricoles. Cet argent servirait à mener les négociations et à verser les sommes nécessaires en ce qui a trait au règlement des revendications relatives aux avantages agricoles en vertu des traités no 4, 5, 6 et 10.

Dans ma collectivité, chers sénateurs, on appelle cela « les vaches et les charrues ». Il s’agit de questions non résolues depuis la signature des traités il y a plus de cent ans. Le gouvernement actuel s’efforce de respecter les promesses des traités, et c’est de cela qu’il est question. Dans ma collectivité, « les vaches et les charrues » sont très importantes.

On prévoit aussi 1,5 milliard de dollars pour le règlement relatif aux externats indiens fédéraux et aux élèves externes des pensionnats indiens. Ces fonds serviront à couvrir les paiements d’indemnisation ainsi que les frais administratifs et relatifs aux services juridiques qui sont liés à ces deux conventions.

Il y a 1 milliard de dollars pour renflouer le Fonds de règlement des revendications particulières. Cette somme tient compte des paiements prévus pour les règlements négociés et des indemnités qui pourraient être accordées par les tribunaux, un montant qui pourrait atteindre 150 millions de dollars. Les revendications particulières sont des griefs formulés contre le gouvernement fédéral concernant des manquements présumés à ses obligations découlant de traités historiques ou une mauvaise gestion des terres et des biens autochtones.

Encore une fois, ce sont des négociations très importantes menées par le gouvernement pour régler des différends qui perdurent depuis longtemps.

Le Budget supplémentaire des dépenses comprend également 447,9 millions de dollars pour régler des revendications historiques. Le gouvernement fédéral participe à des discussions actives concernant plusieurs de ces revendications. Le financement permettrait au ministère des Relations Couronne-Autochtones et des Affaires du Nord de mettre en œuvre rapidement les règlements négociés si des ententes étaient conclues.

Enfin, il y a 393,1 millions de dollars pour les revendications territoriales et les litiges connexes, ainsi que 303,6 millions de dollars pour un règlement prévoyant des indemnités pour les personnes placées dans des foyers familiaux indiens fédéraux.

Le Budget supplémentaire des dépenses (A) comprend aussi des dépenses supplémentaires pour Services aux Autochtones Canada. Par exemple, il y a 769,7 millions de dollars pour l’approvisionnement en eau et le traitement des eaux usées. Ces fonds serviront à construire de nouvelles infrastructures d’approvisionnement en eau et de traitement des eaux usées dans les réserves, à réparer et à mettre à niveau les réseaux existants, à exploiter et à entretenir les installations, à former les opérateurs des réseaux, à surveiller et à analyser l’eau, ainsi qu’à développer la capacité de gouvernance à l’échelon local.

Services aux Autochtones Canada demande également 633,5 millions de dollars pour améliorer les services qui ont une incidence sur l’offre de logements sûrs et adéquats pour les enfants dans les réserves. Cela s’inscrit dans le cadre de la réforme en cours des Services à l’enfance et à la famille des Premières Nations.

Le ministère de la Citoyenneté et de l’Immigration demande des fonds pour le soutien et les services aux migrants. Entre autres, il demande 411,2 millions de dollars pour le Programme fédéral de santé intérimaire, qui offre une protection limitée et temporaire en matière de soins de santé à certains groupes de ressortissants étrangers, notamment les demandeurs d’asile et les réfugiés, qui ne sont pas encore admissibles à un régime provincial ou territorial d’assurance-maladie.

Il demande également 314,5 millions de dollars pour le Programme d’aide au logement provisoire, par la voie duquel le gouvernement verse des fonds à des gouvernements provinciaux et à des administrations municipales pour répondre aux besoins en matière logement engendrés par l’augmentation du nombre de demandeurs d’asile.

Transports Canada demande 604,9 millions de dollars pour offrir des remises pouvant atteindre 5 000 $ à l’achat de véhicules à zéro émission admissibles. Cela contribuera à rendre ces véhicules plus abordables pour les Canadiens alors que nous nous efforçons d’atteindre l’objectif de réduction des émissions que le Canada s’est fixé pour 2030 et de parvenir à la carboneutralité d’ici 2050.

Anciens Combattants Canada demande 471,4 millions de dollars pour les paiements d’indemnisation et les frais administratifs liés au règlement du recours collectif Manuge, concernant des prestations d’invalidité insuffisantes payées à des anciens combattants sur une période de 20 ans, à partir de 2003.

Chers collègues, comme je l’ai dit plus tôt, 1,6 milliard de dollars des montants votés dans ce budget des dépenses se rapportent au financement annoncé dans le budget de 2024. Il s’agit notamment de quelques points que j’ai déjà mentionnés, à savoir les véhicules à zéro émission et les soins de santé pour les demandeurs d’asile.

Parmi les autres postes inclus dans le budget des dépenses, mentionnons les suivants : 141,2 millions de dollars pour l’hébergement temporaire et les services de soutien aux demandeurs d’asile; 121,3 millions de dollars pour l’Initiative : Les enfants inuits d’abord, qui fournit une gamme de services aux enfants inuits, notamment des services médicaux et thérapeutiques, des services relatifs aux infrastructures d’accessibilité telles que les rampes pour fauteuils roulants, ainsi que des services de tutorat et des camps d’été; et 100,5 millions de dollars pour l’Inuvialuit Regional Corporation au Yukon et aux Territoires du Nord-Ouest, afin de soutenir la mise en œuvre des lois sur les services à l’enfance et à la famille.

Honorables sénateurs, comme je l’ai souligné, les programmes et les services financés par les dépenses prévues par la loi dans le Budget supplémentaire des dépenses (A) auront un impact positif et concret dans la vie des gens partout au Canada.

Je vous invite à vous joindre à moi et à appuyer les investissements proposés en adoptant le projet de loi C-75. Merci.

L’honorable Elizabeth Marshall : Merci de votre discours, sénatrice LaBoucane-Benson.

Honorables sénateurs, le projet de loi C-75 est le troisième projet de loi de crédits de cette année et il s’appuie sur le Budget supplémentaire des dépenses (A). Le gouvernement demande l’autorisation du Parlement de dépenser 11 milliards de dollars et a indiqué qu’il avait déjà l’approbation législative de dépenser 1,4 milliard de dollars en dépenses budgétaires et 1,2 milliard de dollars en dépenses non budgétaires.

Les 1,4 milliard de dollars en dépenses budgétaires augmenteront le déficit du gouvernement. Les dépenses non budgétaires seront comptabilisées en tant qu’actifs ou investissements.

L’an dernier, le Budget supplémentaire des dépenses (A) prévoyait 454,8 milliards de dollars de dépenses pour 2023-2024, alors que le budget de 2023 prévoyait des dépenses de 490 milliards de dollars.

Cette année, le Budget supplémentaire des dépenses (A) prévoit 461,8 milliards de dollars de dépenses pour 2024-2025, alors que le budget de 2024 prévoit des dépenses de 534,6 milliards de dollars. Comme je m’attends à ce que les dépenses de 534,6 milliards de dollars prévues pour cette année augmenteront avec la publication de l’énoncé économique de l’automne, il est prématuré d’estimer le montant total des dépenses pour cette année.

(2150)

À peine trois mois se sont écoulés depuis le début de l’exercice financier, et nous nous attendons à voir bien d’autres demandes de financement dans le Budget supplémentaire des dépenses (B) et le Budget supplémentaire des dépenses (C), ainsi que dans l’énoncé économique de l’automne.

Les dépenses ont augmenté au cours des dernières années, passant de 272 milliards de dollars en 2014-2015 à 497 milliards de dollars l’année dernière et à 534 milliards de dollars selon les prévisions de cette année. Cependant, comme je viens de le dire, ce montant de 534 milliards de dollars n’est qu’un montant préliminaire, car il reste encore 9 mois et demi à l’exercice financier.

Le coût du service de la dette a également augmenté, passant de 24 milliards de dollars en 2014-2015 à 47 milliards de dollars l’année dernière, puis à 54 milliards de dollars cette année. Les fonctionnaires du ministère des Finances estiment que le coût du service de la dette continuera d’augmenter dans l’avenir, et on prévoit qu’il s’élèvera à 64 milliards de dollars en 2028-2029.

Comme il n’y a pas assez de recettes pour payer toutes les dépenses du gouvernement, le gouvernement emprunte chaque année, ce qui fait croître la dette. Le total des emprunts est passé de 967 milliards de dollars en 2016-2017 à 1,7 billion de dollars en date du 31 mars 2024, comme l’indique le rapport sur le pouvoir d’emprunt du gouvernement, qui a été publié le mois dernier. L’augmentation des emprunts, jumelée à la hausse des taux d’intérêt, fait croître le coût du service de la dette.

Le ministère des Relations Couronne-Autochtones et des Affaires du Nord demande la moitié des 11 milliards de dollars prévus dans le projet de loi C-75. Presque tous les fonds demandés par le ministère seront utilisés pour appuyer les revendications et les règlements, dont les principaux sont les suivants : 1,8 milliard de dollars serviront à négocier et à régler des revendications relatives aux avantages agricoles liés aux traités 4, 5, 6 et 10. Ces traités numérotés font partie d’une série de 11 traités conclus entre la Couronne et les Premières Nations entre 1871 et 1921.

Au total, 1,5 milliard de dollars seront utilisés pour payer les indemnités, les frais d’administration et les frais juridiques liés à deux règlements : le règlement relatif aux externats indiens fédéraux, connu sous le nom de règlement McLean, et le règlement pour les anciens élèves externes des pensionnats indiens, connu sous le nom de convention de règlement conclue dans le cadre du litige collectif de la bande de Gottfriedson.

La somme de 1 milliard de dollars servira à renflouer le Fonds de règlement des revendications particulières. Ce fonds réglera les revendications particulières qui résultent des griefs formulés contre le gouvernement fédéral concernant des manquements présumés à ses obligations découlant de traités historiques ou la mauvaise gestion des terres et des biens autochtones. Les règlements des revendications particulières et les indemnités accordées par les tribunaux, dont la valeur peut atteindre 150 millions de dollars, sont payés à partir du Fonds de règlement des revendications particulières, et la somme de 1 milliard de dollars demandée dans le projet de loi C-75 est établie en fonction des paiements prévus pour les règlements négociés et les indemnités accordées par les tribunaux.

Le ministère demande également des fonds pour d’autres réclamations et règlements, mais les trois dont je viens de parler sont ceux qui requièrent 1 milliard de dollars ou plus.

Lors de l’examen des demandes de financement pour les ententes de règlement de revendications particulières, le suivi de ces dépenses pose un certain nombre de problèmes. Elles ne sont pas transparentes. Le financement des ententes de règlement de revendications particulières peut être demandé dans plusieurs projets de loi de crédits sur plusieurs années. Par conséquent, il faut trouver ces montants dans de nombreux documents sur plusieurs années. Le financement des ententes de règlement de revendications particulières peut être demandé au cours d’un ou de plusieurs exercices dans un projet de loi de crédits, mais la dépense peut être inscrite au cours d’un exercice différent.

Certains règlements de revendications sont inscrits dans les comptes publics, c’est-à-dire les états financiers du gouvernement, en tant que « provision pour passif éventuel ». L’année dernière, ce poste a augmenté de 22,5 milliards de dollars, pour atteindre 76 milliards de dollars, mais nous ne savons pas de quels règlements de revendications il s’agit. Il est donc impossible de faire le lien entre les demandes de financement qui figurent dans les projets de loi de crédits pour les règlements de revendications et les états financiers du gouvernement.

Les demandes de fonds pour le règlement des revendications sont importantes et, par conséquent, il en est souvent question dans les réunions de notre comité. Lorsqu’il a discuté du règlement des revendications avec les membres du comité, le directeur parlementaire du budget nous a dit qu’il était un peu inquiétant de constater que le règlement des revendications avait tant augmenté. Il a dit que cela soulève la question de savoir dans quelle mesure le gouvernement contrôle fermement ces revendications. Il a ajouté que le processus de règlement des réclamations particulières et globales est très complexe. Le règlement des revendications correspond à des sommes importantes demandées dans de nombreux projets de loi de crédits. De plus, certaines revendications sont inscrites comme éléments de passif éventuel, tandis que d’autres sont incluses comme élément de passif dans la « provision pour passif éventuel ». Par conséquent, il est difficile d’obtenir un tableau complet de ces dépenses.

Le ministère des Finances prévoit 1,9 milliard de dollars de plus en dépenses budgétaires législatives liées au service de la dette publique. Ces dépenses sont autorisées par la Loi sur la gestion des finances publiques et ne sont donc pas incluses dans ce projet de loi, puisque le ministère a déjà ce pouvoir de dépenser.

Sur ces 1,9 milliard de dollars, 764 millions sont consacrés aux intérêts sur la dette non échue, et un peu plus d’un milliard aux autres frais d’intérêt. En raison de ces montants supplémentaires, le ministère des Finances indique que les intérêts sur la dette non échue s’élèvent à 42,7 milliards de dollars depuis le début de l’exercice, tandis que les autres frais d’intérêt s’élèvent à 5,6 milliards de dollars. Le récent budget indique que les frais de la dette publique sont estimés à 54 milliards de dollars cette année. Je m’attends donc à ce que les budgets supplémentaires des dépenses (B) et (C) fournissent des montants actualisés pour les frais de service de la dette pour l’exercice en cours.

Lors de notre rencontre avec le directeur parlementaire du budget, les sénateurs ont soulevé la possibilité que les frais de service de la dette soient réduits pour l’exercice en cours à la suite de la récente décision de la Banque du Canada. M. Giroux a indiqué que son bureau n’avait pas recalculé les frais de service de la dette du gouvernement pour l’exercice en cours.

Lors de notre réunion avec des représentants du ministère des Finances, on nous a dit que les incidences de la récente décision de la Banque du Canada de réduire le taux d’intérêt d’un quart de point de pourcentage n’avaient pas encore été déterminées et qu’elles seraient probablement communiquées dans l’Énoncé économique de l’automne.

Pour préciser la relation entre les chiffres du budget de 2024 et les prévisions à ce jour du Budget supplémentaire des dépenses (A), le Conseil du Trésor a fourni un tableau intitulé « Comparaison du budget fédéral de 2024 et des budgets des dépenses » parce que les chiffres ne correspondent pas. J’ai déjà fait des commentaires à ce sujet.

Même si certaines des données présentées dans ce tableau sont utiles, le tableau en soi est trompeur. Même si le Conseil du Trésor a inclus le Budget principal des dépenses et le Budget supplémentaire des dépenses (A) dans ses calculs visant à démontrer comment les dépenses du gouvernement vont atteindre les 534 milliards de dollars prévus dans le budget, il n’a pas inclus les sommes qui figureront dans les budgets supplémentaires des dépenses (B) et (C). Le Conseil du Trésor doit revoir ces renseignements financiers, car ils sont inexacts.

Le Budget supplémentaire des dépenses (A) est le premier document budgétaire présenté depuis le dépôt du budget de 2024. Il n’y a pas de nouvelles initiatives budgétaires dans le Budget principal des dépenses parce que celui-ci a été déposé avant le budget.

L’année dernière, le Budget supplémentaire des dépenses (A) prévoyait 7,2 milliards de dollars pour 17 initiatives budgétaires sur un total de 170. Cette année, le Budget supplémentaire des dépenses (A) ne prévoit que 1,6 milliard de dollars pour seulement 11 initiatives budgétaires sur un total de 200. On peut se demander pourquoi le gouvernement tarde autant à mettre en œuvre ses initiatives budgétaires. Même si le directeur parlementaire du budget peut émettre des raisons possibles, le gouvernement n’a toujours pas expliqué pourquoi la mise en œuvre des initiatives budgétaires se fait plus lentement que par le passé.

Dans le budget de 2023, le gouvernement s’est engagé à réduire les dépenses en experts-conseils, en services professionnels et en déplacements de 500 millions de dollars en 2023-2024 et de 1,65 milliard de dollars en 2024-2025. Il est trop tôt pour dire si les 500 millions de dollars ont été économisés l’année dernière. Nous pourrons peut-être le déterminer au dépôt des comptes publics, mais il est possible que les parlementaires n’arrivent pas à cerner la réduction de 500 millions de dollars.

Cependant, pour la réduction de 1,65 milliard de dollars en dépenses d’experts-conseils, en services professionnels et en déplacements de cette année, le financement approuvé pour les services professionnels et spéciaux pour l’année dernière à ce stade était légèrement supérieur à 20 milliards de dollars, alors que 19,8 milliards de dollars auront été approuvés à ce stade une fois que ce projet de loi aura été approuvé. Il s’agit d’une réduction d’environ un demi-million de dollars, mais, comme je l’ai dit, il est trop tôt dans l’exercice financier pour déterminer si les dépenses pour les services professionnels et spéciaux ont été réduites, puisqu’il reste encore neuf mois et demi dans l’exercice financier en cours.

Honorables sénateurs, je conclus mes observations sur le projet de loi C-75 en rappelant que nous n’en sommes qu’à la moitié de l’exercice financier et que ce projet de loi, de même que le projet de loi C-74 dont j’ai parlé plus tôt, reflètent des dépenses partielles et non complètes pour l’exercice financier en cours. Il y aura d’autres demandes de financement.

En outre, le Comité des finances poursuit son étude du Budget supplémentaire des dépenses (A), qui constitue la base de ce projet de loi. Voilà pour mes observations.

L’honorable Pamela Wallin : Je voudrais poser une question à la sénatrice Marshall. Vous avez examiné les chiffres et vous le faites certainement de manière plus approfondie que la plupart d’entre nous. À quel point êtes-vous inquiète?

(2200)

La sénatrice Marshall : Beaucoup de choses m’inquiètent. La dette m’inquiète beaucoup. Je sais que le sénateur Loffreda en a parlé plus tôt aujourd’hui lorsqu’il était question du projet de loi C-69, mais la dette ne cesse d’augmenter et elle augmente rapidement alors, évidemment, le coût du service de la dette augmente également.

C’est vrai que je porte attention aux détails de ce qui se trouve dans le budget, et j’ai remarqué une chose — j’en ai parlé aux fonctionnaires du ministère des Finances hier. Si on prend le montant que le gouvernement pense qu’il empruntera au cours des cinq prochaines années et si on regarde les chiffres du budget de 2023 concernant les montants qui seront empruntés chaque année, puis les mêmes chiffres dans le budget de 2024, on constate que les chiffres augmentent considérablement. C’est pour cette raison que je me demande si le gouvernement a le contrôle de la dette.

En ce qui concerne les dépenses, j’ai mentionné dans un de mes discours qu’elles ont augmenté de manière considérable. Ce que je constate dans le document du budget en ce qui concerne les dépenses affectées à l’administration de la fonction publique, quelque part autour de 150 milliards de dollars, je crois, c’est qu’elles suivent une trajectoire à la hausse marquée. Cette année, elles vont continuer d’augmenter, mais l’an prochain, tout à coup, elles seront réduites d’environ 8 milliards de dollars. Par la suite, il y aura un plafond. Quand j’ai examiné les chiffres, je me suis dit que cela n’est pas possible parce que le gouvernement dépense à un taux annualisé de 8 %. Comment pense-t-il tout arrêter en plein milieu?

L’autre chose qui me préoccupe, c’est que... J’en aurais pour toute la nuit à parler de mes préoccupations.

La sénatrice Batters : Encore, encore.

La sénatrice Marshall : L’autre chose qui me préoccupe, c’est qu’on mise beaucoup sur les recettes de 6,9 milliards de dollars tirées cette année de l’impôt sur les gains en capital — je ne me pencherai pas sur le bien-fondé de cette mesure fiscale. Si le gouvernement ne perçoit pas ce montant, il y aura un gros trou dans le budget. Par ailleurs, le gouvernement s’attend à récolter davantage de recettes au cours des prochaines années. Ces recettes doivent absolument se concrétiser.

Tous les chiffres semblent suivre cette trajectoire — tout augmente. Il n’y a aucune réduction. Même si le gouvernement affirme que, à l’avenir, il fera quelque chose, ce quelque chose ne se matérialise pas quand le temps est venu. Je ne sais pas si c’est un début. La prochaine fois que vous me poserez cette question, je pourrai vous en dire plus.

Son Honneur la Présidente : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

Une voix : Avec dissidence.

(La motion est adoptée et le projet de loi est lu pour la deuxième fois, avec dissidence.)

Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la troisième fois?

(Sur la motion de la sénatrice LaBoucane-Benson, la troisième lecture du projet de loi est inscrite à l’ordre du jour de la prochaine séance, avec dissidence.)

[Français]

Projet de loi no 1 d’exécution du budget de 2024

Présentation du dix-neuvième rapport du Comité des finances nationales

(Conformément à l’ordre adopté par le Sénat le 18 juin 2024, le Comité sénatorial permanent des finances nationales est autorisé à présenter son rapport.)

L’honorable Claude Carignan, président du Comité sénatorial permanent des finances nationales, présente le rapport suivant :

Le mercredi 19 juin 2024

Le Comité sénatorial permanent des finances nationales a l’honneur de présenter son

DIX-NEUVIÈME RAPPORT

Votre comité, auquel a été renvoyé le projet de loi C-69, Loi portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 16 avril 2024, a, conformément à l’ordre de renvoi du 19 juin 2024, examiné ledit projet de loi et en fait maintenant rapport sans amendement, mais avec des observations qui sont annexées au présent rapport.

Respectueusement soumis,

Le président,

CLAUDE CARIGNAN

(Le texte des observations figure aux Journaux du Sénat d’aujourd’hui, p. 2966.)

(Conformément à l’ordre adopté par le Sénat le 18 juin 2024, le projet de loi est inscrit à l’ordre du jour pour la troisième lecture immédiatement.)

L’ordre du jour appelle :

Troisième lecture du projet de loi C-69, Loi portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 16 avril 2024.

(Le débat est reporté à la prochaine séance du Sénat.)

[Traduction]

Projet de loi corrective de 2023

Troisième lecture

L’honorable Brent Cotter propose que le projet de loi S-17, Loi visant à corriger des anomalies, contradictions, archaïsmes ou erreurs relevées dans les lois et règlements du Canada et à y apporter d’autres modifications mineures et non controversables ainsi qu’à abroger certaines dispositions ayant cessé d’avoir effet, tel que modifié, soit lu pour la troisième fois.

 — Honorables sénateurs, je prends la parole au sujet du projet de loi S-17. Je me réjouis de voir que vous êtes encore très nombreux à être là, tard dans la soirée, à trimer dur sur une série de projets de loi mineurs, comme un projet de loi d’exécution du budget prévoyant plus de 500 milliards de dollars de dépenses, je crois, et sur un problème anodin d’ingérence étrangère. Pendant ces travaux marginaux, vous attendiez impatiemment l’étude du projet de loi corrective de 2023.

Vous vous souviendrez parfaitement, je l’espère, que lorsque j’ai pris la parole au sujet de ce projet de loi il y a quelques mois, j’ai noté qu’il apportait 543 modifications à la législation fédérale. À ce moment-là, j’ai parlé de 43 d’entre elles, alors il ne m’en reste que 500 à aborder. Je ne suis pas sûr du protocole, Votre Honneur, quant à savoir si je devrais demander dès maintenant plus du temps ou si je dois commencer mes 45 minutes et le demander à la fin.

Plus sérieusement, je tiens à remercier le sénateur Carignan, qui est le critique du projet de loi, ainsi que mes collègues du Comité des affaires juridiques et constitutionnelles pour tout le travail qu’ils ont accompli lors de l’étude de ce projet de loi, tant à l’étape de la rédaction en octobre 2023 que, plus récemment, au cours de l’étude du texte du projet de loi, en juin 2024.

Le programme de correction des lois nous permet d’utiliser un processus législatif spécial pour l’examen rapide des projets de loi de nature corrective, sans exercer de pression indue sur le temps du Parlement. Le projet de loi est de nature technique. Les modifications qu’il propose visent à ce que la législation canadienne respecte les normes les plus élevées non seulement en matière de rédaction législative, mais aussi en matière de bilinguisme, d’équité, de justice et de respect de la primauté du droit.

À cet égard, le projet de loi nous permet de supprimer certaines anomalies, incohérences, formulations désuètes et erreurs dans le recueil des lois. Il en résulte un recueil de lois clair, précis et actualisé, ce qui est bénéfique pour les Canadiens et facilite l’accès à la justice.

Le projet de loi qui nous est soumis est le treizième à être présenté dans le cadre de ce programme, qui a commencé en 1975 avec l’approbation du Cabinet et sous la direction du ministre de la Justice de l’époque, Otto Lang. Celui-ci a aussi été doyen de la Faculté de droit de l’Université de la Saskatchewan, je le souligne pour ceux d’entre vous que cela pourrait intéresser.

Le programme de correction des lois permet d’apporter des modifications mineures et non controversées à un certain nombre de lois dans le cadre d’un seul projet de loi. Dans le cas présent, on parle de 543 modifications. Sans ce programme, il faudrait toute une série de projets de loi pour proposer toutes ces modifications mineures, ce qui serait un fardeau tant pour l’autre endroit que pour le Sénat, alors qu’il s’agit seulement de corriger des erreurs mineures dans les lois fédérales.

Pour être retenue dans le programme de correction des lois, et subséquemment dans le projet de loi corrective, une proposition de modifications législatives doit répondre à cinq critères. Premièrement, elle ne doit pas être controversable. Deuxièmement, elle ne doit pas comporter de dépense de fonds publics. Troisièmement, elle ne doit pas porter atteinte aux droits de la personne. Quatrièmement, elle ne doit pas créer d’infraction ni étendre la portée d’un texte d’incrimination existant. Cinquièmement, elle ne doit pas modifier la Constitution du Canada pour porter l’âge de la retraite des sénateurs à 80 ans, malgré le vaste appui de la population à cet égard. Je continue d’essayer.

(2210)

Les propositions de modifications sont ensuite regroupées dans un document de propositions, ce qui s’est produit à l’automne dernier. Ce document est déposé au Sénat et à l’autre endroit.

Les modifications proposées doivent ensuite être examinées par le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles et par le Comité permanent de la justice et des droits de la personne de l’autre Chambre. Tous deux étudient le document de propositions. L’approbation des modifications proposées requiert le consensus des comités afin d’assurer que le projet de loi n’est pas controversable et qu’il répond aux autres critères.

Au cours de ce processus, si un comité ou un membre d’un comité s’oppose à une proposition de modification, celle-ci est supprimée et le document de propositions continue à partir de là.

Je tiens à remercier les membres du comité sénatorial de leur persévérance dans ce dossier. Je remercie plus particulièrement le sénateur Dalphond — qui ne semble pas être resté pour mon discours — d’avoir proposé une approche très disciplinée pour notre étude, ainsi que les nombreux fonctionnaires de nombreux ministères qui ont assisté à nos réunions et nous ont aidés dans le cadre de nos délibérations. Quand je dis qu’ils sont nombreux, je parle de dizaines de personnes. D’ailleurs, notre greffier a dû utiliser tellement de petits cartons blancs pour inscrire le nom de tous les témoins que notre comité est fauché, alors nous ne pourrons plus prendre de café pendant quelques années.

Plus sérieusement, on a soumis le contenu du projet de loi dont nous sommes saisis aujourd’hui à ce processus pour veiller à ce que les modifications proposées répondent à ces critères non controversés.

On a ensuite présenté ces propositions dans un document. Le ministère de la Justice a étudié ces propositions et les a incluses dans le projet de loi qui a été présenté le 16 juin 2023 à l’autre endroit, et le 20 juin 2023 au Sénat. Ensuite, comme je l’ai dit, le projet de loi a été renvoyé aux comités.

Lors de l’étude en comité, quatre des modifications proposées ont été retirées. Trois autres ont été retirées parce qu’elles se trouvent dans d’autres mesures législatives. Aucune de ces modifications ne se trouve dans les propositions à l’étude aujourd’hui.

Lors de l’examen le plus récent du projet de loi, qui a été mené par le comité sénatorial après l’étape de la deuxième lecture, deux autres dispositions ont été supprimées parce qu’elles se trouvent dans une autre initiative législative, plus précisément le projet de loi d’exécution du budget, lequel a rendu deux des modifications désuètes. Les fonctionnaires l’avaient d’ailleurs relevé. En fait, le sénateur Carignan a noté ces modifications lorsqu’il s’est réjoui avec sagesse du retour du projet de loi au comité. Comme je l’ai dit, ces deux dispositions étaient essentiellement devenues désuètes, et les fonctionnaires ont bien relevé les redondances.

Je devrais également dire que l’examen plus poussé par le comité dans les dernières semaines a permis au sénateur Carignan et à la sénatrice Oudar d’examiner une série de dispositions dont ils voulaient discuter avec les fonctionnaires. À mon avis, il s’en est suivi un débat sain et un examen des modifications mêmes les plus modestes.

En tout, ce projet de loi modifie 57 lois — 543 dispositions —, dans la plupart des cas en raison de la qualité du processus que j’ai décrit. J’ai décrit différentes catégories de modifications; je vais en mettre deux ou trois en relief. Vous constaterez qu’il s’agit de modifications mineures, mais pas anodines. Il y a le changement du nom de la Commission de révision agricole du Canada, qui était mentionné à plusieurs endroits dans les lois. D’autres modifications concernent le changement du nom officiel de cours supérieures. Par exemple, Terre-Neuve-et-Labrador et l’Île-du-Prince-Édouard ont changé le nom de leurs cours supérieures. Celles-ci sont souvent mentionnées dans les lois fédérales, et il fallait donc y changer leur nom. Des modifications ont également été apportées pour actualiser la terminologie genrée dans nos lois.

[Français]

Le projet de loi contient aussi quelques modifications relatives à la terminologie utilisée en français dans certaines lois. Par exemple, plusieurs dispositions remplacent les termes « vérificateur » par « auditeur » et « vérification » par « audit ». Dans cette situation, l’objectif est d’uniformiser les références dans le corpus législatif fédéral pour qu’elles correspondent aux normes internationales.

[Traduction]

Comme je l’ai dit, les modifications apportées au projet de loi sont conformes aux quatre critères du programme. Bien que ce projet de loi ne change pas la vie des gens, il s’agit d’un exercice nécessaire. Je crois que, peu importe le parti au pouvoir, nous entreprendrons un exercice similaire au cours des prochaines années, et ceux d’entre vous qui n’auront pas atteint l’âge de 80 ans seront ici pour l’étudier.

Nous sommes un pays régi par des lois et par la primauté du droit. Il est donc extrêmement utile que les lois dont nous disposons soient justes, claires, à jour et que leurs versions française et anglaise soient alignées, conformément aux attentes des parlementaires et des Canadiens.

Honorables sénateurs, je vous remercie de m’avoir donné l’occasion de parler de ce projet de loi. J’exhorte tous mes collègues à l’appuyer. Il semble que je n’aurai pas besoin de demander plus de temps, finalement. Merci. Hiy hiy.

[Français]

Son Honneur la Présidente : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

(La motion est adoptée et le projet de loi modifié, lu pour la troisième fois, est adopté.)

Le Sénat

Adoption de la motion tendant à autoriser l’accès aux photographes à la cérémonie de la sanction royale

L’honorable Patti LaBoucane-Benson (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat), conformément au préavis donné le 18 juin 2024, propose :

Que des photographes autorisés puissent avoir accès à la salle du Sénat pour photographier la prochaine cérémonie de la sanction royale, d’une manière qui perturbe le moins possible les travaux.

Son Honneur la Présidente : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

Une voix : Avec dissidence.

(La motion est adoptée avec dissidence.)

(À 22 h 19, conformément à l’ordre adopté par le Sénat le 5 juin 2024, le Sénat s’ajourne jusqu’à midi demain.)

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